28 Novembre 2011
J’avais beaucoup d’autres choses à vous dire après une semaine partagée entre le service de la pomme et le congrès des maires.
Mais voilà j’ai consacré bien plus de temps que prévu hier pour rédiger le rapport moral que je dois à mon association. La
lecture peut intéresser certains parmi vous qui n’assisteront par à l’assemblée générale jeudi après midi et vendredi
matin. Je reviens vers vous en fin de semaine pour parler du pays, des communes et des élus courageux et visionnaires.
Assemblée générale de l’ANPP du 2 décembre 2011.
Rapport moral du président.
Nous avons crée l’Association Nationale Pommes Poires il y a tout juste trois ans. Souvenez-vous, après que les pouvoirs publics aient décidé de mettre un terme aux comités économiques régionaux, tout au long de l’année 2008, nous nous sommes
interrogés pour savoir ce que nous avions envie de faire ensemble et sous quelle forme nous souhaitions nous
associer.
La longue histoire de notre travail collectif, dans le cadre des sections régionales et nationales, nous avait appris la nécessité
d’être réunis pour travailler les questions collectives qui ont un effet de levier direct ou indirect sur nos résultats
économiques individuels.
En revanche, nous savions aussi d’expérience que les dispositifs réglementaires, qu’ils soient nationaux ou européens, sont
changeants et que pour durer, il nous fallait cette fois ci nous associer librement, en toute indépendance du contexte
politique et syndical du moment. C’est ce que nous avons fait.
Ce n’est donc qu’après avoir créé l’Association Nationale Pommes Poires et après avoir vérifié que nous réunissions bien les critères
nécessaires, que nous avons sollicité une reconnaissance en tant qu’Association d’Organisations de Producteurs Nationale
de gouvernance.
Ce statut nous a permis de bénéficier d’une petite aide au démarrage instituée par les pouvoirs publics, récurrente
annuellement jusqu’à aujourd’hui, que nous avons affectée au financement d’actions et d’équipements structurants. En
revanche, la majoration de l’aide à la rénovation du verger qui devait bénéficier aux adhérents de l’AOP a été annulée
cette année. La perspective d’une extension des règles nationale pour faire contribuer aux actions collectives les producteurs non adhérents est devenue aussi tout à fait improbable.
Le statut d’AOP, même sans fonction commerciale ni transfert de propriété, oblige à une évaluation préalable à la reconnaissance du
risque éventuel pour l’AOP de se trouver en position dominante sur son marché pertinent, si elle décidait de
commercialiser effectivement toute la production des membres. Au-delà du caractère parfaitement ubuesque de cette
contrainte, elle est en totale contradiction avec notre volonté de réunir à terme la quasi-totalité de la production de pommes et de poires de France. Il est à noter
d’ailleurs que nous sommes en bonne voie puisque la part de la récolte française issue des membres de l’association
augmente régulièrement depuis 2008.
Si l’on considère aussi qu’il devient très difficile de percevoir concrètement en quoi consiste la légère dérogation au droit de la
concurrence sensée être accordée aux AOPN de gouvernance, l’enjeu du maintien de la reconnaissance de l’ANPP en tant
qu’AOPN est devenue à mon sens parfaitement secondaire par rapport à nos objectifs communs.
Comme au premier jour, nous devons continuer de décider par nous-mêmes de notre stratégie, avec nos propres moyens et dans le cadre
ordinaire du droit commun éprouvé. Bien évidemment, nous continuerons d’accueillir chaleureusement tous les soutiens
extérieurs des partenaires qui partagent nos objectifs et qui souhaitent contribuer à notre réussite.
Où en sommes-nous de la mise en œuvre du projet qui a motivé notre adhésion à l’association ? Que devons nous encore accomplir
pour que nos comptes de résultats individuels bénéficient plus nettement de notre travail collectif ?
L’association réunit aujourd’hui 1388 producteurs. 1314 d’entre eux sont en OP et récoltent plus de 80 % du tonnage issu
des 19635 hectaresdes vergers adhérents. 16 expéditeurs qui appartiennent, ou qui sont très liés à la production, sont
également adhérents, tout comme 5 bureaux centralisateurs qui commercialisent les fruitsdestinés à la transformation et 4
stations d’expérimentation. La récolte 2011 des adhérents de l’ANPP dépassera cette année les 900 000 tonnes de
pommes et de poires. Nous nous rapprochons du million de tonnes que nous nous sommes fixé comme premier objectif lors de
la création de l’ANPP. Si dans chaque région nous devons améliorer notre représentativité, c’est bien sûr dans le Sud Est que les marges de progrès à accomplir sont les plus significatives.
Nous devons pour cela reconduire dans les mois qui viennent les conseils d’administration en région précédés de visites d’entreprises
et suivis de réunions ouvertes aux non adhérents. Au-delà de cette démarche nous devons identifier et rencontrer les
producteurs significatifs qui ne nous ont pas encore rejoints pour faire connaître le contenu et l’intérêt de notre
travail collectif.
En matière d’intelligence économique, nous disposons maintenant de tableaux de bord et d’informations sur les productions et les
marchés en France et dans le monde qui nourrissent utilement les réunions d’échanges entre les membres que nous animons
ainsi que les lettres d’information qui vous sont adressées très régulièrement. Inventaire verger, prévisions de récolte,
récoltes réelles, suivi des stocks, suivi hebdomadaire des quantités mises en marché en France et en dehors, suivi plus
spécifique des expéditions lointaines et de la transformation, mercuriales, autant d’indicateurs pertinents qui doivent
bien sûr encore se perfectionner pour éclairer les décideurs que vous êtes. Au-delà des obligations déclaratives que nous nous sommes données en adhérant à l’association, la
collaboration volontaire de plusieurs metteurs en marché a permis d’aller plus loin dans la précision et la qualité du
suivi des données. Je suis convaincu que nous pouvons encore élargir le cercle des participants à ce travail compte tenu
de l’intérêt individuel et collectif que chacun y trouve. J’encourage ceux qui ne sont pas encore dans le dispositif à le rejoindre.
C’est dans le domaine du marketing que nous avons opéré cette année la réorientation la plus radicale mais aussi la plus
indispensable à la réussite de l’association. L’adhésion volontaire à l’ANPP nécessitait de réserver le bénéfice du
travail collectif aux seuls fruits des vergers de l’association. Il se trouve que les pommes et les poires issues des membres de l’ANPP ont une origine contrôlée. Elles proviennent toutes
de vergers qui respectent la charte qualité des pomiculteurs de France. Ce système qualité, qui a près de quinze ans
aujourd’hui, a fait le choix audacieux et original de s’inscrire très tôt dans le développement durable pragmatique et
sans à priori dogmatique. La création d’un identifiant compréhensible par le grand public a tout simplement permis de réserver tous les efforts marketing aux seuls fruits issus des vergers écoresponsables des membres de l’ANPP.
Les efforts promotionnels auprès de la distribution et des consommateurs français, qui représentent l’essentiel du budget
de l’association, associés à la marque « vergers écoresponsables » justifient presque à eux seuls
l’adhésion à l’ANPP. En tout cas, la proposition que nous avons faite à chaque arboriculteur de l’association d’identifier
« écoresponsable » son verger et de le faire savoir à eu un franc succès. Montrer que derrière les fruits il y a des hommes et des femmes qui travaillent au quotidien avec le souci de
la protection de l’environnement et de la satisfaction du consommateur est un autre objectif que nous nous sommes donné et
qui est en passe d’être atteint. Aux côtés de l’agriculture biologique, dont l’efficacité marketing du logo AB est garantie par la communication de l’autorité publique et par tous les relais d’information, la marque « vergers écoresponsables » a bien commencé à
poindre cette année.
Notre choix de nous doter de l’assistance d’une agence de relation presse a permis de mieux utiliser les leviers de communication pour
faire passer nos messages auprès du public à moindre coût. Nous devons poursuivre ce relationnel constant avec les médias
« classiques » et étendre maintenant notre présence sur les réseaux sociaux et internet où d’autres savoir faire
sont nécessaires.
Les attaques médiatiques auxquelles nous avons eu à faire face cette année justifient à elles seules les moyens collectifs que nous
devons pouvoir mobiliser pour y répondre. La réactivité dont nous avons su faire preuve ensemble dans le Limousin pour
soutenir des arboriculteurs victimes de l’arrêté du 12 septembre ou contre un reportage de télévision diffamant est de bon
augure pour la maîtrise de prochaines épreuves qui ne manqueront malheureusement pas de survenir.
L’agenda du travail de l’ANPP est aussi, il faut le savoir, assez souvent fixé par les pouvoirs publics. Nous avons encore été très
mobilisés cette année pour anticiper les initiatives malheureuses du législateur ou tenter d’en limiter les conséquences.
L’obligation de joindre le bon de commande à la palette lors de l’expédition tout comme la contractualisation obligatoire
d’une durée de trois ans entre le producteur et son premier acheteur, toutes dispositions instituées par la LMA, ont nécessité un nombre incalculable de réunions et quelques frais d’avocat sans faire malheureusement progresser d’un iota le schmilblick à ce jour. Chacun sait que c’est évidemment la loi qu’il
faudra modifier.
Nous partageons pourtant parfaitement l’objectif de la maîtrise du prix de vente par le producteur poursuivi par la LMA et l’OCM
fruits et légumes.
Un célèbre arboriculteur des Deux Sèvres me rappelait que dans les années 50, les paysans des Gâtines cueillaient les Reinettes
Clochard des rangées de pommiers qui bordaient les chemins et les laissaient au pied des arbres, sous une bâche, dans
l’attente du négociant qui passerait tôt ou tard pour les acheter à son prix. Il se souvient encore du conseil impératif
que lui avait donné son père au moment où il décida de devenir agriculteur lui-même : « Mon fils, ne laisse jamais ta production au bord du chemin ». Il a suivi
le conseil et s’est organisé pour rester maître de la décision de son prix de vente.
Les producteurs de l’ANPP ont eux aussi résolument fait le choix de ne pas laisser leur production au bord du chemin.
Un producteur conscient de son entière responsabilité au regard du prix de vente qu’il accepte pour ses pommes est un producteur qui
seul ou avec d’autres se donne les moyens de son indépendance et se met en situation d’être un acteur économique majeur
qui revendique la responsabilité de son destin. C’est en adoptant ce parti prix exigeant que l’on trouve les voies de
l’amélioration de son résultat économique. L’ANPP revendique avec enthousiasme cette dimension entrepreneuriale conforme à la volonté de chacun de ses membres.
En aucun cas l’amélioration du prix de vente ne pourra être obtenue par l’entente, d’abord parce que c’est interdit, mais aussi plus
surement parce que c’est impossible, compte tenu du nombre et de la diversité des metteurs en marché, tout comme du nombre
et de la diversité des variétés et des qualités concernées. C’est donc en confortant la solidité de ses metteurs en
marché, informés de tous les paramètres de l’offre et de la demande et capables de dire non, que l’ANPP peut contribuer à l’amélioration des résultats économiques de chacun.
L’ANPP a nettement démontré cette année, de mon point de vue, son professionnalisme dans tous les domaines que je viens d’évoquer,
intelligence économique, système qualité, marketing sous label écoresponsable, lobbying législatif et réglementaire,
revendication des moyens de notre compétitivité.
Au-delà, l’ANPP, seule ou collectivement au travers de GEFEL dont nous sommes un membre très actif, en partenariat avec FELCOOP et
le syndicalisme, a affirmé sa présence auprès de l’Etat et de tous les organismes qui ont une implication dans l’économie
de la pomme et de la poire, CNT, CNFO, FAM, ministère de l’agriculture, de l’écologie, des finances, AFIDEM, INTERFEL, INRA et CTIFL.
Nous avons aussi activement travaillé avec WAPA, ASSOMELA et quelques autres partenaires.
Si nous avons encore beaucoup d’efforts et de progrès à faire dans tous ces domaines, il y a tout un champ d’action ou nous devons
vraiment nous investir activement pour que l’amélioration des résultats économiques des membres de l’ANPP soit plus
probante.
La mise en place au 1eraout de l’accord interprofessionnel du
calibrage au poids en fait partie. La parfaite réussite de cette évolution souhaitée depuis bien longtemps aurait nécessité un important travail pédagogique et d’écoute
avec l’ensemble des acteurs concernés de l’amont et de l’aval. Ce travail n’a été réalisé que très partiellement, faute de
temps disponible. Le grand cafouillage auquel nous avons assisté et qui dure encore aurait du être évité. A la place nous
aurions pu avoir immédiatement les effets positifs attendus aussi bien en station fruitière que chez les acheteurs et jusqu’au rayon pour les consommateurs.
Pour cela nous devons être en relation constante avec les metteurs en marché de l’association, les responsables pommes et poires de la
distribution et des principaux grossistes et détaillants, les organisations professionnelles de l’aval, en France bien
sûr, mais aussi en dehors. Cette relation personnelle permanente est une nécessité pour comprendre et analyser les
spécificités annuelles de l’offre et de la demande et proposer des stratégies adaptées.
Cela aurait été utile aussi, par exemple, pour mieux faire prendre en compte à nos acheteurs le calibre moyen plus élevé que
d’habitude cette année.
L’expédition de Granny Smith immatures cette été a été dénoncée comme très dangereuse pour la suite de la campagne, en ce que les
consommateurs déçus ne reviennent pas à l’achat. Dans ce domaine encore, la définition de règles et la discussion d’un
accord interprofessionnel nécessite de l’expertise et du temps.
La négociation de bonnes pratiques commerciales et contractuelles qui viseraient par exemple à limiter les coûts logistiques liés au
fractionnement des commandes et des palettes ou à contenir aussi les emballages plastics qui rendent anonyme l’origine,
est un travail de chaque jour qui doit être conduit par l’ANPP pour améliorer très directement les conditions du
marché.
L’animation du réseau des membres de l’ANPP, l’écoute de chacun pour déceler les questions collectives à traiter pour améliorer les
équilibres du marché, nécessite une implication plus constante au plus près des entreprises de l’ANPP.
C’est aussi la condition pour que l’information apportée par l’ANPP sur la situation de l’offre et de la demande et les cotations
réelles soit plus nourrie, plus précise, afin de renforcer les positions des metteurs en marché en les rendant moins
sensibles à la désinformation et aux rumeurs incontrôlées.
Que ce soit dans le domaine des fruits destinés à la transformation pour lesquels le regroupement de l’offre doit permettre d’obtenir
plus de valeur auprès des industriels, que ce soit pour développer l’offre vers les pays émergents de plus en plus
demandeurs, l’ANPP doit toujours être à la manœuvre.
Pour tout cela aussi, l’élaboration d’un projet stratégique partagé pour la pomme et la poire en France est une nécessité. C’est la
meilleure façon de coordonner les énergies et de permette aux acteurs d’investir avec une meilleure lisibilité des
objectifs et des moyens nécessaires pour les atteindre.
C’est vers cette implication économique très concrète que je vous propose d’orienter les efforts de l’ANPP dans les mois qui viennent.
L’effet synergique avec les champs d’action déjà bien travaillés à ce jour sera, je le pressens, très sensible.
Prognosfruit aura lieu cette année à Toulouse les2, 3 et 4 aout. Je souhaite que la participation des adhérents de l’ANPP soit conséquente et témoigne auprès de nos collègues européens et d’ailleurs de notre
ambition d’être plus que jamais un acteur majeur de la production et de la commercialisation de la pommeet de la poire en
France et dans le monde.
Je tiens à remercier très vivement et très chaleureusement toute l’équipe de l’ANPP pour son implication très forte aux côtés du
Conseil d’Administration et de vous tous. Je salue personnellement et en votre nom leur dévouement et leur capacité
d’adaptation vers cette entreprise au service de ses seuls membres que nous avons créée.
Je remercie aussi très vivement Béatrice Chauffaille qui a accepté d’animer la commission marketing, Louis Luc
Bellard pour avoir accepté la fonction de trésorier et tous les membres du conseil d’administration qui s’impliquent pour
la réussite de notre projet.
Le soutien, mais aussi les critiques que vous m’adressez sans détour, m’encouragent à poursuivre les efforts que nous menons vers
encore plus de résultats concrets et mesurables pour notre action collective.
Merci de votre attention.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
Voir le profil de Daniel Sauvaitre sur le portail Overblog