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Qui veut l'heure et l'argent de l'heure?

La prévision de croissance de la France pour 2012 a été revue à la baisse. A ce jour, elle est estimée à moins de 1% par à peu près tout le monde, gouvernement y compris. Des économies budgétaires supplémentaires ont donc du être trouvées pour tenter de contenir le déficit des comptes publics du pays dans les limites prévues antérieurement. Mais comme elles sont une nouvelle fois notoirement insuffisantes, c’est du côté de nouvelles recettes par l’impôt que la créativité politique gouvernementale s’est le plus franchement exprimée.

 

C’est dans cette ambiance de cercle vicieux dépressif, (moins de croissance, plus de déficit, plus d’impôt), que chaque responsable politique y va de sa proposition et de sa désignation des coupables. Pour l’opposition, aux côtés des riches et des cadeaux qui leurs ont été faits par le Président, figure en bonne place ce qu’ils appellent la « défiscalisation des heures supplémentaires » issue de la loi TEPA (Travail, Emploi et Pouvoir d’Achat) de 2007.

 

Le président socialiste de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, Jérôme Cahuzac, interviewé par le JDD paru le 6 novembre reprend à son compte l’argument et dit ceci : « Un rapport parlementaire bipartisan fait un bilan sévère de la mesure sur les heures supplémentaires. Elle ne permet pas de travailler plus : il y en a autant en 2011 qu’en 2006. Le coût, 4,5 milliards d’euros par an, est celui d’un pur effet d’aubaine ». Défiscalisation, effet d’aubaine, coût élevé et inutile, autant d’expressions qui combinées avec l’inefficacité  supposée de la mesure devrait conduire illico vers sa suppression, d’autant plus que l’appréciation est nous dit-on assez partagée des deux côtés de l’échiquier politique.

 

La question est de savoir si ce que l’on comprend des critiques qui sont formulées sur ce dispositif correspond bien à la réalité. Parce que ce qu’expriment les politiques, essentiellement de gauche quand même, tout comme  ce que certains commentateurs nous assènent à longueur d’éditoriaux, désigne les bénéficiaires du système comme étant plutôt les employeurs, les patrons. En effet ceux-ci n’ayant, semble t-il, pas de charges sociales à payer sur les heures supplémentaires auraient intérêt à en proposer à leurs salariés plutôt qu’à embaucher plus. D’où l’inutilité de la mesure.

 

Heureusement mes chers lecteurs, une fois de plus vous allez avoir le privilège de l'accès sur ce blog à la vraie vérité toute simple qu’aucun journaliste ou éditorialiste n’a réussi à ce jour à opposer à l’enfumage orchestré lourdement par bon nombre de politiques. Le journalisme d’investigation non aveuglé par les croyances et les dogmes a encore de beaux jours devant lui.

 

Regardons la chose par le petit bout de la lorgnette. Prenons l’exemple d’un salarié rémunéré à 10 euros de l’heure. Déduction faite des charges sociales qui lui sont retenues, il perçoit à peu près 7.85 euros. Depuis la loi TEPA, s’il effectue une heure supplémentaire, il est payé 12.50 euros brut et encaisse presque autant en net, soit 12. 33 euros. Une légère diminution puisque l’absence de retenue sur les heures supplémentaires est plafonnée à 21.5 %. Ce qui fait quand même que le net perçu pour une heure supplémentaire est 60% plus élevé qu'une heure normale. L’effet de levier de l’absence de retenue associée à la majoration de 25% est assez spectaculaire non ? Il faut aussi rappeler que la majoration de 25% pour les heures supplémentaires a été généralisée aux entreprises de moins de 20 salariés avec la loi TEPA. Elle n’était que de 10% depuis la loi sur les 35 heures. Et cerise sur le gâteau, le revenu des heures supplémentaires n’entre pas dans l’assiette imposable du salarié. Il ne fait aucun doute que le travail au-delà des 35 heures hebdomadaires est devenu nettement plus attrayant pour un salarié depuis la loi TEPA et cela est parfaitement perçu à la lecture de la feuille de paie, je peux vous l’assurer.

 

Qu’en est-il alors de l’avantage pour l’employeur ? L’heure supplémentaire est rémunérée 25% de plus qu’une heure normale et il bénéficie d’une déduction forfaitaire de 0.50 euro sur les charges sociales patronales s’il emploie plus de 20 salariés et de 1.50 euro s’il est en dessous de ce seuil. Donc pour un salaire horaire de 10 euros, l’heure supplémentaire coûte bien 20 % de plus qu’une heure normale à une entreprise de plus de 20 salariés et 10% de plus en dessous de ce seuil. A cette aune, il me semble que l’effet d’aubaine pour l’employeur est quand même assez limité non ?

 

D’ailleurs comme le rappelle Jérôme Cahuzac, le nombre d’heures supplémentaires est resté stable par rapport à ce qu’il était avant la loi TEPA. Travailler plus est simplement devenu beaucoup plus profitable pour les salariés qui l’acceptent.

 

Le léger avantage accordé à l’employeur vient d’ailleurs d’être bien raboté par le gouvernement avec le nouveau mode de calcul de l’allégement Fillon dont vous vous souvenez qu’il a unifié et simplifié les systèmes de compensation usine à gaz Aubry 1 et 2 d’assez triste mémoire. Le coût budgétaire récurrent pour le pays de la prise en charge d'une partie du coût pour les entreprises de la réduction à 35 heures de la durée légale du temps de travail a été d'une autre ampleur, sans amener un centime de pouvoir d'achat en plus aux salariés. Bien au contraire, puisqu'il a fallu prélever de l'impôt et endetter le pays pour y faire face. Même si cela énerve plus d'un socialiste, il est toujours utile de la rappeler. 

 

Dès lors que « l’avantage » employeur a disparu, les quelques 3.5 milliards restants du dispositif seront pris dans la poche des salariés qui en bénéficient si l'on supprime le "paquet fiscal", comme le dit si bien Jérôme. Voilà un aspect du programme socialiste qui peut à mon sens surprendre plus d’un travailleur qui mouille la chemise pour desserrer le terrible frein à la croissance et aux revenus qu’a représenté les 35 heures.  Pour ce qui me concerne, je ne me prive pas de faire l’explication de texte que l’information « du système », pour parler comme certains au PS, refuse au bon peuple. 

 

J’aurais bien préféré ne pas vivre ces moments déprimants ou une partie de la France inventait les RTT et mettait en pratique, de par la loi de Martine Aubry, ce théorème Shadock : « plus je pédale moins vite, moins j’avance plus vite ». Cela nous aurait utilement évité de devoir contrecarrer le désastre par une incitation symbole, forcément contestable elle aussi, mais dont l’effet a été très positif pour 9 millions de français et leur famille.

 

Je trouve assez scabreux d’entendre d’éminents spécialistes nous expliquer que ces 3.5 milliards d’euros ne représentent finalement pas grand-chose en terme de pouvoir d’achat et qu’ils seraient bien plus utiles dans les caisses de l’Etat. Imaginez les mêmes dire cela de la prime pour l’emploi ou d’autres aides aux bas salaires. Il y a sans doute lieu de refonder une règle du jeu plus stable et plus universelle qui évite de faire circuler l’argent dans les tuyaux tordus et percés de l’Etat, mais ayons la pudeur de ne pas demander aux bas salaires de lever le doigt pour les montrer à la vindicte des collecteurs d’impôt de tous poils.   

 

L’heure supplémentaire est l’outil indispensable de la souplesse d’adaptation des entreprises aux variations d’activités. C’est aussi le nom du temps de travail qui se trouve au-delà du seuil arbitraire de la durée légale des 35 heures hebdomadaires. Seuil qui a vocation à être franchi librement par qui le peut et le souhaite.

 

Les élus qui sont si prompts à railler les heures « sups » sont souvent les mêmes qui s’empressent de cumuler hardiment plusieurs mandats simultanés et les indemnités qui vont avec. Leur temps de travail dépasse évidemment largement les 35 heures, en tout cas il faut l’espérer, mais ils bénéficient bien au-delà d’un léger avantage de rémunération pour leurs heures supplémentaires. Ils réussissent l’exploit de cumuler plusieurs indemnités pour les mêmes heures de travail sans se précipiter pour déposer un projet de loi qui limiterait les excès.

 

Au-delà de DSK, il y a décidemment bien d’autres sujets pour illustrer la parabole de la paille et de la poutre avec la gauche. De quoi faire une belle campagne. Qu’en pensez-vous ?

 

Je mets un lien vers le rapport parlementaire sur les heures sups pour les plus courageux d’entre vous.  Un autre vers l’interview de Jérôme Cahuzac dans le JDD. Et puis un dernier vers un article du monde qui passe vous le verrez complètement à côté du problème tout simplement parce que l’auteur de l’article ne cherche pas le moins du monde à savoir de quoi il parle. Ce qu’il en perçoit lui suffit pour en parler. C’est un bel exemple de ce qu’est le traitement moyen du sujet dans les médias, vocabulaire inadapté et contrevérités. 

 

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
Voir le profil de Daniel Sauvaitre sur le portail Overblog

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S
C'est bien le problème effectivement!
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T
<br />  <br /> <br /> <br /> Madelin a dit: je mets 0/20 au programme de l'UMP !<br /> <br /> <br /> Et môsssieur Sauvaitre va oser se présenter ?<br /> <br /> <br /> Lui, le Madeliniste ???<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Tiens, un lien pour se détendre:<br /> <br /> <br /> J'aime le MOX !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
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L
<br /> <br /> <br /> <br /> Monsieur Loïc,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Si Olivier n'était pas présent à votre apéritif de 12H30 c'est qu'après son jogging de deux heures trente trois (parcours de 38 km) il lui a semblé préférable de faire une petite séance<br /> d'assouplissement de quarante cinq minutes. De plus, il n'a pas plus se rendre non plus au dessert puisqu'il était entrain de faire la dictée de Pivot qui avait lieu à Guizengeard au moment où<br /> vous serviez probablement le café.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bien à vous.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Maître Gilbert Collard.<br />
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L
<br /> Pas de photo de l'arrivée d'Olivier??? Normal! tout le monde était à l'apéro quand il est enfin arrivé en rempant à la fin de ses 6,5km.<br />
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L
<br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Cette militante socialiste avait pourtant emprunté le parcours de 6,5km. Bien que partie avant tout le monde, elle termine dernière. Le sport comme en politique est une expérience cruelle...<br /> <br /> <br /> "Je comprends pas, je suis pourtant bien chaussée et j'ai même pas mangé de confit ce matin... C'est ce maudit point de coté qui m'a pénalisé !"<br />
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M
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Ça y est, il est lancé, plus rien ne peut désormais l'arrêter ! Incroyable ! Mais où puise-t-il son énergie après 32 km de course folle dans les fougères !<br />
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T
<br /> <br /> <br /> <br /> Au bout de trois heures de cross dans les bois de Reignac, à quelques mètres de l'arrivée, Daniel se décide enfin à dépasser son coatch...<br />
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T
<br /> <br /> C'est pas une ruse duneu, c'est juste un copiécollé pas corrigé ...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> L'original corrigé est ici, pinedebourinus !   <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> « Il défrichait grossièrement sa littérature, sans passion comme des pelletueuses déblayent des décombres après un tremblement de terre. »<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Dis donc Vinosse, tu te déplaces en tractopelle maintenant ? Amusante la ruse qui consiste à incruster des fautes grosses comme un bulldozer dans tes textes…<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Allez, on résume le toutim. Or donc, pour remonter à la source de la crise, il suffit de savoir que l’argent gagné par les grosses entreprises et<br /> leurs dirigeants est de moins en moins redistribué. Le film posté chez Paul Jorion le dévoile pour la Belgique : quand une boîte - une parmi d’autres, et elles sont nombreuses en Europe et ailleurs - engrange 1<br /> milliard 5 d’euros de bénéfice et ne paie que 496 euros d’impôts le plus légalement du monde, la seule chose qu’on puisse dire, après avoir ramassé ses bras tombés au sol avec un grand fracas,<br /> c’est  « Y a quêqu’chose qui cloche là d’dans ». Les fadaises qu’on nous sert en justification (augmentation de l’emploi, investissements, bla bla bla) étant désormais<br /> déboulonnées, le hold-up ahurissant que subit l’Etat, c'est-à-dire nous, est avéré. L’argent, littéralement siphonné, disparaît ainsi de la circulation pour aller se faire bronzer les zéros dans<br /> quelques paradis fiscal, au lieu d’être réinvesti dans les rouages de la société.<br /> <br /> <br /> Comme on le sait, durant quelques temps, cette évaporation du pognon aura été masquée par le crédit. Tant que le peuple peut avoir accès à<br /> ce dont il a besoin, il reste calme, convaincu de pouvoir un jour rembourser ses dépenses. Mais cette loi du siphon a fini par tellement pomper de fric sans en rendre un iota (stagnation des<br /> salaires depuis trente ans, notamment) et sans permettre à la population d’épargner et d’investir, que le prêt concédé à celle-ci, de moins en moins remboursable, s’en est trouvé plombé au point<br /> de se restreindre de façon drastique. Le déséquilibre est révélé depuis 2008. D’un côté, la baisse des prix de certains biens (équipements hi-fi, télé et informatique, par exemple) ne suffit plus<br /> à leur vente ; de l’autre, d’autres biens (en premier lieu, l’immobilier), en hausse constante à cause de la spéculation, ne sont plus accessibles malgré une demande croissante. En gros, si<br /> ça continue, les magasins seront pleins mais personne n’y achètera plus rien, et les immeubles seront vides mais personne n’aura plus les moyens d’y habiter.<br /> <br /> <br /> L’idée de résorber la dette en appliquant une politique de rigueur aux peuples est donc aussi stupide que folle. Une fois décodée, cette<br /> solution oblige la population à un servage de plus en plus digne des temps pré-révolutionnaires - et non pas moyenâgeux, puisque au Moyen-âge, les élites entretenues servaient au moins à quelque<br /> chose (défendre la population contre les agressions et organiser l’État) - mais bien bâti sur l’idée de faire payer la population, déjà exsangue, pour pallier à l’incurie des entreprises et des<br /> élites. Non seulement l’argent pompé par le haut n’est toujours pas redistribué, mais ce qui reste des réalisations sociales en bas (école, soins, retraites, infrastructures, etc.) est en sus<br /> pillé. La politique de rigueur n’aboutit qu’à accélérer le siphonage, tout en empêchant la régénération des entreprises. Cet illogisme est d’ailleurs, suprême ironie, souligné par les sanctions<br /> accrues des marchés, dont l’amoralité n’efface en rien les lois mathématiques : leur « File-moi ton fric ! » ne peut fonctionner que si nous avons encore du fric à filer, or nous<br /> n’en avons plus, surtout dans les pays aux exportations et aux idées en berne. Désindustrialisée et bourrée d’escrocs et de tiques en réseaux comme elle l’est devenue, la France en fait<br /> partie.<br /> <br /> <br /> Bref, le « travailler plus pour gagner plus », cette escroquerie insultante lancée à notre face par le néo-libéralisme, a vécu,<br /> ceux qui gagnent réellement le plus dans le monde étant ceux qui travaillent actuellement le moins. On a déjà vu ça, et on sait comment ça se termine, tôt ou tard : quand la tête de la<br /> société ne distribue non seulement plus son dû au corps mais lui demande en outre de s’étouffer pour elle, celui-ci finit par la couper pour la remplacer.<br /> <br /> <br /> <br />
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