23 Septembre 2009
Plan d’action pour relever ensemble le marché de la pomme
En France, près de la moitié des pommes et des poires sont maintenant récoltées. Les fruits ont un bel épiderme et sont plutôt gros; la qualité gustative est prometteuse. Compte tenu d’une cueillette sélective plus sévère que d’habitude les quantités récoltées sont inférieures aux prévisions du mois d’août. La récolte, même si elle demeure un peu supérieure à l’an passé, est la troisième plus faible de ces dix dernières années. La récolte européenne quant à elle est en baisse de près de 7% par rapport à celle de l’an passé et se situe dans la moyenne basse des dix années passées.
Et pourtant malgré cette offre relativement équilibrée au regard d’un marché qui s’étend sur près de douze mois, les prix de vente bord verger et au départ des stations fruitières sont les plus faibles, depuis le début de la récolte, que nous ayons connus depuis bien longtemps. Sur un prix de revient estimé après cueillette entre 30 et 36 centimes pour les exploitations les plus performantes la perte par kilo produit oscille entre 10 et 20 centimes du kilo selon les variétés. Selon le Service des Nouvelles de Marchés, la pomme est en crise conjoncturelle depuis 21 semaines, avec un prix inférieur de 23% à celui du seuil de prix anormalement bas.
La situation est d’une extrême gravité. Comment l’expliquer ?
La commercialisation de notre petite récolte précédente, plutôt bien commencée en août 2008, n’a cessé de se détériorer tout au long de l’hiver et jusqu’à aujourd’hui où quelques lots continuent de s’écouler à des prix dérisoires. La quasi fermeture réglementaire du marché russe, des difficultés d’expédition sur le marché algérien, un euro très fort et une livre sterling très faible, les effets de la crise économique et un marché de l’industrie saturé par une récolte abondante à l’est, ont révélé au fil des mois un déséquilibre entre l’offre et la demande que l’on n’imaginait pas au moment de la récolte. L’importation en Europe de pommes de l’hémisphère sud, bien qu’en baisse par rapport à l’année précédente, a pesé encore un peu plus sur le marché. A ce jour il reste d’ailleurs encore quelques lots dans des entrepôts du nord de l’Europe, très difficile à commercialiser et à des prix dérisoires.
La concurrence des fruits d’été, dont l’offre abondante et de qualité s’est écoulée à des prix très bas en raison d’une abondance étonnante de ces fruits dans tous les jardins familiaux du pays a déprimé un peu plus la consommation de pommes. C’est dans ce contexte que le prix de vente a continuellement baissé. La plupart des exploitations ont terminé la campagne précédente en déficit. Le manque de trésorerie qui en découle et qui ne peut être compensé par des crédits court terme auprès des banques, accentue nettement la pression de l’offre en ce début de campagne de commercialisation. Si l’on en croit les opérateurs enquêtés les quantités vendues depuis les premières pommes récoltées sont à peu près les mêmes au total que l’an passé, en revanche les prix consentis sont extrêmement faibles et continuent encore de baisser. Les ventes bord verger sans prix, ou entre dix et vingt centimes, par des arboriculteurs contraints d’accepter n’importe quelle proposition parce qu’ils ne disposent ni de palloxes ni de froid, contribuent aussi pour beaucoup à alimenter une offre à très bas prix à l’expédition.
Cette spirale infernale qui nous conduit tout droit à la faillite est-elle impossible à enrayer? L’action collective peut-elle permettre de diminuer la pression de l’offre et de redresser les prix ? Je pense que oui et c’est le pari que je vous propose de tenter tous ensemble.
Dans cet objectif voilà un plan, décliné en quatre actions, dont nous débattons entre administrateurs et collaborateurs de l’association depuis plusieurs jours et que je vous propose de mettre en œuvre dès demain.
1/ Diffusion de coûts de revient de référence.
Nous avons prix l’habitude de parler des coûts de revient à la production, mais jamais au stade expédition. Il nous paraît indispensable aujourd’hui de communiquer à tous les opérateurs la transposition du coût de revient bord verger de lots de belles qualité et de gros calibre (75% de catégorie 1, 10% d’industrie, 60 % de plus de 75 mm) de quatre grande variétés de pomme en prix net minimum à obtenir départ station pour les références principales issues de ces lots.
Calibre |
65/70 |
70/75 |
75/80 |
80/85 |
Emballage |
Sachet 2 kg |
2 R |
1 R |
1 R |
Catégorie |
1 |
1 |
1 |
1 |
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|
|
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|
Royal Gala |
1,15 € |
0,65 € |
0,80 € |
0,90 € |
Golden |
1,15 € |
0,65 € |
0,80 € |
0,90 € |
Canada gris |
1,15 € |
0,65 € |
0,85 € |
0,95 € |
Granny |
1,15 € |
0,70 € |
0,85 € |
0,95 € |
Nous ne vendrons pas un kilogramme de plus sur le marché national parce que nous aurons consenti à vendre en dessous de ces coûts de revient.
Vous ne devez pas hésiter à faire circuler ces prix aux acheteurs pour qu’ils aient conscience des réalités économiques du secteur et n’abusent pas de leur position dominante pour contraindre leurs fournisseurs à vendre en dessous de ces coûts de revient. Simultanément chacun de nos acheteurs doit avoir l’assurance que son concurrent immédiat n’obtient pas sans effort la même marchandise à un prix inférieur. Chaque metteur en marché doit donc assumer pleinement sa responsabilité au regard de la défense de cette référence collective des coûts de revient.
2/ Mise en avant permanente des pommes françaises.
Un vaste déploiement de matériel marketing auprès de toute la distribution commence maintenant. Cette promotion sur lieu de vente, qui coûte cher, ne doit pas être l’occasion d’une braderie mais bien d’une mise en valeur. Nous avons noué le dialogue avec les distributeurs et leurs représentants afin d’exiger une réelle mise en avant qualitative en rayon qui garantisse le maintien de la qualité des fruits que nous expédions jusqu’au consommateur. L’attractivité de la pomme en rayon doit permettre d’augmenter les volumes consommés en France. A la condition expresse bien sûr que dans le même temps des marges modérées permettent des prix attractifs et constants.
Bien sûr l’identification de l’origine France doit être scrupuleusement respectée et très clairement vue par les consommateurs.
3/ Engagements des opérateurs à limiter fortement les importations tout au long de cette campagne de commercialisation.
Les volumes de pommes à commercialiser en France et en Europe sur toute la durée de la campagne ne sont certainement pas excédentaires.
Ils le seront d’autant moins si importateurs et distributeurs s’engagent dès maintenant à importer le moins possible de fruits étrangers en France. Sur la base de cet engagement, chacun doit pouvoir se rassurer sur l’accès au marché, tout au long de la campagne annuelle, de tous les fruits récoltés cette année. Cette assurance doit encourager à fortement réduire la pression immédiate de l’offre. Ceci contribuera pour beaucoup au redressement de la situation.
4/ Poursuite du mot d’ordre de non cueillette des pommes destinées à l’industrie.
Les prix extrêmement bas des pommes destinées à l’industrie, loin de couvrir même les frais de cueillette, doit inciter chaque arboriculteur, pour limiter ses pertes, à laisser au verger, dans l’arbre ou au sol, les pommes qui n’auront pas accès au marché du frais.
Par cette réduction de l’offre, économiquement justifiée, les écarts de tri lors du conditionnement des lots seront plus limités et les cours se redresseront. Dès la fin du mois d’octobre nous pourront ainsi négocier des contrats de stockage à de meilleurs prix.
Parallèlement à ces actions conjoncturelles nous devons résolument poursuivre le travail de fond engagé auprès des pouvoirs publics pour améliorer notre compétitivité par rapport à nos principaux concurrents. Cette question essentielle englobe à la fois des éléments spécifiques de nos coûts de revient comme la main d’œuvre tout autant que des questions relatives à notre environnement réglementaire. Dans ce cadre l’ANPP se structure et s’organise pour mieux remplir ses missions, défendre vos intérêts et vous assurer une information pertinente et permanente.
Ces actions auxquelles nous devons donner le retentissement le plus vigoureux possible dans toute la filière ont vocation à avoir un impact immédiat sur le comportement de tous les opérateurs. Chaque arboriculteur, chaque expéditeur, chaque distributeur et chaque consommateur à vocation à bénéficier pour lui-même de cette solidarité de tous.
D’ici là je souhaite que chacun de vous nous fasse part de ses commentaires et de ses propositions pour redresser la situation du marché le plus rapidement possible.
Très cordialement,
Daniel SAUVAITRE
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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