4 Août 2009
Ceux d’entre vous qui lisent régulièrement ce blog se souviennent sans doute que par deux fois, le 19 décembre 2008 (Des pommes et des poires) et le 17 janvier 2009 (Boomerang blog), j’ai évoqué le sujet qui a défrayé la chronique aujourd’hui, d’abord dans le Parisien, puis sur toutes les ondes et toutes les télés. La presse écrite traitera surement le sujet encore demain. Je veux parler de cette information diffusée en boucle à longueur de spots radios et télés qui annonce la demande de remboursement par l’Etat français de près d’un demi-milliard d’euros aux producteurs de fruits et de légumes. Cette somme correspond grosso modo à 320 à 330 millions d’euros de subventions versées conjointement par l’Etat et la caisse commune des producteurs, entre 1992 et 2002, majorés des intérêts courus, soit 160 à 170 millions de plus. La presse s’est faite largement l’écho en Charente depuis la fin de l’année dernière d’une procédure en tout point équivalente qui concerne de nombreux viticulteurs charentais.
A quoi correspondent donc ces aides aux fruits et légumes déclarées illégales par la commission ? Chaque année, de 1992 à 2002, les groupements ou organisations de producteurs, élaboraient dans le cadre des comités économiques des plans de campagne par produit financés pour partie par les producteurs et abondés par l’Etat via l’office. L’objectif de ces plans était de tenter d’améliorer les marchés et les revenus des producteurs en finançant de la promotion, des surcoûts d’emballage et de transport pour les marchés lointains, ou des incitations à la contractualisation pour les marchandises destinées à la transformation pour ne citer que quelques exemples. Les soutiens publics avaient surtout vocation à motiver les producteurs pour qu’ils entrent dans des démarches collectives de gestion des productions et des marchés. L’emploi de ces subventions était parfaitement connu de Bruxelles qui épluche finement les comptes des offices chaque année. Pour autant elles n'étaient pas "notifiées", comme elles auraient du l'être par l'Etat français. Ramenées au kilo de fruits et de légumes produit, ces sommes n’ont évidemment pas faussé la concurrence. Dans le cadre de l’Europe, pendant cette même période, la France subissait des vraies distorsions de concurrence en sa défaveur d’une tout autre importance. C’est encore le cas aujourd’hui et le ministre le reconnaît lui-même puisqu’il déclare depuis quelques jours que nos principaux concurrents permettent chez eux des coûts pour le travail saisonnier dans les fruits et légumes défiant justement toute concurrence. Si en plus l’on met en perspective ces aides qualifiées d’illégales avec la baisse constante des surfaces du verger français de pommes et de poires, pour évoquer la culture que je connais, on a du mal à comprendre comment on peut soutenir 7 à 17 ans plus tard que la concurrence a été faussée du fait de ces aides à notre profit plus que par un tas d’autres paramètres en notre défaveur autrement plus déterminants.
Mais voilà juridiquement les procédures de droit ont fini par aboutir à la condamnation de l’Etat français et à l’obligation pour lui de récupérer les sommes versées pour les remettre dans ses caisses majorées des intérêts. Si passé la date limite du 29 juillet les actions engagées à l’encontre des bénéficiaires d’alors ne sont pas assez fermes, c’est l’Europe qui prendra dans les caisses de l’Etat français de très lourdes astreintes qui ne cesseront que quand le travail de recouvrement aura été mené à bien. On comprend qu'il n’est sans doute pas facile d’être ministre dans ces conditions. Chacun peut noter quand même ce qu'il y a d'abracadabrantesque dans ce système infernal par lequel on veut faire rendre gorge longtemps après au producteur qui a reçu plutôt qu'à l'Etat qui a donné et qui était censé appliquer les règles qu'il avait cosignées avec ses partenaires. On dirait que le système vise à convaincre le citoyen que l'Etat ne peut pas être responsable de ses actes et qu'au bout du compte le citoyen qui lui fait confiance en sera pour ses frais.
Quand on confronte la procédure engagée par l’Europe avec les réalités du terrain on se dit qu’il y a quand même comme un défaut dans la mécanique. Mon collègue François Lafitte, que je vois lui aussi en ce moment passer en boucle sur LCI après avoir déclenché la tempête médiatique par ses déclarations dans le Parisien, me disait ce soir que le minimum serait que le ministre obtienne un moratoire le temps que le recours sur le fond du dossier, déposé par les anciens comités économiques qu’il représente, soit examiné par la cour de justice. Il me semble bien qu’il y a des arguments de poids à faire valoir pour faire cesser cette folie. Qui peut imaginer qu’un bénéficiaire d’aide attribuée par un Etat puisse 7 à 17 ans plus tard la rembourser sous prétexte que l’Etat en question l’a versée « à l’insu du plein gré » de l’Europe. Affaire à suivre…
Plus légèrement ce qui est intéressant aussi dans cette affaire c’est l’explosion médiatique de ce jour alors que l’affaire est connue des médias depuis plusieurs semaines et a déjà été publiée. Pour ceux que ça intéresse je conseille la lecture de l’article de ce jour consacré par Arrêt Sur Images (@si) à ce sujet. Il traduit assez finement les choses cet article.
Samedi je suis allé dans les Deux Sèvres à l’invitation d’un collègue arboriculteur qui avait organisé une petite réunion avec une voisine à lui qui produit des noix et des moutons. L’objectif était de travailler sur un autre dossier qui préoccupe depuis quelques mois la profession. Cette voisine s’appelle Marie France Garaud.. A 75 ans aujourd’hui cette femme étonnante se comporte en arboricultrice de terrain un week-end tous les quinze jours et une bonne dizaine de jours sans discontinuer à la récolte pendant lesquels elle prend toute sa part de travail à la table de tri. Yves, assez admiratif, m’a répété plusieurs fois à l’oreille au cours de la visite qu’elle « est infernale ». Les autres jours elle est à Paris à son bureau avec une assistante pour travailler à la revue trimestrielle qu’elle dirige depuis près de trente ans : « Géopolitique ». Le déjeuner qui a suivi avec celle qui a été au cœur du pouvoir auprès de Jean Foyer au ministère de la justice lors du retour au pouvoir du général de Gaulle, puis auprès de Georges Pompidou, premier ministre et ensuite président, pour poursuivre auprès de Jacques Chirac avant d’être candidate elle-même à la présidence de la république en 1981, était parfaitement passionnant. Il a fallu ce sujet professionnel pour que cette rencontre souhaitée depuis plus de deux ans par Yves ait finalement lieu. J’avais acheté son essai publié en 2006 intitulé « la fête des fous » et qui a pour sous titre « qui a tué la Vème république ? ». Je m’étais promis de le lire avant de la rencontrer, ce que je n’ai pas eu le temps de faire en raison de la décision surprise de la fin de semaine passée. Mais je l’ai lu samedi soir en rentrant pour approfondir son exposé du déjeuner. Je le recommande vivement. Evaluer les politiques et les hommes politiques à l’aune de la référence qu’est toujours aujourd’hui pour elle le Général de Gaulle ne laisse pas indifférent. Et puis son décodage de la Géopolitique aujourd’hui et des choix politiques de la France au regard de l’indépendance nationale, évidement sans concession pour les pouvoirs qui se sont succédés depuis Georges Pompidou, est toujours précisément argumenté. Dommage que je ne puisse pas la revoir ce soir pour évoquer cette décision de Bruxelles et comment la France obtempère. Je crois que j’essaierai de me trouver un autre samedi aux côtés de mon collègue pour la questionner à nouveau. Après tout je suis témoin que lui-même est devenu expert en géopolitique pour l'avoir rencontrée très régulièrement depuis de longues années tous les quinze jours.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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