3 Janvier 2025
Le nouvel an bien fêté, il est grand temps d’en compléter très vite la to-do list. Parmi mes bonnes résolutions, j’en place deux tout en haut de la feuille.
La première c’est d’œuvrer activement aux conditions d’une compétitivité équitable au sein de l’union européenne et avec les autres pays du monde, depuis les champs, les serres et les vergers jusque dans les assiettes, pour les productions maraichères et arboricoles de France.
La seconde c’est d’agir avec tout autant de détermination pour promouvoir efficacement la consommation de tous les fruits et légumes frais, d’où qu’ils viennent, selon les saisons et leur terroir de prédilection le plus proche.
C’est à l’aune de ces objectifs qu’il nous faut évaluer et orienter les politiques publiques. Mais pour cela, il est indispensable d’assumer librement une pédagogie objective des réalités. En commençant d’abord par s’affranchir du discours dominant, truffé de concepts creux, de mots-valises, au verbiage si environnementaliste qu’il sert surtout des tricheries programmatiques.
Agroécologie, biodynamie, permaculture, agroforesterie, sols vivants, irrigation régénérative, agriculture biologique, solutions fondées sur la nature, agriculture circulaire, sylvopastoralisme, gestion holistique des pâturages, systèmes alimentaires résilients, sobriété agricole, écologie profonde, agriculture paysanne, micro-ferme bio, micro-ferme urbaine, jardin-forêt comestible, autant de mots et d’expressions qui saturent le discours alternatif à l’agriculture dite conventionnelle ou industrielle.
Evidemment, en dehors de la biodynamie, salement entachée par les théories ésotériques du fondateur de l’anthroposophie, Rudolph Steiner, toutes les autres qualification sont séduisantes. Chacune image une agriculture délicatement respectueuse des lois de la nature, obéissante même. Quoi de plus logique d’ailleurs, puisque la nature est si bienveillante pour l’humanité.
Le souci, c’est que tous ces mots ou expressions sont utilisés à tout va pour légitimer le changement de modèle agricole que l’on dit inévitable. Parce que le système actuel est, parait-il, à bout de souffle, que les agriculteurs en sont les premières victimes, que les sols sont morts, que les nappes sont polluées, que l’utilisation des engrais et des produits phytosanitaires chimique doit cesser, que l’eau est rare, qu’il faut réduire drastiquement l’irrigation, qu’il faut en finir avec l’agrandissement des exploitations, que l’alimentation doit être forcément bio, j’en passe et de meilleures. Et qu’il suffirait de mettre en pratique à grande échelle ces agricultures salvatrices pour que tout aille mieux pour le revenu des agriculteurs, pour celui des consommateurs, pour notre santé, celle de la planète et des sols, pour la biodiversité et bien entendu pour le refroidissement de l’atmosphère.
La voie à suivre semble si évidente qu’une communication militante a pris de l’ampleur pour bien en servir la cause. Quelques voix autorisées ont leur rond de serviette au journal le Monde ou à France Inter, pour ne citer que les plus enragés de la transition, pour expliquer que bien évidemment une autre agriculture est possible.
Le moindre exemple qui en illustre la belle réalité est mis en lumière. C’est ainsi que hier matin, dès potron-minet, sur les ondes de la radio publique et pour bien commencer l’année, nous avons appris qu’un couple, elle notaire et lui dans la promotion immobilière, ont choisi de se reconvertir au maraichage bio, pour changer de vie.
Le journal l’Eveil de Pont-Audemer nous informe plus précisément que tous les deux sont très sensibles à l’écologie et à la préservation de l’environnement et qu’ils faisaient déjà « attention à leur alimentation » avant de sauter le pas. Après avoir suivi des formations, ils sont maintenant propriétaires de deux hectares de terre en Normandie où ils vont faire pousser 30 légumes différents de plusieurs variétés. Pour l’instant des bâches sont disséminées sur le sol pour « atténuer la prairie ». Une fois l’herbe morte « il sera plus facile de commencer à planter » explique le couple.
Dans leur conception du maraîchage il faut abimer le moins possible le sol. Pas de gros tracteur et encore moins de produits chimiques. Tout doit se faire à la main et naturellement grâce aux bactéries et vers de terre présents dans le sol. Il y aura aussi une cinquantaine de poules dont les œufs seront vendus à la ferme ou sur les marchés. Bon, pour l’instant, ils sont en retard dans les plantations et tout reste à faire pour l’aménagement des locaux, mais le maire leur a déjà fait un appel du pied pour la cantine de l’école communale. Ils veulent aussi montrer aux habitants leur façon de travailler ou même simplement le concept de culture au naturel.
Je crois qu’il faut 8 à 9 années d’étude et de formation avant d’exercer pleinement en tant que notaire. Travailler dans la promotion immobilière, compte tenu des complexités réglementaires et des exigences financières n’est pas à la portée de premier venu non plus. Le grand mystère de l’empapaoutement quasi mystique vers la reconnexion facile avec la nature pour en vivre trouve là un cas d’école qui mérite, il me semble, d’en commencer l’étude clinique.
L’INRAe a annoncé début décembre, (nous apprend Agrafil dont je reproduis ici in extenso le message), la création d’une nouvelle Unité mixte technologique (UMT) dédiée aux fermes urbaines professionnelles, baptisée UMT FUP. Elle aura pour objectif de les accompagner dans leur développement durable et de les aider à s'adapter aux enjeux écologiques et sociétaux. Elle sera portée par l'institut des professionnels du végétal (Astredhor) et co-pilotée par l’UMR SadApt (Inrae, AgroParisTech, université Paris-Saclay), en partenariat avec l’Itavi (institut technique de l'aviculture) et l’École nationale supérieure de paysage. Quatre axes de travail ont été choisis : fonctionnalités éco-sociologiques des fermes urbaines professionnelles ; ancrage dans l’économie circulaire ; modèles économiques et gouvernance ; adaptation des modèles de production végétale et animale. « Les fermes urbaines professionnelles sont des structures intégrées au cœur des villes, contribuant au système alimentaire urbain sur des productions ciblées, mais aussi et surtout, jouant un rôle dans la régulation thermique, la gestion des ressources, la préservation de la biodiversité et la sensibilisation des citadins à l’alimentation durable », justifie l’Inrae.
Le fondement de tout ça est tout à fait scientifique nous rabâche-t-on. Il faut donc prendre ces propositions au sérieux. Et ce ne sont que deux exemples parmi des centaines qui traduisent et nourrissent la transition écologique et environnementale de l’agriculture telle qu’on la promeut du côté du boulevard Saint Germain, de la rue de l’Université ou à Palaiseau sur le plateau de Saclay à AgroParisTech.
C’est pourtant un nouveau lyssenkisme qui est à l’œuvre. Une croisade qui se considère si légitime que la fin en justifie les moyens. La science, quitte à la tordre, doit se mettre au service de cette idéologie, du nouveau dogme révélé.
Les héritiers du professeur Simon Pritchett, personnage du roman assez réaliste d’Ayn Rand, « la grève », font donc autorité dans les médias, (ils se reconnaitront). Et les Shadocks ont enfin trouvé leurs maîtres. On ne peut alors que déplorer que ce nombrilisme hors sol trouve les financements qui lui sont nécessaires pour prospérer.
Il est probable que le prétexte de l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère soit très directement pour quelque chose dans ces égarements, tant il est devenu l’alibi le plus sûr dès lors que l’on agit en son nom.
« On ne fait de politique autrement que sur des réalités. Il faut partir de ce qui est » disait Charles De Gaulle. Et « l’art du politique c’est de rendre possible ce qui est nécessaire » avait dit bien plus tôt Richelieu. C’est en pensant à ces réflexions avisées que j’ai acquis la conviction qu’il faut faire librement la pédagogie de nos réalités agronomiques, écologiques, économiques et humaines. Tout comme il est nécessaire d’assumer le discours des vrais progrès agronomiques en cours et à venir sans chercher à se conformer au vocabulaire ou aux concepts trompeurs du moment.
Ce sera l’objet du troisième épisode….
A suivre.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
Voir le profil de Daniel Sauvaitre sur le portail Overblog