4 Décembre 2023
Rapport moral pour l’AG ANPP du 7 décembre.
A peine terminée l’improbable paralysie du monde par l’épidémie et c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, qui est venue dérégler à son tour l’économie mondiale.
La seconde partie de campagne de commercialisation de la récolte 2021 de pommes s’est trouvée dans ce sillage fortement perturbée. Les producteurs de pommes polonais, serbes ou moldaves dont les marchés se fermaient brutalement ont désespérément cherché d’impossibles alternatives. C’est ainsi que nous avons pu entendre un expéditeur polonais accompagné par l’attaché agricole de son ambassade sur le marché de Rungis nous dire que s’il le fallait il irait même sur la planète Mars pour vendre ses pommes. Il n’en fallait pas plus pour que se répande ici ou là en Europe des références de prix déprimantes.
En même temps que le marché devenait plus difficile, dès les premiers coups de canon, ce sont les coûts de l’énergie et de nos intrants qui se sont envolés. L’inflation générale amorcée dès 2021 s’est alors amplifiée renchérissant brutalement le coût de l’argent et nos coûts de production.
C’est dans ce contexte difficile, avec encore des pommes de la récolte précédente dans les frigos, que la cueillette a débuté en aout 2022. Et comme chacun sait que « les emmerdes ça vole toujours en escadrille », sécheresse et canicule étaient au rendez-vous pour diminuer la qualité et les quantités que l’on espérait encore légitimement en juin.
Début aout, lors du congrès Prognosfruit à Belgrade, les prévisions de récolte pour la pomme en Europe étaient évaluées à 12 millions de tonnes. Mais il se confirmait aussi dès les premières cueillettes dans le sud-est de la France que les conditions climatiques extrêmes feraient réviser à la baisse ce chiffre et bien plus encore la destination commerciale des fruits récoltés.
L’évolution rapide des maturités et des fermetés en plus de faibles colorations ont orienté une part élevée des premiers fruits vers la transformation en jus ou en compotes. Ce surplus d’offre a mécaniquement fait chuter les prix sur ce marché.
C’est donc dans une ambiance bien morose que s’est tenue la réunion de lancement de campagne le 25 aout 2022. Malgré les excellentes présentations des avancées de notre Charte Qualité des Pomiculteurs de France et de notre communication sur son label Verger Ecoresponsable, ce sont deux autres annonces majeures qui ont été retenues ce jour-là par les nombreux participants.
La première était la révision à la baisse en séance des prévisions de récolte de juillet que nous avions annoncées à Prognosfruit. La seconde concernait notre alerte sur l’augmentation très sensible de nos coûts de revient évaluée à 20 centimes en moyenne par kilo au départ des stations fruitières.
Sur le fondement de la transparence des éléments constitutifs de ce choc d’inflation sur nos coûts, nous avons sonné la mobilisation générale pour en revendiquer la répercussion dans les prix de vente.
Parmi les valses tarifaires, la flambée démentielle du prix de l’électricité indexé sur celui du gaz était la pire. Elle menaçait très directement celles de nos entreprises qui devaient sur cette période négocier et renouveler leur contrat. Difficile de dire le nombre de réunions et d’interventions en haut lieu et dans les médias auxquelles nous avons participé pour trouver quelques parades et de maigres amortisseurs. On peut en revanche affirmer avec certitude que plus personne parmi nous ne paye aujourd’hui son électricité au même prix, que les écarts peuvent être très élevés et que la hausse est générale. Elle est rarement modérée et le plus souvent à la limite du supportable.
Il y a un an presque jour pour jour se tenait, pas très loin d’ici, notre assemblée générale. Le député Frédéric Descrozaille était venu devant nous expliquer son projet de loi « Egalim 3 ». Nous avons écouté attentivement en quoi cette loi votée en mars de cette année renforcerait notre capacité de peser plus dans les relations commerciales. Il nous a également fait part de sa lecture éclairée de tout ce que peut faire en son sein en termes d’échanges d’informations économiques avec ses membres une Association d’Organisation de Producteurs.
Ce fut ensuite au tour du sénateur Laurent Duplomb, initiateur d’un projet de loi pour la compétitivité de l’agriculture, lui aussi voté depuis par la chambre haute mais pas repris par l’Assemblée Nationale, de stimuler vivement notre combativité.
Peu de temps après, le 17 décembre, le conseil d’administration presque au complet, déterminé et très préoccupé par l’ampleur des défis à relever face à la crise dans laquelle nous étions entrés a validé un plan d’action offensif à court, moyen et long terme que l’on peut détailler ainsi :
La gravité de la situation économique s’est traduite comme une évidence par le renforcement de notre solidarité en faveur d’actions collectives pour faire bouger les lignes et permettre à chacun des membres, avec ses armes propres, de surmonter les difficultés.
Le climat de fortes tensions dans les vergers a conduit à une initiative syndicale de la Fédération Nationale des Producteurs de Fruits le 14 janvier de cette année pour alerter sur la nécessité de relever les prix, compte tenu de la forte inflation qui sévissait.
La résonnance de ce cri d’alarme a été immense tant les médias ont été sensibles au désespoir d’arboriculteurs conduits à force de pertes à couper et brûler leur verger un peu partout dans le pays.
Un message entendu et influent s’évalue à la promptitude avec laquelle le ministère et les autorités publiques prennent l’initiative de recevoir les doléances et les représentants d’une filière.
Le 18 janvier, c’est donc au SIVAL à Angers qu’une délégation de l’association à pu échanger avec le ministre Marc Fesneau et insister sur les obstacles nationaux à notre compétitivité comparativement à nos concurrents européens. Quelques enseignes fortement sensibilisées aux difficultés des producteurs se sont montrées très réceptives à nos demandes et ont pris des initiatives pour relever les prix d’achat.
Les échanges avec les élus, les membres du gouvernement, l’administration, les grossistes, les distributeurs, les détaillants, la presse, les médias et bien sûr les consommateurs se sont poursuivi et multiplié tout au long du salon de l’agriculture un mois plus tard.
L’occasion alors d’une explication franche et constructive avec l’enseigne Carrefour dont la pomme polonaise en rayon à deux pas du salon faisait monter les tensions. D’autant plus qu’une délégation d’arboriculteurs des Alpes et du Limousin rendait visite au marché de Rungis pour mesurer justement l’importance de la pénétration de ces pommes à bas prix, à l’identification d’origine fragile sur le carreau et changeante ensuite sur les marchés.
La confusion entre la Golden Rosée et la marque Gold Rosè attribuée à la variété Ambrosia de seconde catégorie en provenance d’Italie crée une concurrence déloyale sur ce même marché. L’allégation est trompeuse et les producteurs de golden d’altitude sont exaspérés. Ils l’ont fait savoir aussi ce jour-là. Nous cherchons encore comment agir pour sortir de ce piège.
Le salon a été aussi l’opportunité en parallèle de gratifier l’enseigne Lidl pour son engagement de ne vendre que des pommes d’origine France, à l’exception notable quand même de Pink Lady. L’opération s’est renouvelée en septembre à Cambrai pour l’enseigne Auchan dont le parti pris pour la pomme française couvre toutes les variétés. Cet engagement sur le site de Terre de Jim a été pris solennellement devant le ministre de l’Agriculture.
C’est aussi lors du dernier salon de l’agriculture que le ministre Marc Fesneau a présenté le Plan de Souveraineté des Fruits et Légumes très attendu. Cette fin d’année devrait voir la publication de la liste des matériels qui seront subventionnés et dont on espère qu’ils aideront concrètement les arboriculteurs à gagner en compétitivité.
Mais c’est bien plus encore sur notre capacité à pouvoir continuer de protéger efficacement nos vergers contre les maladies et ravageurs que le plan d’action est attendu. A ce jour, malgré les intentions annoncées, force est de constater que les verrous qui handicapent la France comparativement aux pays européens voisins demeurent. L’envie de souveraineté reste bridée par notre refus de nous déjuger de décisions prises antérieurement. L’avenir nous préservera peut-être de nouvelles surtranspositions, mais la main politique tremble pour revenir sur les erreurs passées.
L’exemple récent de la nouvelle autorisation du glyphosate pour 10 ans par l’Europe le démontre. La France s’est abstenue parce qu’elle ne pouvait être ni pour ni contre, nous a-t-on dit. Il aurait fallu pour qu’elle dise oui que l’Europe intègre les contraintes que nous nous sommes données en France en matière de restrictions diverses et de dose annuelle maximum par culture. Malgré un dossier scientifique archi complet et rassurant qui confirme la conformité de la molécule aux critères d’agrément de l’EFSA, ce sont toujours les avis politiques peu étayés qui l’emportent dans l’hexagone. Et par là même, la surtransposition latente qui s’impose.
Depuis 2019, il était constaté que l’augmentation du seuil de revente à perte de 10% avait des effets contraires aux objectifs poursuivis d’amélioration des prix payés aux producteurs. Tout au moins pour ce qui concerne les fruits et légumes frais. Pour garder les mêmes prix psychologiques en rayon que ceux pratiqués avant le relèvement du seuil, les acheteurs ont plutôt fait baisser le prix payé au producteur, sans que le contexte du marché le justifie. Le législateur a donc enfin entendu les arguments étayés des metteurs en marché de fraises, de melon, de tomates ou de pommes qui ont comptabilisés leurs pertes. Le coefficient du seuil de revente à perte pour les fruits et légumes frais est donc redescendu à 1 en mars.
Si depuis, sans changer le prix payé par le consommateur, la production a pu bénéficier 10 % de revalorisation, un nouvel effet indésirable inquiète. Avec une inflation qui s’est accélérée, les consommateurs privilégient les articles en promotion sans marge pour le distributeur. L’économie du rayon de fruits et légumes frais nécessite pourtant que les charges de cette partie du magasin soient couvertes. Et ce sont donc les 60 ou 70 % de l’étalage hors promotion qui doivent obtenir la marge nécessaire globale. C’est donc à une dispersion plus forte des prix que l’on assiste en magasin. Ce qui affaiblit les ventes des meilleurs fruits et légumes et augmente la demande de ce qui se vend le moins cher.
En avril, de nouvelles alertes sur des contrôles inquiétants et angoissants pour les arboriculteurs au moment de la floraison du pommier par les agents de l’OFB ont justifié une pétition très suivie adressée à la direction de l’Office. Elle a permis de contenir l’action des agents vers plus de pédagogie et de prudence dans l’interprétation de la réglementation. Aujourd’hui le dialogue est établi entre la FNPF et l’OFB et nous comptons sur une réelle adaptation des pratiques de contrôles pour la saison prochaine.
C’est aussi en avril que nous avons repris notre tour de France des régions pour rencontrer les arboriculteurs de l’association. Et c’est à Ribemont, accueillis par les Vergers de Seru dans les Hauts de France, que le périple a débuté. A nouveau, il s’est confirmé que l’action nationale n’a de sens que lorsqu’elle est nourrie par l’expérience et les attentes du terrain. Ces échanges animés au plus près des vergers assoient notre crédibilité auprès de nos interlocuteurs et insufflent l’énergie dont nous avons besoin pour faire bouger les choses.
Les 31 mai et le 1er juin, nous nous sommes retrouvés en séminaire stratégique pour imaginer les actions qui pourraient être conduites auprès des partenaires clients et distributeurs de nos pommes et de nos poires. Les réflexions que nous y avons eues instillent depuis vers quelques actions solides qui se concrétisent et que je vais évoquer plus loin.
La journée technique pomme du 15 juin dont le thème était : « Vers un verger compétitif et durable » organisée par le CEFEL avec le soutien et la participation de l’ANPP a été une belle réussite. Une seconde réunion régionale avait été organisée la veille. Les vifs débats auxquels elle a donné lieu se sont donc poursuivi le lendemain autour de thématiques ancrées dans l’actualité mais qui étaient aussi tournées vers les perspectives positives offertes par des innovations séduisantes.
Cette journée technique a permis de présenter et d’annoncer la diffusion de notre calculette du prix d’équilibre bord verger. L’objectif en est de promouvoir une méthode et un langage commun de détermination de nos coûts de revient. Notre relation en interne dans nos entreprises et à l’extérieur vers nos clients s’en trouvera plus claire, homogène et convaincante.
Le développement soutenu des ventes de compote de pommes et de jus justifie depuis longtemps que l’on soit attentif à cette utilisation d’environ 20% en moyenne de nos récoltes. Ces pommes dont les qualités intrinsèques sont équivalentes à celles vendues pour la croque sont pourtant considérées comme un sous-produit, un écart de tri. Elles ne sont pas assez belles pour séduire à l’étal mais elles permettent de cuisiner d’excellentes compotes de plus en plus prisées par les consommateurs. La praticité, la conservation, l’absence de gaspillage, la protection et l’attrait de l’emballage, ajoutent au gain de part d’estomac prise par la compote. En revanche, les pommes à croquer que l’on veut naturelles, sans fioritures ou emballage sous les yeux des consommateurs régressent lentement ces temps-ci en consommation. Il est pour tout cela légitime et nécessaire de porter un regard différent sur ces pommes et sur leur valeur. On sait qu’elles ne se vendent encore qu’exceptionnellement à leur prix de revient. Seulement quand l’offre tombe très en dessous de la demande. D’autres productions totalement dédiées à la transformation n’existent que parce qu’elles sont payées à leur prix de revient. Nous en prenons nécessairement le chemin aussi pour les pommes.
La production des pommes à compote, en dehors des périodes de récolte, est liée aux opérations de tri pour les ventes en frais. La variabilité de l’offre peut être importante et difficile à réguler. L’aptitude à la conservation des fruits est une autre facteur qui peut conduire à l’urgence de vendre et livrer.
Il est apparu à l’ensemble des adhérents concernés plus particulièrement par la mise en marché de ces pommes qu’il y avait lieu d’assurer au sein de l’association un suivi le plus exhaustif possible et le plus constant de la qualité et des quantités récoltées tout au long de leur mise en stock et de leur écoulement.
La restitution et le partage en interne de ces informations doit permettre de meilleures régulations et espérons- le une meilleure valorisation. Puisqu’au-delà d’une meilleure maîtrise et régulation de l’offre et de la demande, c’est aussi la promesse qualitative aux compotiers sur laquelle nous devons travailler.
Cette orientation issue du séminaire du 1er juin a donné lieu à une réunion de lancement le 18 juillet à Cavaillon. Depuis aout, des réunions régulières hebdomadaires de restitution et d’interprétation des données consolidées collectées réunissent la quasi-totalité des opérateurs qui couvrent le verger de l’association. Si quelques trous existent encore dans le sourcing des informations, chaque semaine tend vers plus d’exhaustivité.
Cette réappropriation de la collecte exhaustive des données issues de la production accompagne logiquement la modification du contenu du travail au sein de l’AFIDEM, association interprofessionnelle maintenant officiellement reconnue grâce à son adhésion à l’interprofession des fruits et légumes transformés, l’ANIFELT. La vocation de l’AFIDEM doit continuer d’évoluer vers la conclusion d’accords entre nos familles sur le cadre contractuel, la recherche de solutions à des questions techniques et qualitatives et des analyses prospectives de l’évolution des marchés et des productions. Le déséquilibre dans la capacité respective à consolider des données entre l’amont et l’aval, et cela sans valorisation financière des moyens déployés en interne par l’ANPP pour nourrir l’Afidem, a conduit notre conseil d’administration à souhaiter limiter à la fois les informations communiquées et notre contribution au fonctionnement de l’association si cette donnée ne peut être prise en compte.
Entre mars et juin, deux réunions de travail se sont tenues autour de la poire et de la reconquête du marché français qui reste bien trop dépendant de l’importation. Grâce à de nouvelles variétés, de nouvelles plantations et une dynamique collective de groupes au sein de l’ANPP, ce projet redonne de la voix à la poire au sein de notre association. La modestie des volumes concernés à ce jour en proportion de la pomme tout autant que le petit nombre d’organisations concernées justifie que l’on s’inspire de travaux efficace conduits autour de la pêche par l’AOP. L’ANPP a participé en juin à Lerida au congrès mondial Interpera. Nous avons ensuite formalisé en novembre le lancement de ce que nous avons appelé l’action poires en réunissant 17 participants volontairement engagés dans le projet. Une meilleure coordination pour la mise en marché des variétés en fonction de leur maturité et des périodes de consommation par un dialogue constructif avec les distributeurs sera une première étape. D’ores et déjà la méthodologie de détermination du prix d’équilibre indicatif bord verger diffusé en pomme est attendu en poire.
Une petite récolte 2022, beaucoup de fruits déclassés, une conservation difficile, une campagne de commercialisation éprouvante, des coûts de production fortement à la hausse, autant de caractéristiques qui expliquent un affaiblissement assez généralisé de nos exploitations arboricoles au sortir du printemps.
En revanche, la fin de commercialisation précoce et des prix enfin à la hausse au fur et à mesure où se confirmait une certaine rareté ont créé un contexte plus favorable pour l’arrivée de la nouvelle récolte.
Les années culturales se suivent et ne se ressemblent décidemment pas. Cette année, le climat a été plus conforme en moyenne à ce qui convient à nos arbres. Pas ou très peu de gel de printemps, des températures plus clémentes et une pluviométrie presque normale dans la plupart des régions de production. Ce qui n’exclut pas, malheureusement, ici ou là quelques catastrophes assez localisées.
C’est ainsi que début aout, lors du Prognosfruit à Trento en Italie, nous avons pu annoncer notre prévision de récolte à 1.500.000 tonnes de pommes et à 105.000 tonnes de poires. Pour l’Europe entière la prévision évaluée en aout à 11.4 millions de tonnes à été revue à la baisse à 11 millions de tonnes de pommes. En poires, avec 1.74 million de tonnes, en raison des inondations en Emilie Romagne, la récolte européenne retombe au seuil très bas de 2021, année de gel sévère.
Autant le début de campagne en aout 2022 était catastrophique, autant cette année il a pu être exceptionnellement favorable. Les marchés en France, en Europe et ailleurs dans le monde étaient vides de stocks de la récolte précédente et peu fournis en pommes de l’hémisphère sud. De plus la qualité des fruits s’est avérée très bonne dès les premières cueillettes avec très peu de fruits déclassés du marché du frais pour être destinés aux compotes et au jus.
Les prix moyens toutes variétés confondues sur le marché du frais et en cumulé depuis le début de la campagne, se situent à 10 centimes de plus au kilo au départ des stations fruitières hors emballage. C’est même un peu plus pour les pommes destinées à la transformation. Elles restent bien sûr toujours vendues malgré cela en dessous de leur prix de revient.
Les pommes issues de l’agriculture biologique sont encore cette année à la peine tant l’offre est supérieure à une demande à peine stable. La valorisation nécessaire pour justifier cet itinéraire cultural devient très difficile à obtenir si nous ne réussissons par très vite à rééquilibrer l’offre et la demande.
Les ventes en volume sont supérieures à fin novembre de 20% à l’exportation mais tout juste au même niveau que l’an passé en France. Une consommation qui demeure trop faible au regard des qualités de fruits qui partent de nos stations fruitières devient un vrai sujet d’inquiétude. Les consommateurs ont-ils dans leurs points de vente l’attractivité par la qualité et le prix que justifieraient les fruits que nous expédions et livrons ? La bonne tenue d’un rayon de fruits et légumes frais nécessite une attention de tous les instants et donc du savoir-faire et de la présence de personnes compétentes. Ce n’est trop souvent pas le cas et devons trouver comment agir pour que la qualité de nos fruits soit respectée jusqu’à l’achat par le consommateur final.
La qualité de la récolte et le contexte de marché toutes destinations confondues sont quand même une excellente nouvelle et redonne de l’espoir dans les vergers.
La campagne passée, nos ventes de pommes hors de France sont passées en dessous de 300.000 tonnes. Après avoir atteint 700 à 800.000 tonnes au début des années 2000, les quantités sont depuis à la baisse. Une baisse qui s’est surtout accélérée depuis l’embargo russe de 2014 et la fermeture du marché algérien en 2016. Pour autant, l’an passé, notre offre en quantité et en qualité ne permettait pas de faire mieux. Il est pour cela à noter que si nous produisons des variétés de pommes et une qualité attendue par les marchés, l’exportation garde de belles perspectives, comme le confirme la campagne en cours.
Les difficultés que nous rencontrons pour produire en France en raison de nos restrictions en eau et en produits phytosanitaires, nos prix de revient élevés, peuvent faire penser que l’exportation n’est plus pour nous et que nous devons seulement nous renforcer sur le territoire national. Ce serait une grave erreur. Les difficultés que nous ressentons et qui sont bien réelles ne sont pas moindres ailleurs. Elles peuvent être de nature différente ou sur d’autres paramètres, mais il n’y a pas de régions de production arboricole sans contraintes particulières. C’est pourquoi les terroirs de production en France ont leurs atouts et leurs avantages concurrentiels comparativement à d’autres hors de France. Au sein de l’ANPP comme à la commission internationale d’INTERFEL, l’accès aux marchés extérieurs doit être travaillé sans relâche en appui de nos entreprises exportatrices. Nous sommes le pays au monde qui a le plus de destinations ouvertes pour nos exportations. Nous sommes encore en négociation pour en ouvrir d’autres. Même si les tonnages sont quelquefois très faibles sur certaines contrées, chaque année des circonstances particulières ici où là conduisent à des opportunités. Le repli sur le seul territoire français, outre qu’il ne peut se faire que dans la douleur, ne peut conduire à terme qu’à nous fragiliser aussi auprès de nos consommateurs nationaux et ouvrir de plus en plus le marché aux importations. Nous ne réussissons à saturer notre marché intérieur que parce que nous produisons plus que nos besoins et que nous exportons.
Le label Vergers Ecoresponsables continue de gagner en notoriété auprès des opérateurs de l’aval, grossistes, détaillants, primeurs, ainsi qu’auprès des consommateurs. La communication soutenue qui passe par la télévision, les réseaux sociaux, la presse, l’opération vergers ouverts et bien sûr l’identification des fruits et des emballages comme d’autres publicités sur le lieu de vente produit ses effets. L’association Pêche et Abricots de France partenaire du label participe aussi grandement à sa visibilité et à la confiance qu’il suscite.
La commission technique en charge de faire vivre le système de progrès permanent qui fonde notre Charte Qualité des Pomiculteurs de France est toujours proactive pour intégrer les promesses attendues par le marché et les consommateurs. Abeilles, biodiversité, captation du carbone, haies, notre cahier des charges couvre tous les champs de l’arboriculture intégrée et de la bonne agronomie.
Pour qualifier le système que la Charte initie et vérifie chez les arboriculteurs et dans leurs vergers, l’expression consacrée en 1997 était Production Fruitière Intégrée. Expression dont la définition avait été donnée quelques années plus tôt par l’Organisation Internationale de la Lutte Biologique. Il faut optimiser toutes les interactions naturelles et n’intervenir avec des intrants chimiques qu’en dernier recours. Puisque selon la définition du développement durable, en plus de la protection de l’environnement, on se préoccupe du bon équilibre aussi avec le social et l’économique. C’est donc un chemin de crêtes qu’il faut suivre, la voie du juste milieu.
Cette conception de l’agriculture remonte à la nuit des temps. Mais nous assistons en permanence à de nouveaux concepts pour ne dire finalement que la même chose. Après l’agriculture durable, puis raisonnée et l’agroécologie vient maintenant le temps de l’agriculture régénératrice. Et l’on voit fleurir de nouvelles équipes de consultants et de techniciens du dimanche, rompus à l’art de la communication et à la vente de concepts fumeux à des marques qui veulent se différencier en mieux des autres sur leurs étiquettes en faisant passer sous les fourches caudines de leurs mauvais jardiniers les paysans que nous sommes.
Vergers Ecoresponsables, c’est l’arboriculture régénératrice depuis 1997. Le concept et ce qu’il couvre est complétement dans les objectifs de la Charte. En revanche qu’année après année les savoir-faire et les techniques se perfectionnent est une évidence. Que chacun sur son verger, dans son groupe de progrès local, dans un centre d’expérimentation ou de recherche décline une stratégie spécifique convaincante, est une constante des progrès en agriculture. C’est ensuite par partage des expériences que se diffusent les bonnes pratiques.
Tout cela relève parfaitement de Vergers Ecoresponsables et il n’est nul besoin de créer un cahier des charges de plus. Nous devons collectivement faire front avec notre label et ne pas nous en laisser imposer un autre à des fins marketing. Nos techniciens agréés VER en formation permanente n’ont pas à être supplantés par des consultants missionnés par nos clients dont nous n’avons pas fait l’évaluation des compétences.
Nous souffrons aussi d’un autre disfonctionnement. On constate éberlués que de plus en plus l’INRAe devient l’inspirateur des politiques publiques agricoles. Alors on ne parle plus que de déspécialisation des cultures, de reconception des systèmes, de verger circulaire, de la fin des pesticides, de biodiversité productive et bien évidemment de changement de modèle. Autant de concepts de laboratoire qui s’accommodent mal des améliorations progressives qui sont notre lot à tous dans nos fermes. Parce qu’il y a aussi l’économique et le social. Il y a une vraie urgence à ce que les chercheurs cherchent et trouvent. Ce que nombre d’entre eux font très bien. Mais il devient parfaitement insupportable que parce qu’ils ont une blouse blanche, une fois sortis de leur labo, ils se mêlent de proposer avec autorité le cap des politiques publiques. Sur ce terrain-là, leur science apparait vraiment très molle. C’est ce que quelques arboriculteurs présents le 30 novembre à Avignon et à Angers aux côtés de la présidente de la FNPF ont pu exprimer lors de la rencontre entre chercheurs et professionnels sur le thème « Sortir des pesticides en arboriculture : quelles stratégies ? ».
Rien que nous ne sachions déjà a pu être appris. Il devient donc lassant de laisser entendre qu’en matière de vie économique et agronomique concrète d’un verger la recherche ferait mieux que nous. En revanche nous sommes très impatients de découvertes fondamentales qui pourront aider les progrès dans lesquels nous nous inscrivons.
Une première étape du « bus de l’innovation » au Pays-Bas a concerné en octobre l’agrivoltaïsme. Accompagnés par Xavier, François, Jules, Thomas, Baptiste et Jean Charles y ont participé. L’innovation et la créativité foisonnent un peu partout dans les centres d’expérimentation et souvent chez les arboriculteurs eux-mêmes. C’est en sachant cela que nous souhaitons stimuler la découverte et le partage d’expériences. Qui sait, un jour peut-être, il y aura aussi des démonstrations utiles à aller voir sur les sites de la recherche française pour notre bus.
L’Association Nationale Pommes et Poires va entrer dans sa seizième année en 2024. Malgré les aléas culturaux et économiques qui ont ponctué tout ce temps, jusqu’à ce jour la surface du verger s’est toujours renforcée. Le label Vergers Ecoresponsable a fédéré très efficacement et conforté la nécessité de faire front commun sur toutes les questions collectives qui impactent nos exploitations.
Nous réunissons donc 25000 hectares de pommiers et 2550 hectares de poiriers. Plus le temps passe et plus nous nous demandons ou se trouvent les 17000 hectares de pommiers et les 3000 hectares de poiriers supplémentaires annoncés par Agreste. En tout cas, aucun de nous n’en constate une présence significative sur les marchés.
La première raison d’être de notre association c’est de connaître parfaitement toutes les données chiffrées qui concernent notre activité. Ce travail n’est jamais terminé. Nous cherchons donc à clarifier cet inventaire français des surfaces plantées en pommiers et en poiriers. Les coefficients que nous utilisons pour déterminer la récolte globale de la France à partir des prévisions de nos membres et de la surface que nous représentons sur le total annoncé a peu de chance d’être encore juste aujourd’hui.
Le chiffre et les analyses qu’il permet est encore à améliorer pour l’association. C’est pour cela que le conseil d’administration a validé le renforcement de notre équipe avec l’embauche d’un collaborateur supplémentaire en 2024.
Après des débuts timides lors des premières années de l’association, la crise de l’inflation aidant et sous l’impulsion de notre directeur nous réinvestissons le champ des analyses économiques pour produire des références et des indicateurs sur la réalité de nos prix de revient. Un travail plus approfondi est engagé sur la mise en marché des pommes vers la transformation, le suivi du marché de la poire après celui de la pomme. De tout cela nous attendons évidemment plus de pertinence des metteurs en marché pour la valorisation de nos fruits. 1 centime de plus au kilo et c’est 10 millions d’euros de plus pour le périmètre du verger de l’association.
Communication, assistance juridique et médiatique, information des décideurs et législateurs, dossiers techniques, intelligence économique, l’ANPP couvre tous ces champs de compétence.
Nous sommes au conseil d’administration des Irrigants de France, de la Fédération Nationale des Producteurs de Fruits, de la GEFEL (Gouvernance Economique des Fruits et légumes) de l’association pour la promotion de la HVE et membre de l’association européenne FRESHFEL et de WAPA (World Apple and Pear Association). Nous travaillons toujours en réseau et en soutien de l’organisation la plus compétente dans un domaine concerné.
Nous nous interrogeons maintenant sur la possibilité de mieux faire s’exprimer les régions de production au sein de l’ANPP et à l’adresse de nos environnements. Les politiques publiques se régionalisent. Ecophyto en est un exemple tout comme les réflexions en cours sur la rénovation du verger dans le cadre du plan de souveraineté des fruits et légumes. Nos terroirs ont des spécificités qui font la richesse et l’identité de la production française. Sachons les mettre en valeur. Il faut pour cela identifier des référents et les accompagner.
Et puis à l’échelle nationale, sur les questions techniques, c’est tout récemment le président de la commission, Robert Pierre Cecchetti, qui était aux côtés de notre directeur pour être auditionné à l’Assemblée Nationale dans le cadre de la commission d’évaluation des impacts de produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale.
Nous allons poursuivre en ce sens et répartir la représentation de l’association selon les thèmes entre les administrateurs du bureau, les présidents de commission ou d’autres administrateurs si nécessaires pour démultiplier notre efficacité.
Nous avons aussi à l’occasion du lancement de la PLOA (projet de loi d’orientation agricole) impliqué trois jeunes arboriculteurs, Marine, Virginie et François, qui ont suivi depuis l’intégralité des travaux. Nous préparons ainsi la relève pour l’administration de notre association.
Après avoir assumé la responsabilité de la commission technique de ce qui s’appelait la section nationale pommes de 1995 à 2008, je préside depuis sa création notre Association Nationale Pommes et Poires. Je ne m’en lasse pas. J’ai accepté à la demande de présidents d’AOP de la GEFEL de postuler pour être le candidat, si elles le souhaitent, des familles de l’amont pour la présidence d’INTERFEL qui sera renouvelée en septembre 2024. J’en suis le secrétaire général depuis plusieurs années et je suis très motivé par les challenges à relever par notre interprofession des fruits et légumes frais qui porte aussi l’expérimentation avec le CTIFL. Je ne sais évidement pas quelle sera l’issue de cette candidature, puisqu’elle est aussi très légitimement revendiquée par le vice-président actuel. En revanche, il est important de savoir qu’il n’y a pas d’incompatibilité réglementaire avec la présidence de notre association. Dans tous les cas de figures, l’évolution de la gouvernance de l’ANPP est déjà en marche et va se poursuivre sous la conduite du bureau. Nous serons prêts pour une parfaite cohérence de fonctionnement entre nos deux associations si le scrutin devait m’être favorable à l’automne prochain.
J’aime à rappeler que je reste aussi et pour longtemps totalement impliqué et en responsabilité dans ma SICA Charentaise Fruitière et dans l’entreprise familiale aux côtés de mes quatre associés et sans doute bientôt cinq. Vivre au rythme de l’économie et des vicissitudes du verger et du commerce, en connaître très directement les difficultés et la complexité m’est nécessaire pour incarner avec légitimité la représentation de nos métiers.
L’ANPP est à ce jour performante et forte de ses collaborateurs et de ses administrateurs. Elle est solidement dirigée par Pierre Venteau arrivé parmi nous en mars 2022. La capacité d’action de l’ANPP est élevée et maintenant bien reconnue par notre environnement. J’adresse à toute l’équipe et à chacun mes plus chaleureux remerciements pour leur implication, leur professionnalisme et leur dévouement à nos causes.
J’adresse aussi ma plus vive reconnaissance à tous mes collègues du bureau, aux administrateurs et bien sûr à l’ensemble de nos adhérents pour la confiance qu’ils m’ont accordée jusqu’à ce jour.
Beaucoup de travail nous attend encore.
Daniel S
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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