28 Novembre 2022
RAPPORT MORAL DU PRESIDENT Assemblée Générale du 1er décembre 2022
Avis de très gros temps sur le verger de pommes et de poires
La déflagration consécutive à l’annonce le jeudi 24 février 2022 au matin de l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine n’en a pas fini de produire ses effets dévastateurs.
Le monde n’avait pas vraiment voulu entendre les sourds bruits de bottes qu’émettaient les troupes russes depuis des mois déjà. La probabilité que le maître du Kremlin passe de l’intimidation à l’action était trop folle pour être admise. L’impensable est pourtant arrivé avec son cortège de morts, d’horreurs, de destructions, de souffrances et de malheurs.
Pour le verger de pommes et de poires en France, il y aura aussi un avant et un après cette déclaration de guerre. Même si, bien sûr, les difficultés à affronter sont d’un autre ordre que celles qu’endurent les Ukrainiens dans leur chair.
Aussi soudaine qu’inattendue, cette crise géopolitique aiguë est venue ajouter de nouveaux obstacles sur notre chemin d’arboriculteurs qui en comportait déjà une ribambelle.
Lors de notre dernière assemblée générale, le 1er décembre 2021, nous commencions à avoir quelques inquiétudes sur la commercialisation de la nouvelle récolte. Alors que l’épidémie de covid commencée en mars 2020 s’était révélée jusque-là étonnamment favorable à la bonne tenue du marché des pommes et des poires, les signes avant-coureurs d’un essoufflement se faisaient jour.
La récolte 2021 de pommes était à peine plus importante en volume que la précédente qui s’était écoulée à d’assez bons prix, y compris à destination de la transformation. Pour la poire, l’effet du gel avait été bien plus dévastateur et les volumes n’étaient que de 40% d’une récolte normale. Le début des ventes laissait donc espérer que se reproduise l’équilibre favorable précédent entre l’offre et la demande.
Malheureusement, sous l’effet d’un plus grand nombre de fruits pour un même tonnage et du retour de l’inflation subie par les familles, la consommation a commencé à ralentir et les prix se sont à peine maintenus. Les coûts de production dans le même temps ont commencé leur envolée. L’indexation automatique du SMIC s’est appliquée dès le 1er octobre 2021. Nous en sommes à 8% d’augmentation cumulée à ce jour, et ce n’est sans doute pas terminé. Les emballages avaient déjà pris les devants avec des hausses à deux chiffres.
Pour les pommes destinées au jus ou à la compote, après une année de prix soutenus en raison d’engagements pris par les industriels et les distributeurs sur l’origine France, la modification des cahiers des charges des marques distributeurs a permis un large recours à l’importation et maintenu les prix au plus bas. D’autant plus que la part des pommes de notre récolte offerte à ce marché en fin de campagne a été plus importante que prévu. Une intervention de communication musclée à notre initiative a quand même permis de réorienter les achats vers nos fruits.
La frontière biélorusse était déjà totalement fermée aux pommes polonaises avant l’invasion de l’Ukraine. Les émigrants du Moyen-Orient transportés et poussés dans le dos vers la Pologne par Alexandre Loukachenko avaient eu raison dès l’automne 2021 de la dernière faille dans l’embargo russe. Mais après le 24 février ce sont aussi les Serbes et les Moldaves qui ont vu leurs ventes s’interrompre. Face à la flambée des cours des céréales, c’est à son tour l’Egypte, gros importateur, qui a fermé l’accès aux pommes européennes pour garder ses devises.
Croulant sous les stocks et perdant leurs rares marchés un à un, les expéditeurs de pommes polonaises ont renforcé leur offensive éperdue à très bas prix sur toutes les places possibles en Europe. Rungis est ainsi devenu un point d’entrée très significatif pour leurs Golden, Galas et autres Jonagold, ce que nous avons pu constater chez grand nombre d’opérateurs lors d’une visite du MIN en mars avec quelques producteurs. En échangeant avec les grossistes qui s’adonnent à cette mise en marché, nous avons compris qu’un tabou était tombé. En revanche, dès lors qu’elles quittent Rungis, nul ne les retrouve sur les étals avec l’indication de l’origine Pologne.
Le combat contre la francisation que nous avions déjà commencé pour la poire est maintenant étendu à la pomme. Les pouvoirs publics si prompts à intervenir dans nos entreprises sont vivement attendus à nos côtés pour faire respecter l’obligation de la mention de la bonne origine sur les étiquettes. Sans l’arbitrage possible du consommateur, la partie sera perdue pour nos pommes tant l’écart de prix est important.
Le pommier polonais avec la guerre en Ukraine a redoublé d’impact sur notre verger et nos marchés. Mais c’est aussi le cas pour le pommier Italien et tous les autres pommiers en Europe ou en dehors qui ont perdus des marchés depuis le 24 février.
L’engorgement aggravé de nos marchés et la brèche qui s’est grandement élargie en France pour les pommes polonaises à très bas prix est la première déflagration issue de l’invasion de l’Ukraine.
La deuxième déflagration est évidement l’explosion stratosphérique du coût du gaz et, par l’effet de règles de marché européennes incompréhensibles, de l’électricité. Une augmentation complètement folle qui vient impacter très durement nos coûts de revient au fur et à mesure que nos contrats arrivent à échéance et doivent être renouvelés.
La commercialisation de la récolte 2021 a donc été bien plus difficile que prévu. Les résultats au verger ont souvent été déficitaires. A cela sont venus s’ajouter les gros nuages noirs que je viens de décrire qui se sont formés au-dessus de nos vergers.
La récolte 2022 promettait d’être meilleure que la précédente. Malgré un nouvel épisode de gel très sévère par endroits, d’alternances marquées régionalement, les bons calibres observés en juin permettaient d’envisager des volumes en hausse et qui se rapprocheraient de la fourchette basse du potentiel du verger français. La poire a tenu ses promesses avec une forte récolte. Pour la pomme, c’est moins pire que ce que l’on avait craint lors de notre lancement de campagne fin août. Ce sont principalement les variétés précoces qui ont durement souffert de la sécheresse et des canicules successives. Coloration insuffisante, maturation rapide, volumes commercialisables en frais qui ont été
fortement réduits par de gros écarts qualitatifs. Le cœur de récolte a un peu mieux tenu ses promesses. Selon les terroirs et les pluviométries, les variétés tardives ont à leur tour souffert de manque de coloration et d’éclatements. Nos dernières estimations consolidées situent à un peu moins de 1.4 million de tonnes la récolte française de pommes cette saison.
La bonne nouvelle quand même, c’est que le cru 2022 est sucré et de bonne qualité gustative. Ce qui laisse espérer, avec aussi de plus gros fruits, une consommation soutenue.
Une petite récolte avec des intrants et une main d’œuvre bien plus chère, ce sont évidemment des coûts de revient significativement plus élevés. Chaque verger est particulier bien sûr, mais nous avons calculé et annoncé une moyenne de 20 centimes en plus par kilo pour les pommes emballées au stade expédition ce début de campagne. Paradoxalement, du côté des mercuriales, c’est en revanche un tassement des prix que l’on constate cette saison.
Le marché ne tient pas compte en instantané de notre augmentation sensible du prix de revient. Nous sommes donc en alerte rouge depuis le début de cet automne. Chaque jour qui passe, les pertes s’engrangent et se cumulent. D’un côté la distribution essaie à tout instant d’enfoncer le seuil du prix le plus bas possible pour ses promotions afin d’attirer vers son enseigne les clients. Du côté des metteurs en marché, certains fruits de moindre qualité et assez urgents à vendre conduisent à accepter les offres scandaleuses reçues. Chacun constate avec effroi notre incapacité à répercuter dans les prix de vente des coûts de revient qui ont fortement augmenté. Nous sommes dans la terrible perspective de déficits importants et de trésoreries exsangues très rapidement.
L’enjeu vital de prix qui prennent en compte les augmentations brutales de nos coûts de production a pris le devant pour notre association sur tous les autres sujets qui doivent évidemment continuer d’être traités sans faiblir.
Quelles actions concrètes pouvons-nous mener ensemble qui permettent d’obtenir les meilleurs prix possibles sur le marché ?
Chacun sait que la tâche est ardue. Pour viser juste, il faut s’assurer que l’on accepte d’abord avec lucidité les complexités et les réalités du marché de la pomme, en France en Europe et dans le monde. Pour définir des stratégies opérationnelles qui aient des chances de succès, il faut nécessairement prendre en compte les nombreuses segmentations, les concurrences avec les autres fruits et l’indépendance capitalistique et décisionnaire des opérateurs entre eux.
Est-ce à dire que dans une économie de marché totalement ouverte et libre, où la formation du prix se fait au jour le jour, rien de collectif ne serait possible ? Evidement non.
Notre première faiblesse quand l’offre et la demande sont déséquilibrées et pèsent sur les prix est de ne pas réussir à tenir le prix qui nous est nécessaire par crainte ou conviction qu’un autre acceptera de vendre moins cher.
A quelques chouias près, nous avons tous besoin des mêmes prix pour couvrir en moyenne nos charges, exception faite de situations particulières liées à des accidents de production qui font exploser les prix de revient. Notre fragilité vient de ce que nous ne sommes jamais sûrs en voulant tenir ces prix de ne pas devoir, de guerre lasse, vendre plus tard à des prix bien plus bas ou d’être contraints de mettre en dernier recours les fruits à la transformation. Parce que nous nous serions trompés sur les équilibres du marché sur la campagne.
Ce que le marché sait très bien faire quand l’offre est nettement inférieure à la demande, il nous faut tenter de le réussir quand la situation est potentiellement assez équilibrée sur la durée d’une campagne. Ce qui est très probablement le cas cette saison.
Nous sommes une association d’organisations de producteurs reconnue. A ce titre nous pouvons partager toutes les informations pertinentes pour la compréhension du marché. Nous pouvons aussi évoquer ensemble les seuils de prix segment de marché par segment de marché que nous savons ne pas devoir être enfoncés.
Face à des distributeurs très concentrés qui usent pragmatiquement avec force de leur position dominante, il nous revient d’utiliser à plein les possibilités que nous donne le cadre réglementaire de l’organisation commune des marchés pour les associations d’organisations de producteurs.
Chaque organisation membre de notre association, nécessairement libre des prix qu’elle pratique, doit trouver au sein de l’ANPP les éléments de compréhension et de réassurance sur les termes de l’échange qui lui permettront de tenir plus solidement ses positions.
Nous savons aussi que seuls des patrons propriétaires ont la possibilité de dire non à une offre trop basse, à revendiquer le juste prix et à refuser de livrer si nécessaire. C’est la noblesse de l’entrepreneur que de pouvoir prendre ce risque majeur. Nous sommes tous appelé dans nos organisations devenues très segmentées et à étages entre le verger et la vente à retrouver cette cohésion et cette force. Je sais que vous y travaillez tous d’arrache-pied.
Je rappellerai ici le conseil donné par un de nos valeureux ancien arboriculteur en Deux-Sèvres à son jeune successeur dont l’histoire gagnante m’a profondément marqué : « mon fils, ne laisse jamais ta production au bord du chemin ». C’était l’époque où il était courant d’attendre que l’acheteur descende de la capitale et se baisse pour ramasser les fameuses Reinettes Clochard de Parthenay déposées en tas sous de la paille après cueillette en bordure de route. Le producteur recevant alors ce que l’honorable marchand parisien considérait devoir lui donner. Nous risquons tous chaque jour de nous retrouver dans cette position de facilité, servile et rarement gagnante.
Depuis 2008 et la création de l’ANPP, les regroupements et la concentration de la mise en marché a beaucoup évolué. A l’épreuve des rudesses du marché et de l’économie, les vergers, les arboriculteurs et leurs organisations qui sont encore debout ont fait preuve de beaucoup d’endurance, de talent et d’une efficacité certaine. Le défi inédit de devoir accélérer la prise en compte de prix de revient en progression forte et inédite est à notre portée. Le chemin que nous avons fait ensemble depuis tout ce temps nous y a préparé. Partager l’analyse des paramètres du moment et regarder ensemble vers un même objectif à atteindre est le meilleur moyen d’enjamber cet obstacle de taille.
Nous devons aussi agir pour informer, assouplir et rassurer nos partenaires et clients de la distribution. Pour cela il faut avoir l’oreille du décideur et du donneur d’ordre, pour enlever un peu de pression sur le soutier qui est à l’achat. Nous y travaillons aussi. Ce qui devrait nous conduire à applaudir aux bonnes pratiques et à montrer du doigt au grand public les moins bonnes.
De par notre adhésion à l’ANIFELT (Interprofession des fruits et légumes destinés à la transformation), l’AFIDEM intègre enfin le cadre de reconnaissance officiel qui lui manquait. Il reste maintenant à démontrer que le dialogue avec les industriels de la compote conduira à une meilleure visibilité et valorisation pour les fruits que nous leur destinons. Le chantier d’une contractualisation pluriannuelle désensibilisée des conjonctures annuelles spécifiques avance bien. La possibilité de vergers aux productions totalement dédiées en parallèle de nos écarts de tri pour accompagner le développement des ventes de compote avec des pommes françaises est toujours à l’étude. Le travail
de défrichage est bien avancé. L’étape expérimentale en verger est à venir. Elle se franchira si nous parvenons à trouver les financements nécessaires.
Nous sommes donc appelés collectivement à créer les conditions qui permettront à ce que chaque kilo de pomme sur la destination qu’il peut revendiquer trouve sa valorisation optimum.
Nous devons pour cela aussi lutter sans relâche contre la francisation et les tromperies sur l’origine. Maintenant que loi AGEC n’est plus un souci pour l’apposition des stickers papiers qui collent et à coût supportable, il faut s’obliger à faire savoir que nos fruits sont issus de vergers français écoresponsables. L’adhésion du consommateur à l’origine France est un atout majeur que nous n’avons pas le droit de négliger. Le programme de communication et d’animation que nous finançons depuis des années a montré les résultats en notoriété de notre persévérance. Il ne faut rien lâcher et poursuivre les efforts.
Le travail conjoint avec l’Association nationale pêche, nectarine et abricot continue d’apporter des synergies appréciables. D’autres fruits sont très près maintenant de nous rejoindre pour les augmenter encore.
Tous nos efforts de communication positive pour l’amélioration des prix de vente ne seront pour autant pas suffisants pour survivre à la tornade économique dans laquelle nous sommes entrés.
Nous sommes tous appelés dès cet hiver à un reengineering global qu’il vaut mieux entreprendre résolument. Les parcelles de verger peu productives, et dont les fruits n’ont pas la qualité attendue par le marché pour espérer être valorisés au-dessus du prix de revient, doivent être arrachées ou surgreffées. Les temps d’inflation dans lesquels nous sommes à nouveau entrés après en être sortis il y a 40 ans modifient les comportements des consommateurs. Le prix de revient de nos fruits au verger et en station fruitière redevient, s’il ne l’a pas toujours été, un critère incontournable.
L’adaptation urgente entre le potentiel du verger en agriculture biologique et l’évolution de son marché est incontournable. La valorisation plus élevée de ce segment doit absolument être préservée.
Nous avons aussi des combats collectifs à mener pour chasser les coûts inutiles. L’inflation des cahiers des charges imposés par chacun de nos clients pour des fruits qui seront issus des mêmes parcelles tout en nécessitant le défilé d’une noria de contrôleurs dans nos vergers et nos stations sans réelle valeur ajoutée pour les consommateurs doit cesser.
Le scandale des aberrations logistiques qui conduisent à faire voyager des palettes de moins en moins pleines pour satisfaire le refus de stocks tampons chez les distributeurs doit également cesser. La facturation des palettes à l’unité indépendamment des quantités de fruits qu’elles supportent doit devenir la règle. Ce sera la meilleure pédagogie pour que les enseignes cessent de se défausser de leur devoir d’optimisation des transports et des émissions de CO2 qu’ils génèrent.
Ces deux derniers sujets, s’ils sont par nature à débattre au sein de l’interprofession des fruits et légumes frais (Interfel), ont aussi vocation à être défendus et imposés par nous-mêmes unilatéralement.
Pour ce qui concerne la hausse colossale actuelle et à venir des coûts d’électricité, nous avons été parmi les tout premiers à faire monter le sujet à la une des médias. Le relais opportun pris par Interfel a amplifié la résonnance des impasses à venir. Nous avons fait le siège des pouvoirs-publics sur cette question. Il faut malheureusement reconnaître qu’à ce jour les annonces d’aides pour réduire la facture ne sont pas à la hauteur. Le précipice continue de s’approcher lorsque les contrats antérieurs arrivent à terme. Il semble que conscient de la catastrophe qui s’annonce, de nouvelles mesures complémentaires vont être prises rapidement. Espérons qu’elles seront à la hauteur.
Le mur des charges auquel nous faisons face et donc la nécessité de remonter les prix est l’urgence immédiate. Mais d’autres écueils se rapprochent à très court-terme.
La protection phytosanitaire de nos vergers est plus menacée que jamais. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, poursuit le projet d’un plan de souveraineté pour les fruits et légumes initié par son prédécesseur Julien Denormandie. Un groupe de travail a pour sujet les pesticides. L’approche proposée était au début d’acter les parti-pris franco-français en plus des évolutions restrictives du même tonneau qui se préparent en Europe pour booster maintenant des solutions alternatives censées permettre à la fois de contrôler les maladies et ravageurs tout en réussissant la transition écologique telle qu’elle est incantée. Ne pas toucher aux causes de la situation critique dans laquelle nous sommes en rêvant de solutions miracles à bas prix pour s’en affranchir est tout juste absurde et impossible. Si tant est que l’objectif soit bien de produire en France ce qui peut l’être sans augmenter sans cesse les importations comme c’est le cas depuis 20 ans pour les fruits et légumes dont la part est passée de 30 à 50 %.
Bien heureusement, il est devenu possible dans ces réunions d’évoquer très clairement les points de blocage qu’il ne coûterait rien de faire sauter pour être en bien meilleure situation. Le coût politique semble lui en revanche impossible à assumer. Mais le fait de dire clairement les choses au moment où la situation est devenue plus que critique permettra peut-être que le réveil ait lieu. En tout cas, le pouvoir politique ne pourra pas dire qu’il ne savait pas s’il ne fait rien comme cela reste malheureusement très probable.
Le sujet de l’eau est lui aussi dans le champ de nos actions et notre appartenance aux Irrigants de France se révèle des plus utiles pour faire corps sur ce dossier stratégique incontournable. La plainte que nous avons déposée avec la FNPF, FELCOOP et l’AOP Tomates et Concombres à l’encontre de Julien Bayou marque notre volonté ferme de ne pas laisser s’installer la rhétorique anti-irrigation dont nous serons nécessairement les victimes collatérales. Le procureur de Poitiers a cru bon de devoir classer notre plainte parce que les faits délictueux ne seraient pas assez démontrés. Nous nous adressons maintenant au ministre de la Justice et nous nous réservons la possibilité de déposer cette plainte à nouveau devant la 17ème chambre du tribunal de Paris, dite chambre de la presse.
Qu’un élu incite publiquement devant une très large audience à la désobéissance civile, c’est-à-dire en la matière à vandaliser des équipements sur les exploitations agricoles, tout en disant assumer cette désobéissance devant les tribunaux n’est pas admissible. En classant notre plainte, le procureur invite en creux à l’appel à la désobéissance civile des agriculteurs ciblés pour qu’ils défendent eux-mêmes leurs biens. Une escalade qui ne peut qu’inquiéter.
Les contraintes de production s’incrémentent sans cesse. Les contrôles de l’OFB (Office français de la biodiversité) ont déjà conduit par trois fois à de longues gardes à vue ainsi qu’à une condamnation. La commission technique de notre association s’est penchée sur les impossibilités concrètes pour les arboriculteurs à respecter à tout instant toutes les dispositions réglementaires en verger. Elles sont nombreuses. La question se pose de savoir si nous ne devons pas collectivement le faire savoir aux autorités plutôt que d’espérer individuellement ne pas être pris en défaut à tel ou tel moment. Une information collective aux pouvoirs publics est la meilleure garantie à apporter pour chacun de nous. En recevant l’information que telle ou telle disposition réglementaire n’est pas applicable tout le temps par aucun de nous, en ne changeant pas ces points de la réglementation sans pour autant nous condamner tous, l’Etat s’associe à nos difficultés et acte les impasses. Pour autant, au regard de la gravité de l’aveu, à ce jour le débat n’est pas tranché entre nous.
Le projet PEREN qui vise à définir l’itinéraire technique qui justifierait des crédits carbone pour nos vergers est en voie d’aboutir bientôt. Nous y sommes impliqués aux côtés de Blue Whale, Pink Lady,
l’Afidem en partenariat avec l’ADEME et avec le CTIFL en cheville ouvrière, nettement renforcée quand même par nos équipes.
La liste des dossiers que nous suivons et des combats que nous menons n’est pas exhaustive ici. D’autres écrits auxquels vous avez accès sur mon blog complètent ce qui a fait notre actualité en 2022 et ont vocation à compléter ce rapport moral. Vos administrateurs sont destinataires des comptes- rendus exhaustifs de nos conseils d’administration et vous pouvez solliciter ceux qui vous sont les plus proches pour en connaître la teneur. La lettre d’information de l’ANPP émise à bon rythme vous informe et vous mobilise autant que nécessaire. La revue de presse du vendredi est aussi de plus en plus lue et complète. Est venu s’ajouter aux comptes Vergers Ecoresponsables sur les réseaux sociaux ainsi qu’au site internet qui leurs sont dédiés un compte ANPP Linkedin auquel je vous conseille vivement de vous abonner. La boucle WhatsApp à laquelle nombre d’entre vous sont connectés, est aussi toujours très active. Les échanges nombreux entre nous tous et le partage de l’information sont l’ADN de notre association et la force du réseau que nous constituons.
Notre association a connu une évolution importante cette année avec le départ de Josselin Saint Raymond et l’arrivée de notre nouveau directeur Pierre Venteau. Au regard de l’empreinte très forte imprimée par Josselin auprès de nos collaborateurs, de notre environnement et des adhérents, le défi à relever était grand. J’ai grande satisfaction à dire aujourd’hui que Pierre, par ses initiatives, sa force de travail, sa disponibilité, sa réactivité, son état d’urgence permanent, sa connaissance des dossiers, son parcours antérieur et son réseau dans l’environnement décisionnaire dans lequel nous évoluons, a permis qu’il n’y ait aucun répit dans la marche en avant de notre association. Pierre sait aussi que l’association est l’émanation des producteurs et c’est donc sur le terrain, auprès de vous, qu’il source son action et qu’il teste les stratégies à conduire.
Pierre s’appuie également sur une équipe que vous savez déjà très professionnelle, expérimentée et qu’il faut vivement remercier pour son engagement à nos côtés. Sandrine et Régine pour la communication sont à Toulouse. Elles viennent d’être rejointes par un community manager en la personne de Thibault Ferlicot. Vincent à Angers dont on espère que le nouveau logiciel en cours d’installation permettra de collecter encore plus d’informations économiques auprès de nous tous et ainsi de mieux nous éclairer sur la conjoncture et les perspectives. Xavier à Paris pour la Charte qualité et les questions techniques. Xavier est de plus en plus mobilisé pour obtenir les produits phytosanitaires dont nous avons un besoin crucial.
Sophie pour l’assistance administrative et Anne-Marie pour la comptabilité de l’association sont un levier d’efficacité indispensable pour la réussite de notre action. Sans oublier notre collaboration avec Lili, encore étudiante, qui prépare nos rendez-vous institutionnels et entre-autre travaille à l’animation d’un réseau de jeunes arboriculteurs qui seront rapidement acculturés aux problématiques collectives travaillées par l’association.
L’efficacité passe aussi par le levier des partenariats et des réseaux. C’est ainsi que nous travaillons en étroite collaboration avec GEFEL et les associations comme la nôtre qui la constituent. Nous sommes membres de la FNPF (Fédération Nationale des Producteurs de Fruits) qui portent les actions syndicales que nous soutenons. Nous coopérons également activement avec FELCOOP et toutes les associations de l’écosystème en fonction des sujets.
Nous sommes aussi très présents à INTERFEL au travers de GEFEL où nous trouvons des espaces de dialogue avec les autres familles de la filière. C’est aussi au travers d’INTERFEL que nous travaillons l’accès aux marchés extérieurs, les communications qui soutiennent ces marchés et notre présence sur les salons internationaux. Deux représentants éminents de notre association assurent la coprésidence de la commission internationale, Christophe Belloc et Eric Guasch. Eux-mêmes assistés par Daniel
Soares et Marion Kukulski. Quelles que soient les difficultés rencontrées sur nos marchés hors de France, il est indispensable de tout mettre en œuvre pour rester présents, préserver et développer les segments de marché les plus pertinents qui sont issus d’une longue histoire et d’une persévérance de longue haleine.
Il faut relever aussi notre implication soutenue au sein de FRESHFEL sur les questions européennes et bien sûr dans le cadre de WAPA aux côtés des autres représentants des pays producteurs du monde. Nous bénéficions avec ces associations de l’excellent apport de Philippe Binard qui, avec son équipe de choc, sont d’une efficacité redoutable.
Que ce soit à Paris ou à Bruxelles, les politiques publiques suivies ne laissent de nous inquiéter. C’est le cas du Green Deal et de Farm to Fork de la Commission européenne qui est de plus en plus hors sol et déconnecté des volontés politiques de nombre d’Etats membres. Mais les réorientations que nous n’arrivons pas à obtenir dans notre propre pays sont parfois plus facile à obtenir à l’échelle européenne. Le blocage de la directive SUR (Sustainable Use Regulation of Pesticides) n’est pas franchement la préoccupation de Paris alors qu’une majorité de 21 pays se dégage pour en exiger une évaluation de l’impact. Un préalable avant d’accepter toute négociation avec la Commission.
En France, une administration puissante s’appuie sur des orientations antérieures pour faire obstruction autant qu’il est possible aux infléchissements réalistes rendus nécessaires. Il faut bien reconnaître que le courage politique indispensable pour aller à l’encontre des orientations qui nous envoient lentement mais sûrement au tapis se fait assez discret.
Nous menons pour cela un travail incessant auprès des élus et de l’administration pour assurer la pédagogie nécessaire à la compréhension de nos problèmes. Nous sommes particulièrement bien aidés par notre agence de relations presse Droit Devant, ainsi que maintenant par un cabinet d’avocats spécialisés sur les questions environnementales.
L’ampleur des actions à conduire par notre association a un coût. Au regard de la prise en compte des dégâts du gel l’an passé, nos ressources ont nécessairement baissé. La mobilisation d’un peu de fonds propres mis de côté les années précédentes permet de ne pas relâcher les efforts. En revanche, dans la perspective probable d’un resserrement de notre volume d’activité collectif, nous allons devoir recalibrer notre stratégie et les budgets prévisionnels liés. Nous allons nous employer dès le premier semestre 2023 à soumettre à vos représentants de nouvelles propositions.
L’implication des présidents de commission, des membres du bureau et des administrateurs est donc plus nécessaire que jamais, tout comme celle de chacun des membres de notre association. Je remercie vivement chacun pour l’ardeur avec laquelle il s’implique pour que l’ANPP aide à la réussite économique de nos vergers. J’y mets moi-même toute ma conviction et mon énergie.
Daniel SAUVAITRE Président
Association Nationale Pommes Poires – Rapport moral du Président – 30 novembre 2022
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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