21 Août 2022
Sécheresse : agir plutôt que gémir.
L’actualité liée à la sécheresse déclenche une foultitude de tribunes d’acteurs d’horizons divers qui semblent prendre conscience d’une situation que les arboriculteurs gèrent au quotidien depuis toujours.
Plus les prises de position sont douteuses et plus elles trouvent un écho médiatique. Ici, c’est une chercheuse en hydrogéologie du CNRS qui brandit la situation catastrophique de la mer d’Aral pour discréditer le stockage de l’eau. Comme si l’agriculture française avait le moindre point commun avec la monoculture de coton qui a spolié l’eau de l’Amou Daria et de la Syr Daria ! Comparaison n’est toujours pas raison.
Là, c’est un chercheur en science politique de l’Inrae qui prône une réflexion démocratique sur le partage de l’eau. Comme si les comités de bassin, « parlements de l’eau » à la française, ne remplissaient déjà pas ce rôle.
Enfin, c’est un collègue éleveur, porte-parole national d’un syndicat agricole, qui appelle à transformer le modèle agricole. Mais son discours est disqualifié par son soutien actif à la destruction des réserves d’eau des Deux Sèvres.
Ces positions dogmatiques et attentistes qui n’apportent pas la moindre solution viennent en creux nous stigmatiser comme si nous regardions les bras croisés les canons à eau vider cupidement les réserves et les cours d’eau.
C’est mal connaître la réalité de nos pratiques agronomiques. Nous n’avons pas attendu que le climat évolue pour nous prémunir de ses aléas constants. Si aujourd’hui la quasi-totalité de nos vergers sont irrigués, ce n’est pas par pur goût du lucre. Entrepreneurs du vivant, nous savons que l’eau, c’est la vie, et que nos fruits sont constitués à 85 % d’eau. Pour qu’ils respirent, donnent de belles et saines récoltes et captent du carbone, il faut donner à boire à nos arbres.
L’eau est un bien commun et précieux que nous gérons à l’économie grâce à des techniques de précision. Sondes dans le sol, goutte à goutte ou micro-aspersion, enherbement et mulch pour conserver l’humidité sont incontournables dans nos Vergers Ecoresponsables. Et nous travaillons en totale transparence : tout un chacun peut venir par lui-même constater ces pratiques à l’occasion de l’opération « Vergers ouverts » qui commence fin août.
Il semble d’ailleurs important de battre en brèche la petite musique que tous ces pourfendeurs de l’irrigation jouent sans vergogne et qui voudraient faire croire que certaines activités, dont l’agriculture, captent l’eau au détriment de tous. Or, quelles que soient les cultures, toute l’eau prélevée au milieu lui est rendu, majoritairement par l’évapotranspiration, mais aussi par l’infiltration dans les sols qui approvisionne les nappes, le ruissellement qui alimente les cours d’eau, mais également les produits agricoles qui finissent de façon certaine dans nos estomacs et donc notre réseau d’assainissement…
A l’inverse de l’or, l’eau ne se thésaurise pas, elle circule dans un cycle ininterrompu d’échanges. Aux côtés des réseaux d’eau potable, l’agriculteur est aussi un porteur d’eau vers nos organismes à nourrir.
Tous les climatologues s’accordent sur une modification sensible du régime des précipitations. Nous aurons en France demain autant d’eau qui tombera du ciel, mais pas forcément au moment où la faune et la flore en ont le plus besoin. Sans compter des crues annoncées qui seront toujours plus destructrices pour les milieux. Il faudrait donc « changer de modèle » tout en regardant l’eau couler et parfois tout détruire.
Bien évidemment, la recherche doit continuer à être soutenue pour que demain les dispositifs d’irrigation soient toujours plus économes en eau et énergie. Naturellement, les diverses technologies de sélection génétique doivent être financées pour disposer demain d’arbres plus résistants au manque d’eau et aux différents ravageurs. Mais nous le savons, malgré la grande confiance que nous avons dans nos chercheurs, ces derniers ne nous donnent pas d’échéance pour de nouvelles ruptures avant 15 ans sur ces sujets. S’il est indispensable de poursuive en ce sens attendre serait irresponsable.
Alors ayons le courage et le bon sens de stocker l’eau quand elle est en excès pour pouvoir la réutiliser pendant les périodes de disette pour les productions agricoles.
Ces réserves à construire immédiatement doivent pouvoir répondre également au soutien d’étiage pour ne plus voir les cours d’eau à sec, véritable destruction de la biodiversité, ou bien encore, actualité cruelle, permettre de lutter contre les incendies. Seule une décision politique courageuse et d’ampleur, à l’instar de celle prise récemment par le gouvernement français pour faciliter le développement des énergies renouvelables, permettra de franchir rapidement cette première étape cruciale et engager enfin notre pays sur la voie des solutions à la sécheresse.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
Voir le profil de Daniel Sauvaitre sur le portail Overblog