5 Octobre 2020
Mes chers collègues, la crise sanitaire que nous connaissons raréfie malheureusement nos moments d’échanges. Nous n’avons pas pu nous retrouver pour notre habituel rendez-vous technique du mois de juin à la station d’expérimentation de la Morinière, pas plus que pour la réunion de lancement de campagne à la fin du mois d’août.
Les récoltes 2020 ont démarré il y a maintenant plus de deux mois. Au-delà de l’image déficitaire que nous a donné la première prévision de fin juillet, réalisée sur la base de vos déclarations, de l’inventaire des vergers de l’association et des données du dernier recensement agricole à notre disposition, nous pouvons désormais affirmer que le déficit est malheureusement encore plus marqué que nous ne l’attendions. Seules les récoltes de 1991 et de 2012 ont présenté un déficit plus marqué. Nous avons moins de fruits que prévu, et les calibres sont centrés sur la moyenne avec un déficit de petits et de gros fruits. La récolte 2020 peut même prendre un tour particulièrement catastrophique pour certaines régions, certaines variétés ou certains vergers. L’alternance négative, renforcée par le manque de froid et la sécheresse de l’année en sont, entre autres, responsables. Nous ne pouvons pas non plus occulter les attaques de pucerons, de tavelure ou de punaises parfois difficiles à maitriser avec le peu de moyens de protection qui restent à notre disposition. La première partie de la récolte a eu lieu dans de bonnes conditions météorologiques. Nous entamons la récolte des variétés plus tardives sous la pluie battante de la tempête Alex. Espérons que le vent chasse vite les nuages pour nous offrir les meilleures conditions possibles pour finir de cueillir nos fruits.
Mais la tempête n’est pas que météorologique. Les promotions s’enchaînent à des prix qui ne peuvent pas satisfaire les producteurs en déficit de fruits. La guerre des prix fait rage entre les distributeurs. Après avoir affiché tout l’été - à grand renfort de communication - leur soutien à la production française, ils n’ont plus en tête que la nécessité d’attirer un maximum de consommateurs appâtés par les prix bas et la solidarité affichée avec les bourses les moins fortunées. La volonté de garantir le pouvoir d’achat n’est pas illégitime mais nous ne pouvons pas accepter que cela se fasse au détriment des producteurs français de pommes et de poires déjà durement fragilisés par la faible rentabilité de la récolte de l’an dernier.
Pourtant, malgré les besoins de trésorerie ou les incertitudes du Brexit et du Covid, qu’il est difficile de lever à ce stade, tous les voyants semblent au vert pour valoriser notre faible récolte et justifier que nos commerciaux ne lâchent rien sur les prix des catalogues. Les prix de certaines promotions acceptées pour la Gala ou la Golden sont à ce titre difficilement compréhensibles. Le calibre et la qualité de nos fruits sont bien adaptés au marché national. Nous avons une légère avance de destockage par rapport à l’an dernier grâce à la précocité de notre entrée sur le marché. La récolte européenne est très déficitaire, similaire à celle de l’an dernier en volume total mais avec un volume commercialisable en frais encore inférieur. Le faible flux export sur les destinations maritimes, compensé jusqu’à présent par les autres destinations, devrait s’accroître avec la résorption du stock hémisphère sud et la baisse progressive de l’offre des pays situés à l’est de l’Europe. Les prix des pommes destinés à la transformation sont plus élevés en ce début de campagne qu’à la fin de la dernière.
L’ANPP est mobilisée et déterminée, par ses échanges engagés avec la Fédération du Commerce et de la Distribution et la Fédération du Commerce Coopératif Associé, à favoriser un meilleur équilibre de prix pour la récolte 2020. Elle sera bien entendu accompagnée par la FNPFruits et la GEFeL. Et si la médiation que nous privilégions ne devait pas être suffisante, un combat plus dur sera engagé.
Nous serons par ailleurs particulièrement vigilants cette année au respect des origines compte tenu de l’intérêt que notre faible récolte pourrait redonner à la pomme polonaise à l’image de ce que nous avons connu il y a deux ans. Il en est de même pour la Poire Belge ou Hollandaise qui franchit trop facilement nos frontières sous une appellation usurpée. Il est hors de question que des fruits produits sans respecter les exigences de qualité que nous nous imposons dans le cadre des Vergers écoresponsables et de la réglementation sanitaire et sociale française puissent usurper les valeurs de ce qui nous réunit et provoque la préférence des consommateurs chez nos clients.
Malgré ce début de campagne commerciale décevant, et la désagréable surprise de voir les palox et les frigos se remplir moins vite encore que nous ne l’avions anticipé, je vous souhaite à tous une bonne fin de récolte et la meilleure commercialisation possible.
Toute l’équipe et les administrateurs, qui pilotent les actions de l’ANPP par visio-conférence depuis bientôt 8 mois, sont mobilisés et à votre disposition. N’hésitez pas à nous alerter sur les difficultés que vous pouvez rencontrer pour nous permettre de vous accompagner au mieux. Nous espérons tous pouvoir vous retrouver rapidement sur le terrain dans vos régions.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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