5 Octobre 2020
Intervention sur la délibération intitulée : Nouvelle Aquitaine rebond. Plan de transition et de reconquête technologique. Acte 2 – Adaptation et transformation des filières régionales.
Monsieur le Président, il est rappelé dans cette délibération la violence de l’impact économique de la crise sanitaire que nous subissons. Une récession pour 2020 estimée entre 8 et 11 % et au moins 800000 emplois détruits.
Dans ce contexte, il est noté que l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt ont plutôt assez bien résisté en Nouvelle Aquitaine. Il est dit aussi que ce secteur d’activité qui est un atout maître pour notre grande région dispose de leviers pour son rebond et sa diversification.
Puisque l’objet de cette délibération est de répondre de manière structurelle aux effets de cette crise. Puisqu’elle décline par filière les actions d’impulsion et d’accompagnement économique du rebond attendu, je souhaite souligner ce qui me semble être un oubli majeur pour ce qui concerne l’agriculture.
L’agriculture a en effet moins souffert de cette crise que d’autres secteurs d’activité. D’abord parce cette activité ne s’est pas interrompue. Les agriculteurs sont toujours restés à pied d’œuvre. Les travaux aux champs n’attendent pas. La chaine de l’alimentation non plus. En revanche, les circuits de distribution ont été très perturbés. A l’exportation ou sur le marché national certaines productions comme le vin ont été durement impactées.
Mais à ce jour, l’agriculture dans notre région a quand même bien plus souffert des aléas climatiques que de la crise sanitaire.
Une pluviométrie abondante tout l’hiver suivie d’une sécheresse sévère et de températures caniculaires cet été se traduisent par des récoltes de misère en cultures sèches pour les céréales et des prairies grillées pour les éleveurs.
Dans ce contexte et au regard de ce qui nous est promis pour les années qui viennent on s’attendrait logiquement à ce que l’optimisation de la gestion de l’eau soit une priorité de notre région. Que la longue histoire de la maîtrise des aléas climatiques par l’agriculture depuis ses origines soit confortée et accompagnée hardiment par notre collectivité.
Le ministre de l’agriculture Julien Denormandie, comme son prédécesseur, affiche maintenant sa détermination aux côtés des agriculteurs pour profiter de la chance qu’a notre pays d’être bien arrosé pour mettre de l’eau de côté quand elle est en excès afin d’en disposer quand elle manque dramatiquement.
La stratégie qui nous est proposée dans cette délibération évoque bien la souveraineté alimentaire, la résilience des territoires en cas de crise climatique, l’adaptation au changement climatique et la compétitivité des exploitations, mais nulle part on ne parle de stocker plus d’eau pour pouvoir mieux irriguer. Même chose pour les 21 actions déclinées. Pas une n’évoque clairement l’irrigation.
J’ai relu la feuille de route Néo Terra, j’ai relu le rapport AcclimaTerra, on n’y trouve aucun volontarisme pour agir afin de garder la Nouvelle Aquitaine bien verte en été.
Plus d’eau stockée pour l’agriculture, c’est plus de souveraineté alimentaire. C’est plus d’efficience de l’agriculture. C’est plus de diversification en arboriculture, en maraichage, en horticulture, en pépinière. C’est plus d’autonomie en protéines végétales. C’est plus d’élevage et de bien être animal.
C’est aussi moins de réchauffement climatique en Nouvelle Aquitaine, à la campagne mais aussi dans ces ilots de chaleur que sont les villes. C’est aussi plus de carbone prélevé dans l’atmosphère et retenu dans les sols.
Cette eau qu’il faut stocker, elle n’est pas pour le seul bénéfice de quelques agriculteurs. Elle est pour nous tous, pour notre alimentation. Elle est pour les consommateurs d’autres régions de France ou du monde qui n’ont pas la chance d’avoir notre pluviométrie. Une pluviométrie qui n’a pas vocation à se réduire si l’on en croit les modèles prospectifs du réchauffement de la planète.
L’agriculteur ne garde pas l’eau pour lui. Il la transforme en nourriture pour le plus grand nombre. Il garantit et confirme qu’elle est un bien commun comme le stipule la loi. Dans cette affaire l’agriculteur est un porteur d’eau pour la population tout entière.
Etonnamment, le parti pris de notre région à ce jour est plutôt d’essayer d’apprendre aux agriculteurs à se passer d’eau.
Toutes les techniques d’augmentation de la capacité au champ de la réserve en eau sont évidemment à promouvoir. La modification des emblavements comme l’adaptation des variétés pour plus de tolérance au stress hydrique doit se poursuivre.
Mais tout cela ne nous exonère en rien de notre ardente obligation de nous adapter aux contraintes du climat, de notre devoir de stocker plus de carbone dans les sols et de notre devoir de faire baisser la température en Nouvelle Aquitaine. Tout cela en stimulant la végétation par l’irrigation.
Stocker l’eau quand elle déborde pour en avoir quand elle manque est un projet prioritaire. Notre politique doit être offensive dans ce domaine.
Optimiser les productions agricoles est une mission à laquelle doit contribuer notre collectivité monsieur le Président. Nous devons nous mouiller pour que la Nouvelle Aquitaine ne sèche pas, pour qu’elle ne devienne pas un désert.
Voilà un projet qui devrait tous nous réunir et que j’aurais aimé trouver dans cette délibération pour le rebond de la Nouvelle Aquitaine.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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