3 Mai 2015
Selon la légende, Isaac Newton aurait eu la révélation des lois de la gravitation universelle en recevant une pomme sur la tête alors que d’humeur contemplative il était assis dans son jardin.
Tout comme ce grand savant, mes chers lecteurs, j’ai expérimenté l’effet étincelle d’une situation particulière qui a cristallisé en un instant ma compréhension d’une loi de notre nature profonde et de son implication pratique.
Grâce à cette autre pomme que j’ai prise en pleine poire, je suis donc en capacité de vous révéler aujourd’hui comment par « servitude volontaire » l’administration la plus brillante de notre pays peut devenir un rouleau compresseur aveugle au service des errements conceptuels du pouvoir, voire même de les inspirer.
Mes chers lecteurs, je suis également en mesure de vous révéler par la même occasion que l’ouvrage le plus subversif du moment a été rédigé en 1549 par un jeune sarladais de 18 ans. Vous avez deviné, il s’agit d’Etienne de La Boétie auteur de ce discours « de la servitude volontaire » plus actuel et utile que jamais.
Je participais donc il y a quelques jours de cela à une réunion du GIS fruits rue de l’université au siège lumineux de l’Institut National de la Recherche Agronomique. Après un assez long ordre du jour, le directeur scientifique adjoint de l’institut s’est livré à un état des lieux synthétique du projet de CEPP (Certificat d’économie de produits phytosanitaires) qui doit être mis en œuvre à titre expérimental en janvier 2016, conformément à l’article 24 de la loi d’avenir agricole.
La présentation avait pour objet de sensibiliser les participants à la nécessité de produire des « fiches actions » nécessaires au système pour valoriser forfaitairement en Nodu les indulgences que devront s’acheter en proportion de leurs péchés les obligés, vendeurs impénitents de produits phytosanitaires. A défaut, la sanction financière de leur inaction promet d’être très lourde.
Chacun des participants savait, tout comme vous mes chers lecteurs, que je tente vainement depuis des mois d’alerter sur l’absurdité de ce projet. L’article que j’ai en partie consacré à ce certificat il y a quelques semaines a même connu une certaine audience auprès de la profession après qu’un large extrait ait été repris avec mon accord dans le courrier des lecteurs de la France Agricole. Ce qui a semble t-il un peu agacé ici où là.
L’exposé terminé, alors qu’un silence profond s’installait, je me suis risqué à détendre l’atmosphère en proférant allègrement : « c’est simple, c’est pragmatique, ca doit marcher ! »
Mon trait d’humour n’a malheureusement pas du tout fait rire la petite assemblée et a été accueilli par un nouveau silence de plomb. Et le plus sérieusement du monde, le directeur scientifique adjoint a repris la parole pour défendre ce projet qui a vocation selon lui à être parfaitement opérationnel pour autant qu’on ne le flingue pas dans l’œuf, comme je m’y emploie, et que l’on cherche utilement à le faire réussir. Ce que la société est en droit d’attendre quand même des citoyens engagés que nous sommes. Il suffit nous dit-il de lire les 414 pages écrites par les auteurs prestigieux de la préfiguration de la mise en œuvre des CEPP pour s’en convaincre. Et toc.
Autant vous dire mes chers lecteurs que je suis reparti assez sonné du temple de la recherche agronomique. J’étais perdu dans un abîme de réflexions en me dirigeant vers mon métro à la station Invalides, puis en grande méditation debout au bar du TGV en route vers mes pénates charentaises. Quelqu’un m’avait piqué ma place réservée et ce soir là je ne me suis pas senti le cœur à le faire déguerpir. Ces moments de grande solitude et de désarroi doivent se goûter à fond pour qu’ils produisent leur plein effet et permettre la résilience qui s’ensuit le plus souvent.
Ce qui me turlupinait, c’était de ne pas avoir lu ces 414 pages dont on me disait doctement qu’elles démontraient la faisabilité des CEPP. Mon intuition de l’absurdité définitive du système souffrait elle finalement de légèreté par manque d’information? Aurais-je parlé trop vite ? Etais-je présomptueux de penser opposer mon diagnostic au doigt mouillé de pesticides au travail de préfiguration des plus belles intelligences bien propres sur elles du pays et à l’adoubement de la direction scientifique de l’INRA ? Avais-je un culot irresponsable et monstre de m’opposer ainsi au principal outil au service d’Ecophyto 2 ?
Je me suis donc pourri le week-end suivant à lire l’imposant rapport. Devais-je réviser ma position ? Il fallait que j’en aie le cœur net.
Heureusement pour moi, mais malheureusement pour notre pays, ces 414 pages ont confirmé au-delà de mes attentes mon intuition première. L’idée des CEPP est bien, preuve à l’appui, d’une bêtise abyssale.
Je vous mets en lien le document en Pdf pour que vous puissiez vous rendre compte de tout cela par vous-mêmes mes chers lecteurs.
Evidemment quand on regarde la page de couverture et que l’on prend connaissance du pedigree des auteurs et les corps auxquels ils appartiennent, on est un peu pris de vertige. Inspection Générale des Finances, Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux et tous sont ingénieurs ou inspecteurs. Quand on n’a comme moi qu’un bac littéraire, il faut être inconscient ou culotté pour oser s’interposer. J’ose, forcément j'ose.
Pour bien comprendre comment nous en sommes arrivés là, il est nécessaire de remonter quelques années en arrière. Le point de départ, c’est le Grenelle de l’environnement en 2008 et l’adoption du plan Ecophyto 2018 qui en est issu.
Marion Guillou, alors directrice de l’Inra avait fait savoir au pouvoir que la ferme France pouvait produire autant avec une consommation moitié moindre de pesticides. Logiquement cette réduction de moitié est devenue très vite un objectif politique. Le pouvoir s’est alors retourné vers l’Inra pour lui demander comment il fallait s’y prendre. Et c’est là que les choses ont commencé à se corser et à devenir drôles.
Des groupes de travail par cultures ont été institués afin de décortiquer les pratiques et de définir les moyens à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif. J’ai participé à celui consacré aux cultures fruitières.
Il y avait quelque chose d’assez attendrissant à être témoin de la découverte du monde réel par des chercheurs habitués à ne le voir que d’une façon très parcellaire au travers de puissants microscopes.
La réalité de l’arboriculture dans sa dimension agro-économique était bien plus qu’une découverte pour nombre de ces chercheurs de laboratoire. La multitude de paramètres inventorié de l’équation à résoudre grandissait au fil de nos rencontres. Dans le même temps, la perspective d’atteindre facilement l’objectif annoncé s’éloignait cruellement.
Je nous revois en train d’essayer de classer les arboriculteurs selon la qualité supposée de leurs pratiques en matière d’utilisation des intrants, engrais et pesticides. Tout en bas il y avait les nases. Ceux qui agissent bêtement selon un programme préétabli, infoutus d’observer les maladies et ravageurs à maîtriser. Juste au dessus se trouvaient ceux en capacité de raisonner pour intervenir mieux à propos. Encore un cran plus haut, non seulement ces arboriculteurs là étaient en capacité de raisonner, mais en plus, ils savaient s’associer des techniques de bio-contrôle et maîtrisaient quelques prophylaxies. Au nirvana se trouvaient bien entendu les producteurs bios. Parce que c’était comme ça, a priori incontestable et non négociable.
Restait ensuite à évaluer le pourcentage d’arboriculteurs et de surface représenté par chaque groupe. Ensuite il fallait estimer l’économie d’intrants qui pouvait s’obtenir en faisant passer les arboriculteurs d’un groupe vers l’autre pour atteindre les 50% de réduction devenus notre horizon obligatoire.
Il était parfaitement surréaliste de réunir autant de compétences pour bidouiller dans une approche bien peu scientifique une réponse censée être opérationnelle à la question posée par l’Etat. Il fallait à tout prix tenter de définir un projet un peu crédible en réponse à une commande que chacun savait parfaitement absurde mais qu’à aucun moment on ne pouvait s’autoriser à remettre en cause.
Le tyran est infaillible et il doit être servi, quelque soit l’absurdité de ce qu’il nous demande de faire. D’autant plus quand c’est la patronne de la boutique qui lui a soufflé la bêtise à ne pas faire à l’oreille.
Après ce premier travail de classement anthropologique des arboriculteurs, il a fallu s’attaquer à une deuxième quadrature du cercle. 50 % oui, mais de quoi ? Du tonnage ? Des unités de doses à l’hectare par ravageur ou maladie ciblés ? Avec quelle pondération selon la nature des produits utilisés ? Du nombre de passage dans le verger ? Mais dans ce cas, comment faut-il prendre en compte le nombre de cibles visées par un traitement ? L’exercice s’annonçait plutôt difficile mais pas au point encore de hurler contre la bêtise de la question. Une palanquée de techniciens, d’administratifs, de professionnels et de chercheurs était priée de se mettre autour de la table et d’apporter une réponse. Aucun n’a manqué à l’appel de l’Infaillible.
Pendant que dans le reste du monde, politiques, chercheurs, techniciens, agriculteurs s’inscrivent dans une dynamique de progrès positive mêlant recherche, expérimentation, réglementations, information et formation, nous autres français on innove.
N’a-t-on pas été capables chez nous de faire « les 35 heures », d’imposer le partage du travail à une France trop laborieuse pour que l’autre laissée pour compte puisse elle aussi avoir le droit de bosser. Alors obtenir la réduction de 50% des pesticides en agriculture à périmètre égal de cultures et de production ne peut être qu’un jeu d’enfant. Non mais. Impossible n’est pas français, qu’on se le redise encore et encore.
Malgré la mobilisation générale, les fermes Dephy, les IFT, les Nodu, les injonctions, les imprécations, ces burnes définitives que sont les agriculteurs n’ont pas réussi à faire baisser d’un iota l’utilisation des pesticides et des engrais en France. Le constat est affligeant. Qu’à cela ne tienne, il va falloir changer de braquet. Mais le résultat sera obtenu, même bien plus tard. Pas question de renoncer.
Ecophyto 2 développe une sémantique bien plus belle que dans la première version. La complexité des réalités y est bien mieux appréhendée. Dominique Potier, le député rapporteur exprime avec beaucoup de talent et nuance le projet. Il y a de nets progrès sur la compréhension des pratiques agricoles et des évolutions possibles. Pour autant, même avec de nouvelles échéances plus lointaines, la réduction chiffrée reste de mise. 25% en moins à l’horizon 2020 et toujours 50% en moins, mais à l’horizon 2025. Un peu de pression ne peut pas nuire. Voilà ce que semblent se dire les auteurs du projet remodelé. Mais l’incertitude grandit nettement sur la pertinence de cet objectif chiffré dont on ne sait plus très bien à quoi il s’applique.
Le mot d’ordre est à la réduction des intrants. Toutes les énergies doivent être tournées vers cette préoccupation constante. Il faut dire non au surdosage ou au gaspillage en matière d’intrants. Priorité aux alternatives de biocontrôle pour produire. Pourquoi pas. Jusque là rien que de très logique. Un beau projet comme ça, on ne peut pas être contre.
Mais voilà, les bonnes intentions ne suffisent pas. Des moyens de contrainte sont forcément nécessaires si l’on veut faire bouger l’indicateur se sont dit les auteurs du projet. On a vu ce que cela donnait sur la période précédente de ne mettre à la charge des agriculteurs que le seul coût des intrants, même majorés de taxes, pour les inciter à réduire leur consommation. Même la pression politique, réglementaire, sociétale et médiatique n’y a rien fait. La résistance au changement de cette classe sociale vendue aux géants de la chimie est décidemment trop élevée pour que l’on se contente d’attendre passivement sans agir directement sur leur comportement.
Au pays de l’impôt roi, il a bien entendu été étudié la possibilité de rendre le coût des intrants prohibitifs en les majorant de lourdes taxes. Les « économistes » consultés ont fait savoir que selon leur puissants modèles déconométriques, il faudrait aller jusqu’à 100% de taxes pour qu’enfin le paysan qui a la tête près du béret se dise qu’il pourrait peut être en mettre moins de ces saloperies de pesticides. Il n’y a qu’acculés au dépôt de bilan que ces ânes bâtés de ruraux crottés changeraient enfin de comportement. On ne rit pas mes chers lecteurs. Ce sont des économistes qui ont évalué tout ça. Peut-être même des qui œuvrent pour la recherche publique et donc parfaitement indépendants. Des disciples sans doute du célèbre professeur Simon Pritchett évadé de « Atlas Shrugged », le très pertinent roman d’Ayn Rand.
Pris de mansuétude à l’égard des agriculteurs, le groupe de réflexion en charge de faire des propositions au gouvernement n’a pas voulu donner suite à cette option radicale. D’autant plus qu’une autre technique semble avoir réussi pour traiter une problématique un peu équivalente. N’a-t-on pas fait baisser la consommation d’énergie par de vertueux certificats d’économie d’énergie (CEE) ? Voilà donc bien sûr la voie à suivre. Instituons un système de primes et de pénalités pour récompenser les vertueux et pénaliser les désinvoltes. Et surtout, adressons nous directement au dealer plutôt qu’à sa victime dépendante. C’est ainsi qu’est née mes chers lecteurs l’idée des Certificats d’Economie de Produits Phytosanitaires (CEPP). Et comme vous le savez maintenant, le gouvernement l’a reprise à son compte. Les CEPP ont été introduits à titre expérimental dans la loi d’avenir agricole votée fin 2014.
Il ne restait plus qu’à transposer la méthodologie de la supposée réussite des CEE aux CEPP. Juste retour des choses, c’est aux auteurs de la proposition des CEPP qu’est revenue la charge de préfigurer l’ordonnancement du système proposé. C’est là mes chers lecteurs que nous arrivons aux 414 pages qui résument la possibilité du deal.
Je vous laisse la lecture exhaustive de l’œuvre et sa pléiade d’arguties pour ne vous dire que ce que j’en ai retenu d’essentiel. Bien peu de choses à vrai dire.
Commençons par l’ode au terrain du début du pavé et de ses longues plages descriptives. Tels Usbek et Rica, nos missionnaires parisiens s’étonnent joyeusement de ce que finalement le monde agricole bouge. Même les distributeurs mettent en place des actions qui visent à promouvoir l’agro-écologie. Candides s’il en est, Sylvie, Patrick, Georges-Pierre, Hélène et Laurent en déduisent forcément que leur proposition tombe pile-poil puisque le mouvement est engagé et que leur truc enclume ne peut qu’affrioler la mutation salvatrice en marche.
Ce seront donc les obligés que sont tous les distributeurs de produits phytosanitaires qui devront mettre en œuvre auprès de leurs clients les actions susceptibles de les faire changer de comportement sous peine de pénalités élevées pour eux-mêmes. Sans exception, ils seront donc 4779 à devoir faire s’enquiller aux agriculteurs les bonnes recettes du père Nodu.
Pour ces distributeurs, la logique du système est simple. Ils ont une obligation de moyens pas de résultats. Ils auront à leur disposition des fiches actions valorisées forfaitairement en Nodu. Leurs ventes passées sur 5 ans seront retranscrites elles mêmes en Nodu. Après avoir sorti la plus forte et la plus faible, la moyenne des trois années restantes deviendra la base de calcul de l’équivalent Nodu de référence pour la somme des actions (20% des Nodu de référence) à mettre en œuvre envers les agriculteurs lors des cinq années à venir. Ce qui sera la condition pour ne pas se voir facturer des pénalités. Bon. Y a plus qu’à.
Reste à établir des fiches action évidemment. Mais comme chacun sait, il y a chez les paysans des pratiques vertueuses et d’autres qui le sont moins. Il suffit de les identifier, de les valoriser en Nodu et de définir le mode opératoire qui permettra de s’assurer que la mise en œuvre auprès de son client aura bien été effective de la part du fournisseur pour que le nombre de Nodu action lui soit bien accordé. Un détail dans le système, pas plus.
Ah il y a bien ce moment de doute où nos préfigurateurs se voient rappeler une évidence. Si le monde des CEE relève de la physique, celui des CEPP relève de la biologie. Les corrélations dans ce domaine sont tout sauf simples. Mais qu’à cela ne tienne, loin de nier le problème il suffit de le regarder en face et de savoir qu’il faudra augmenter la puissance intellectuelle à mobiliser pour surpasser cette difficulté somme toute dérisoire au regard du génie de l'élite de notre pays.
Autre moment d’émotion à la lecture de ce rapport avec l’évaluation macro-économique de la valeur du Nodu. 11 euros le Nodu mes chers lecteurs. Cette somme est censée être la marge du distributeur sur un Nodu. Brute, nette on ne sait pas trop, c’est macro. En le pénalisant du montant de son supposé profit, le distributeur se trouve forcément invité à obtenir ses bons points d’action Nodu auprès des clients sous peine d’être pénalisé du montant de sa marge par Nodu non couvert par une indulgence. Je ne suis pas sûr d’avoir un jour vu calcul de marge plus idiot, mais au moins la formule employée laisse pantois de simplicité.
Le rapport évoque également le contexte dans les pays voisins dont aucun n’a de dispositif semblable à celui que nous voulons mettre en place. Notre génie créatif en la matière reste bien sans partage. On s’en doutait un peu, mais il vaut mieux toujours vérifier ces choses là.
A la fin du rapport, il est dit que tout reste à faire. Préfiguration n’est pas figuration, ne brulons pas les étapes du tour de force. Tout reste donc à faire, les fiches actions, les modalités de mise en œuvre par les obligés, la création de l’organisme en charge de la gestion de tout cela qui se verra consentir une DSP, le choix de l’organisme de contrôle qui devra vérifier le non dévoiement du système et sanctionner les tricheurs, etc...
Il est rappelé quand même qu’il faudra faire plus simple que les CEE, qu’il faudra s’interdire le trading des CEPP et patati et patata. Mais bon, rien d’insurmontable bien sûr.
En fait à chacune des 414 pages on se dit que la démonstration est faite que les CEPP sont d’une parfaite absurdité. Mais à chaque page revient le parti pris de dépasser l’obstacle identifié. Qu’il suffira de travailler encore plus d’arrache pied, de bicher pour réussir. A aucun moment la remise en cause n’est une option. Alors qu’à la fin de l’exposé n’importe quel imbécile conclurait à l’abandon pur et simple de cette nouvelle usine à gaz, nos missionnaires persistent dans leur enfermement. Ils prennent quand même la précaution d’envisager que si les pratiques des agriculteurs ne devaient pas s’en trouver changées à l’échéance des cinq ans, il faudrait cette fois-ci passer à l’obligation de résultat et sanctionner durement.
J’ai bien peur mes chers lecteurs que notre pays ne puisse faire cette fois encore l’économie de ces certificats témoins de la catastrophe politico-administrative dans laquelle notre pays s’enfonce de jour en jour. J’ai évoqué les 35h, mais j’aurais aussi pu rappeler comment a été publié un jour un décret instituant la contractualisation obligatoire dans les fruits et légumes frais entre le producteur et son premier acheteur. Je n’ai eu de cesse en son temps de tenter de prévenir de la stupidité de la démarche. Rien n’y a fait. Le décret a fini par paraître. Il n’a jamais produit un seul contrat conforme au souhait de son rédacteur. Mais il continue d’obliger les entreprises à justifier du refus des producteurs des contrats proposés pour chaque vente effectuée. Une folie administrative reconnue par tous aujourd’hui mais qui n’est toujours pas suivie de la suppression du décret nom d’une pipe. Les nombreux articles que j’ai consacrés au sujet sont toujours à lire et à trouver dans ma rubrique « ma pomme et les fruits et légumes ».
Comme je vous l’évoquais au tout début, la raison de tout cela, c’est à la fois le manque d’intuition politique de ce qui est bon pour le pays par nos dirigeants couplée à l’envie de plaire et de se rendre important aux yeux du pouvoir de la part des administrations, des instituts et des agences qui en dépendent.
La commande peut être aussi absurde que les 35 heures, la contractualisation obligatoire ou les CEPP, toutes affaires cessantes les masses laborieuses du secteur public œuvreront à la mise en place du système. L’obéissance au pouvoir les renforce et c’est la seule chose importante qui compte à leurs yeux. Je serais évidemment parfaitement injuste si je n’ajoutais pas que le dispositif réussit aussi grâce à la complicité de tous ceux qui hors du champ des administrations publiques, dans le privé, procèdent au même raisonnement. Combien sont-ils ceux qui sont convaincus de pouvoir tirer un profit complémentaire auprès de l’Etat, c'est-à-dire d’autres contributeurs qu’eux-mêmes, à celui qu’ils luttent si difficilement à obtenir sur les marchés.
La « servitude volontaire » qui caractérise la construction des interdépendances de notre société à l'Etat, l’abandon de la liberté, conduit le pays à la catastrophe quand le dirigeant politique fixe un mauvais cap. En revanche, si l’orientation est pertinente, les mêmes mécanismes peuvent faire des miracles. Dommage que les mauvaises intuitions ne puissent plus être corrigées par un peuple assez libre et expressif pour cela. J’exagère quand même un peu, l’abandon récent d’Ecomouv démontre qu’il ne faut pas désespérer.
Tout dans les CEPP est d’une imbécilité crasse. L’obligé n’est pas l’agriculteur qui est pourtant celui qui au final prend la décision d’appliquer ou non un traitement. En quoi d’ailleurs le vendeur de produits phytosanitaires pourra t’il revendiquer une pratique vertueuse d’un agriculteur? Suffira t-il que l’agriculteur signe à son fournisseur une attestation indiquant qu’il a bien pris en compte ses bons conseils ?
Alors que l’agriculteur vertueux s’oblige à disposer d’un conseil indépendant d’intérêts marchands, les CEPP conduisent contre toute logique les vendeurs de produits à faire du conseil dont les clients ne veulent plus forcément. Pharmaciens et médecins ne peuvent pas être confondus, la séparation de leur rôle respectif relève du bon sens.
Et puis l’expression usine à gaz va devenir bien trop faible pour qualifier l’horreur administrative de ces CEPP. Aller au CEPP désignera dorénavant le champignon nucléaire issu des futures inventions administratives du même type. Une palette de CEPP désignera l’unité de lourdeur documentaire des lubies étatiques. L’INRA devra être rebaptisé Institut National de la Recherche Administrative. Bienvenue en Absurdie.
Cette idée de mettre la complexité d’un processus de décision en équation avec des bons et des mauvais points relève d’une sorte de plaisir administratif torturé et pervers. Le paroxysme du paradoxe est atteint quand ce sont ceux dont le comportement inquiète qui ont en charge de piloter la modification de nos propres comportements. Il devient indipensable pour les citoyens de se créer un indice de "servitude volontaire" au pouvoir pour évaluer l'intérêt d'un avis ou d'une proposition en matière depolitique publique.
Je prends date avec vous mes chers et libres lecteurs pour vérifier dans quelques temps si les faits me donnent raison ou tort. D’ici là, méfions nous plus que jamais de l’élite shadokéenne de notre beau pays. Et relisons Etienne de La Boétie.
A lire absolument. Un article publié dans le Monde cette semaine par Sylvie Brunel.
Edito que j'ai écrit pour la revue de Goëmar relatif au bio contrôle.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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