14 Mai 2015
Le 16 juin 2014
Le ministère de l’agriculture a entendu le cri d’alarme poussé par la FAO. Un paquet de nourriture se perd en ce bas monde avant d’atteindre nos tubes digestifs. Alors que tant d’entre nous crèvent la dalle sur la planète, un tel crime est forcément insupportable et ne peut pas rester impuni.
Alors, depuis de longs mois, on assiste à un fabuleux concours Lépine à l’hôtel de Villeroy et dans les bureaux alentour rue de Varenne. Tout ce que la haute administration de notre beau et grand pays compte d’intelligences surdimensionnées s’excite les neurones sans tabou pour mettre fin au scandale.
Les fruits et légumes, dont chacun sait qu’il faut en consommer au moins cinq par jour pour péter la forme, focalisent toute l’attention de nos surdoués de la culture, du cabas de la ménagère et des causes humanitaires. A défaut de convaincre les paysans, qui sont trop bien trop simples pour penser compliqué comme chacun sait, leur premier diagnostic a fait un tabac chez les élus et dans les médias, tous friands d’idées reçues populaires.
Le Foll et sa bande de oufs bien allumés bien que sans ampoules aux mains ont presque sans coût férir instantanément trouvé le coupable. C’est la faute aux normes messieurs dames, à la standardisation, au calibrage et à la dictature du beau, du lisse, du brillant, du tape à l’œil. La ségrégation par le look, cette discrimination négative qui nie la valeur intrinsèque des fruits et légumes comme du reste, voilà la cause de nos crampes d’estomac et du pillage éhonté de dame nature. Ce n’est pas durable le moins du monde. Ça ne peut donc plus durer. N’ayons plus honte des gueules cassées. Cessons qu’elles abreuvent nos sillons. Il faut trancher. Bouffons-les.
J’aurais du me douter que cette attaque en règle contre les normes de la part de la caste qui justement fait profession de les produire, les normes, avait un sens caché. Il aura fallu qu’une nouvelle initiative soit mise en ligne sur le site du ministère de l’agriculture et de l’alimentation pour qu’enfin je comprenne le message.
Et oui mes très chers lecteurs, sous une apparence parfaitement anodine, le ministère vient de nous adresser un conseil tout bonnement révolutionnaire. Il nous propose de lutter contre le gaspillage alimentaire en échangeant l’excédent de la récolte de nos jardins avec les excédents des jardins de nos voisins quand ils sont complémentaires aux nôtres. (Les fruits du voisin).
Vous vous rendez compte, quelqu’un a eu le culot au ministère de nous envoyer ce message codé subliminal. Comme aux pires heures de l’occupation où certains courageux auteurs trompaient la vigilance de l’occupant pour stimuler l’esprit de résistance. Plus fort et plus direct que Jean Paul Sartre avec « Les mouches ».
La lutte contre le gaspillage alimentaire passe donc par le libre échange hors taxes des biens produits. Pas de normes à respecter, pas de TVA à acquitter, pas d’impôt sur le revenu issu du travail fourni pour la production échangée, pas de taxes ou de charges sociales d’aucune sorte. Un échange de fruits et de légumes cultivés à l’abri de tout prélèvement fiscal ou social. Ce type de préconisation prospère d’ailleurs en ce moment un peu partout. Echange de maisons ou d’appartements entre particuliers pour les vacances. Covoiturage pour s’affranchir des transports en commun en grève. Echanges de services de tous types entre particuliers. Pourquoi ne pas aller jusqu’à du pétrole contre de la nourriture.
Le conseil mes chers lecteurs nous est donné de l’intérieur même du système. C’est époustouflant de courage et d’abnégation. Je commence finalement à voir d’un très bon œil cette lutte contre le gaspillage alimentaire. Couper les vivres à l’ogre insatiable qui affame le peuple pour mieux se goinfrer est un très noble projet. Une désobéissance civile de grande ampleur équivalente à la marche du sel du Mahatma Ghandi.
J’apprécie d’autant plus cette invitation qu’elle se fait à un moment critique pour notre pays au bord de la faillite. Quelles que soient les hausses d’impôts, les caisses ne se remplissent plus. Les déficits ne se réduisent pas. La dette continue de progresser. Il suffit que les français lèvent encore un peu plus le pied au travail pour se lancer plus hardiment dans le troc et le libre échange de tout ce qui peut l’être pour que les comptes publics explosent vraiment et que Big Brother s’effondre.
Suivons mes chers lecteurs cette voie prometteuse qui nous est indiquée par quelques repentis au cœur même de l’oppression étatique. Développons autant que faire se peut toutes les économies parallèles d’impôts et de taxes par la débrouille et sous le manteau. Affranchissons-nous de Bercy, des cotisations sociales et des normes draconiennes. Tournons nous vers l’autarcie et le partage. Faisons pleinement la grève de l’effort officiel et déclaré. Refusons de nous faire tondre la laine sur le dos. Nous ne sommes ni des moutons ni des veaux. C’est le ministère lui-même qui nous y invite. L’espoir d’un monde meilleur renait. Cultivons notre jardin, carpe diem et tutti quanti.
En fait mes chers lecteurs, je n’ai vraiment compris l’authenticité de l’invitation à la rébellion qu’à la vue des petits personnages qui ornent le site. On y voit des individus perchés sur des échelles pour cueillir des fruits. Cette incroyable transgression après tout le remue ménage que nous avons fait contre l’interdiction française de l’utilisation des marchepieds, escabeaux ou échelles dans les vergers est un signe qui ne trompe pas. C’est bien un message de désobéissance civile que les rebelles de l’intérieur nous envoient. Ils sont justes. Enfin tout juste.
Quand je pense que ce blog se veut libéral et que j’ai failli ne pas comprendre le message pourtant si clair….
PS : Je profite de ce que je vous ai en ligne pour vous informer qu’au moment où j’écris ces quelques mots, une brigade de planteurs volontaires est venue aider notre collègue Alain pour effacer l’outrage qu’il a subi il récemment. Les 1700 et quelques pommiers sectionnés à la base par de troubles activistes ont été replantés. La semaine prochaine j’irai sans doute remettre à Alain le produit de la cagnotte collecté auprès des pomiculteurs de France et des sympathisants de cette belle réparation de l’outrage.
Malgré la difficulté agronomique de réussir la reprise d’arbres à la mi-juin, il est important d’appliquer dans nos vergers ce beau principe dit du « carreau de cassé » appris auprès de Rudy Guiliani quand il était maire de New York. La moindre dégradation subie doit être effacée immédiatement.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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