17 Décembre 2009
Quelle est la meilleure stratégie pour la représentation économique nationale des fruits et légumes ?
Jeudi dernier, lors de notre assemblée générale, le président de FEDECOM est intervenu pour dire que, selon lui, l’Association Nationale Pommes Poires avait porté un mauvais coup à la représentation économique des fruits et légumes en participant à la création du GEFEL (Groupement Economique des Fruits Et Légumes) avec d’autres associations produits (tomate, endive, abricot, pêche, raisin).
Pour étayer son raisonnement il a rappelé que FEDECOM avait émis l’intention d’accueillir en son sein les Associations d’Organisations de Producteurs Nationales (AOPN) nouvellement créées. La réunion dans FEDECOM des associations territoriales d’OP (anciens comités économiques) et des associations nationales par produit aurait ainsi démontré l’unité et la continuité de la représentation de l’économie des fruits et légumes dans les interprofessions et auprès de l’Etat. Selon le président de FEDECOM la crédibilité et l’efficacité politique des organisations de producteurs s’en serait trouvée nettement renforcée.
Cependant, quelques instants plus tôt, le président de FEDECOM avait aussi informé l’assistance que les anciens Comités Economiques allaient faire l’objet d’une saisine de la part de l’Etat qui veut obtenir communication de la liste des bénéficiaires des aides versées dans le cadre des plans de campagne entre 1992 et 2002 et du détail des montants perçus par chacun d’eux. Il a poursuivi en précisant que selon lui, cette démarche autoritaire de l’Etat aura sans doute pour première conséquence de bloquer l’utilisation des réserves des comités qui résultent de l’épargne des organisations de producteurs.
Il me semble que ce dernier rebondissement permet à lui seul de démontrer bien au contraire que c’est le maintien des anciens comités économiques et le choix politique de revendiquer pour FEDECOM la continuité de la représentation économique des fruits et légumes qui se révèle être contreproductive pour les OP et les producteurs. Essayons de comprendre plus précisément pourquoi.
Il faut tout d’abord rappeler que l’ANPP s’est créée à partir de la libre volonté de ses membres. Les OP qui en font partie ont choisi de se fédérer nationalement autour d’une préoccupation commune : la production et le marché de la pomme et de la poire. Très logiquement et pour toutes les questions qui dépassent les seuls intérêts de ces deux fruits, les OP ont souhaité que leur association se fédère avec les autres productions de fruits et légumes pour siéger dans les instances nationales interprofessionnelles et les représenter auprès des pouvoirs publics. C’est la principale motivation qui a présidé à la création de GEFEL. Dans le même temps, le basculement d’une organisation multi-produit territoriale vers une organisation nationale par produit s’est accompagné en région par la transformation des anciens comités économiques en associations de prestations de services et de représentation économique à vocation régionale.
Pour les organisations de producteurs membres de l’ANPP il n’était pas concevable de nourrir deux voies parallèles pour la défense de leurs intérêts au plan national. Pour celles-ci, le simple rajout des AOPN produits aux côtés des anciens comités économiques dans FEDECOM aurait été source de confusion, de concurrences, d’ambiguïtés, de redondances et donc d’inefficacité. En conséquence pour les OP pommes et poires, GEFEL a donc bien vocation à se substituer à FEDECOM pour les missions transversales de l’organisation économique au plan national. Faut-il d’ailleurs préciser à ce stade que ce sont les mêmes OP pommes et poires qui appartiennent aux anciens comités économiques et qui constituent aujourd’hui l’ANPP membre de GEFEL. Leur choix, me semble t-il, doit nécessairement être respecté par ceux qui les représentent.
Bien évidemment quelques OP n’ont pas fait le choix de se fédérer en association nationale par produit. Cette absence d’unanimité est l’argument principal qui nous a été opposé lors de la création de GEFEL. Et puis il a aussi été précisé par le président de FEDECOM lors de notre AG que l’ANPP n’avait besoin de personne pour défendre ses intérêts propres et qu’elle pouvait donc se satisfaire de FEDECOM. Mais cet argument peut tout aussi bien s’appliquer au CERAFEL de Bretagne dont les OP ont fait le choix très réfléchi de maintenir leur organisation territoriale multiproduits. Selon ce raisonnement et compte tenu du poids économique de cette association d'OP, FEDECOM ne leur est pas plus indispensable que GEFEL ne le serait pour l’ANPP. Et GEFEL peut donc leur convenir tout aussi bien.
Au-delà de l’évidence technique et organisationnelle de GEFEL consécutive à la création des AOPN que je viens de rappeler, il me semble que le dossier plan de campagne aurait aussi du motiver les représentants des OP pour qu’ils accompagnent vigoureusement la création de cette association. Dès lors que l’Etat avait annoncé la fin de la reconnaissance des comités économiques et que dans le même temps une décision de justice européenne disait illégales les aides versées par l’Etat français à la filière fruits et légumes entre 1992 et 2002, une autre stratégie que celle qui a été suivie par les anciens comités économiques et FEDECOM aurait en effet pu être conduite. Les comités économiques auraient pu s’engager vers une cessation rapide de leur activité après avoir affecté à des actions collectives les fonds épargnés par les producteurs. L’activité de prestation de service souhaitée par les OP aurait alors été développée dans de nouvelles associations. On pouvait ainsi se diriger très rapidement vers une nouvelle représentation économique des fruits et légumes, claire et efficace, mobiliser les fonds épargnés au fil des années et bien entendu mener l’offensive contre les remboursements illégitimes demandés par l’Etat français sur injonction de l’Europe.
Ce n’est pas la voie dans laquelle nous ont engagé jusqu’à ce jour la plupart des dirigeants des comités économiques de bassin. Il est encore temps de corriger cette stratégie troublante qui s’avère, selon moi, pour le moins contraire aux intérêts des producteurs.
Il faut en effet d’urgence que les assemblées générales des anciens comités de bassin se prononcent pour activer les fonds propres disponibles, réduire à l’euro symbolique les cotisations et cesser rapidement toute activité. Les services nécessaires pour les OP et les AOPN doivent être issus d’autres entités voire de nouvelles associations de service.
La fin des comités économiques a été décidée par l’Etat et la création d’associations nationales par produits a été voulue par les producteurs tout autant que par l’Etat. Cette réorganisation est difficile et encore incertaine. Pour qu’elle ait une chance de réussir il faut en accepter la logique jusqu’au bout et refuser une compilation entre les organisations antérieures et les nouvelles. L’aberration de la demande de remboursement des aides versées à la filière entre 1992 et 2002 majorée des intérêts courus renforce malheureusement la nécessité de tourner complètement la page. Nous n’en sommes plus très loin.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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