21 Décembre 2009
J’avais envie d’écouter parler politique ce soir. Fabius chez Demorand sur la cinq, ce n’était pas possible. Il n’est plus que tactique et stratégie foireuse. En revanche je regarde Rama Yade qui est l’invitée du Grand Jury ce soir sur LCI. Elle est talentueuse, vive, directe, convaincante et très bonne débatteuse notre secrétaire d’Etat aux sports. Elle n’a que 33 ans et compte tenu de la vitesse à laquelle elle progresse en politique elle est promise à un bel avenir. Au moment où des voix s’élèvent pour demander l’arrêt du débat sur l’identité nationale au prétexte qu’il déraperait et ne profiterait qu’à l’extrême droite, elle a bien raison de dire que l’on ne doit jamais craindre le débat en démocratie. Ceux qui refusent d’entendre s’exprimer des sentiments moralement incorrects dans la population font preuve d’une paresse politique coupable qui conduit tout droit à de nouveaux 21 avril 2002. C’est très exactement ce qu’à dit aussi quelques instants plus tôt Julien Dray sur Radio J. Tout juste mal blanchi par la justice, cet autre amateur de belles breloques remet sans détour les pendules à l’heure. L’approbation ou l’opposition à ce débat est bien moins une distinction droite gauche qu’une séparation entre ceux qui pensent que pour tout projet collectif il faut savoir entendre toutes les objections pour en tenir compte et y répondre et ceux qui pensent que ce n’est pas utile et bien trop risqué. Ceux qui critiquent le plus durement ce débat sont évidemment ceux qui ne feront jamais bouger les lignes tant ils se contentent d’être seulement en accord avec eux-mêmes.
Vendredi soir alors que j’étais plongé dans la lecture des captivants « carnets intimes de Nicolas Sarkozy » selon Christine Clerc, je vois justement apparaître à l’écran le président qui s’exprime en direct depuis Copenhague. On sent qu’il n’est pas resté à se rouler les pouces pendant son court séjour chez les danois. Paraît qu’il s’était même bien agacé la veille d’avoir du assister au diner avec la reine en écoutant des chants de Noël. En tout cas, une nouvelle fois, au risque de se faire railler par tout ce que le monde des commentateurs et des paralysés de l’action peut compter de peine-à-jouir et de pisse-vinaigre, il a réussi à bousculer l’organisation de la rencontre pour réunir le collège des dirigeants émetteurs de 90% des émissions de CO2. Résultat des courses pas d’engagements contraignants pour les 192 pays qui participaient à ce sommet de l’environnement mais la volonté exprimée de contenir le réchauffement climatique à 2°C et d’agir en ce sens. La Chine et les Etats-Unis ont aussi dit oui. Nicolas Hulot considère que c’est un échec terrible, comme avec lui beaucoup de commentateurs, mais il reconnaît dans le même temps que la France n’a pas démérité. Il y a loin entre les nécessités du long à très long terme pour la planète et nos comportements à court terme. Cette réalité aussi doit être regardée avec lucidité. C’est la seule façon de pouvoir trouver la voie étroite qui pourra concilier les attentes des populations et les contraintes à respecter pour réussir à gratter un peu de temps supplémentaire pour l’homme sur la planète.
A cette aune il y a tout lieu de se réjouir un peu de ce qui s’est passé à Copenhague et du boulot effectué par la France et son président. Je sens bien que ça écorcherait bien trop la goule de certains de le reconnaître simplement.
En début de semaine Nicolas Sarkozy a annoncé le montant de l’emprunt qu’il veut consacrer au financement de dépenses d’investissements du pays. Les préconisations du couple d’anciens premiers ministres Juppé Rocard seront suivies. Le montant retenu est de 35 milliards. Pour certains c’est peu et pour d’autres c’est forcément beaucoup trop compte tenu de l’endettement actuel de la France. En fait la seule question qui vaille c’est de savoir si les investissements qui seront réalisés sont pertinents au regard du retour escompté pour notre pays en terme de création de richesses supplémentaires dont nous auront bien besoin pour obtenir les impôts qui permettront de résorber l’endettement et atteindre l’équilibre budgétaire. La présentation des comptes publics a ce travers détestable de ne jamais être fait sous forme de compte de résultat pour bien dissocier la trésorerie de l’Etat et des collectivités locales et la différence entre les charges et les recettes de fonctionnement. Si j’investis dans un équipement qui doit servir 20 ans, je ne dois intégrer dans les charges que le montant de l’amortissement majoré des intérêts de l’argent emprunté et du coût d’entretien. Dans ce cas là l’endettement souscrit ne correspond en aucun cas à une charge de l’année. En fait comme pour une entreprise le raisonnement d’une bonne gestion du pays doit être le suivant. Il faut investir pour être le plus apte possible à créer du PNB, de l’emploi, des coûts collectifs optimisés pour les services publics et l’organisation politique et administrative. Le parlement vient de voter le budget 2010 qui prévoit un déficit prévu de 117 milliards d’euros. Les besoins pour les dépenses publiques représentent à peu près la moitié du PNB du pays. Ces dépenses sont quasiment incompressibles brutalement et toujours en croissance. En revanche le PNB lui s’est trouvé réduit l’an passé de 2.25%. Dès lors que l’on n’ajuste pas le taux des impôts pour compenser la baisse d’activité, ce qui serait très douloureux pour les contribuables et aggraverait encore la récession, le gouvernement fait le choix du déficit à financer par l’emprunt et qu’il faudra rembourser quand un surplus de ressource le permettra.
C’est pourquoi il est plus nécessaire que jamais d’agir simultanément sur l’investissement pour être performant et compétitifs avec les autres Etats du globe et sur les gains d’efficacité de l’Etat et des collectivités. La suppression remplacement de la TP avec à la clé quelques 5 milliards de recettes en moins au moment du basculement doit être mis en perspective du gain de compétitivité que nous donnons à nos entreprises en comparaison de leurs concurrentes étrangères. Créer les conditions d’un meilleur développement de l’activité dans notre pays est un bien meilleur investissement que de céder à l’obsession aveugle du court terme exprimée par nombre d’élus locaux. La réforme des collectivités locales va aussi dans ce sens. Si les élus qui en ce moment se dépensent sans compter pour dire que ça ne peut pas marcher, avec quelque fois de bons arguments mais si souvent de très mauvais, consacraient un peu de leur talent et de leur courage à réfléchir, inventer et agir pour adapter notre pays aux vrais enjeux, ils serviraient bien plus efficacement leurs concitoyens.
L’annonce de l’emprunt a donné lieu à une explication tout à fait surprenante qui en dit long sur le décalage entre la réalité des chiffres et ce que l’on en fait percevoir au public. Tous les commentateurs ont indiqué que les 35 milliards seraient financés par 22 milliards d’emprunt et 13 milliards de remboursement des banques. Cette présentation donne il me semble l’illusion que les banques se trouvent être mises à contribution et que l’Etat n’aura pas à assumer toute la dépense. Bien évidemment l’argent remboursé à l’Etat par les banques avait été emprunté pour le leur prêter. Elles remboursent aujourd’hui comme prévu le principal majoré des intérêts. Plutôt que de rembourser et réemprunter l’Etat va maintenir sa dette et affecter la somme aux dépenses d’investissements. C’est donc bien 35 milliards qu’emprunte l’Etat. Dans le même registre de l’information tronquée, on ne rappellera jamais assez qu’il n’a été fait aucun cadeau aux banques. L’Etat s’est simplement substitué aux prêteurs défaillants pour qu’elles aient de l’argent pour fonctionner. Et il a fait payer bien plus cher d’intérêt qu’il n’en a payé lui-même. C’est pourquoi les banques ont été si pressées de rembourser dès qu’elles ont pu. Réduire l’information sur les comptes publics aux seuls flux de trésorerie n’assure pas le minimum de pédagogie qui permettrait d’associer les citoyens à la compréhension des stratégies à conduire pour que notre pays réussisse mieux.
NB : « Oh Rama ! ». Derniers mots prononcés par Mohandas Gandhi avant de mourir. Ces mêmes mots me viennent assez spontanément à l’esprit quand je vois apparaître le visage de Rama. Sans doute parce qu’elle est quasiment déesse.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
Voir le profil de Daniel Sauvaitre sur le portail Overblog