29 Juillet 2010
Il en va de la conduite des organisations professionnelles comme de la politique. Il faut faire du terrain. C’est dans les entreprises, chez les arboriculteurs, que l’on écoute avec le plus d’acuité et que l’on comprend le mieux dans leur contexte, les réalités vécues. J’ai consacré la semaine passée à visiter les membres de l’Association Nationale Pommes Poires du Val de Loire, d’Orléans à Secondigny en passant par Chenu, Vallères ou Angers. La commercialisation de la récolte de pommes 2009 s’est faite du début à la fin de la campagne à des prix en moyenne sensiblement inférieurs aux prix de revient. La campagne précédente n’avait pas été fameuse non plus et la situation des arboriculteurs et de leurs entreprises est dans de nombreux cas maintenant plus que critique. Alors bien sûr la moyenne cache des disparités. Certains arboriculteurs, certains groupements, résistent un peu mieux que d’autres. Les clefs de la performance sont toujours les mêmes, quelque soit le secteur d’activité d’ailleurs. Leadership d’un passionné de son métier qui a de bonnes intuitions, qui sait s’entourer, développer des alliances. Stratégie claire inscrite dans la durée et qui sous tend la notoriété d’une marque, organisation optimum, maîtrise technique, fonds propres importants constitués au fil du temps, etc… Mais quand les meilleurs surnagent à peine, le cœur du peloton est en grand danger. C’est l’essentiel des troupes.
Alors il faut s’interroger plus avant pour évaluer les paramètres de production qui sont spécifiques à la France, dès lors que le marché de la pomme est mondial et que les compétiteurs sont partout sur la planète. La France produit 1.6 million de tonnes sur un total de 65 millions. Et là bien entendu il y a beaucoup à dire. L’ambiance politique et médiatique du pays au regard de son agriculture, l’environnement normatif et réglementaire, l’administration détachée de l’incidence de son action sur l’économie, les différentiels de coûts de main d’œuvre avec même la première économie d’Europe (l’Allemagne); sur tous ces aspects la France est en tête pour démobiliser ses entrepreneurs. Et elle y parvient de mieux en mieux malgré les prises de conscience des décideurs nationaux qui s’affolent en regardant les tableaux de bord de notre économie et des comptes publics comparativement à ceux de nos compétiteurs les plus proches.
Je répète en ce moment à tous mes interlocuteurs que pour continuer à produire les arboriculteurs défaits ont besoin d’entendre un message du pays extrêmement clair. La France doit leur dire nettement, à l’instar de son président et d’une bonne partie du gouvernement quand même, qu’elle veut relever le défi de la compétitivité et revendiquer sur son territoire toutes les productions pour lesquelles elle est tout aussi légitime que les autres nations du monde à concourir, pour son marché intérieur comme pour l’exportation. C’est à cette condition que l’on pourra remotiver tous ceux qui ne peuvent se rendetter qu’à la condition d’avoir des éléments objectifs pour fonder leur projet de retour aux bénéfices.
J’ai mis en ligne dans l’article précédent la retranscription d’extraits d’une intervention d’Erik Orsenna sur ce thème. Vous serez peut-être surpris de l’évidence et de la simplicité de son discours que j’ai l’impression de rabâcher depuis quelque temps avec sans doute beaucoup moins de talent. Heureusement, je commence à percevoir que la proportion des voix qui s’élèvent pour infléchir notre tropisme anormal pour le renoncement ne cesse d’augmenter.
Cette même semaine le ministre des finances allemand assistait pour la première fois depuis la création de la 5ème république à un conseil des ministres. Quelque temps plus tôt c’est Christine Lagarde qui s’était rendue à Berlin pour le même exercice. C’est une bonne nouvelle pour l’Europe, pour l’euro et pour nous. Dans une interview aux Echos, le ministre Wolfgang Schaüble dit entre autre ceci : «La bonne évolution actuelle de l’économie allemande et, avant tout, la surprenante bonne tenue du marché du travail démontrent précisément que le chemin à suivre ce sont les réformes structurelles ». Il est assez sidérant que le débat se limite en ce moment en France à l’opportunité d’utiliser le mot rigueur pour qualifier la politique que met en œuvre le gouvernement. A travers ce mot les opposants cherchent à démontrer que c’est bien de l’appauvrissement qui est proposé au peuple. Et le gouvernement ne veut pas l’utiliser pour ne pas envoyer le seul message du repli sur soi stérile. Il semble pourtant simple de dire qu’il faut une gestion rigoureuse de l’argent prélevé sur l’économie par l’Etat et les collectivités, mais qu’il faut surtout continuer de réformer en profondeur l’Etat et les collectivités locales pour qu’ils rendent les services attendus au meilleur coût et permettent à l’économie de la France et à ses acteurs de rester compétitifs et offensifs vis-à-vis du reste du monde. A ne regarder que cette chimère de robinet à fric qui nous arroserait en prenant dans d’autres poches que les nôtres, on se tient stupidement à l’écart de ce dont nous avons le plus besoin. C'est-à-dire développer de l’activité par l’innovation et la compétitivité. Que cette stratégie élémentaire soit impossible à relayer dans les médias interroge forcément. Est-ce de la paresse intellectuelle ou une impossibilité profonde à comprendre le mouvement, la création, la vie. A moins qu’il ne soit tout simplement plus simple de faire de l’audience avec cette soupe infâme qu’avec un peu de pédagogie sur comment fonctionne l’économie.
A part ça, je vous quitte quelques jours pour retourner voir comment se comportent les arbres de mon ami au Bélarus et ensuite participer à Kiev au Prognosfruit, les prévisions de récolte européennes de pommes et de poires. Je vais prendre quelques photos pour vous mes chers lecteurs.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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