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Desafinado

Le ministre de l’agriculture vient d’annoncer la création l’an prochain des controverses européennes des vieilles charrues qui seront jumelées avec celles déjà existantes de Marciac dans le Gers où l’on traitait cette année des normes. L’ambiance jazz rock sera-t-elle propice pour entendre les dissonances de l’agriculture contemporaine ? A moins que le nom de ces rencontres ne soit prémonitoire et que l’on ne perçoive de ces quelques champs du Finistère que les sillons tracès par de vieux disques rouillés.

Ne sachant plus comment faire regarder en face les réalités concrètes de ce qu’endurent les arboriculteurs de ce pays, j’ai eu envie de quitter les discussions feutrées et décevantes qui se tiennent dans les bureaux des ministères  pour adresser une lettre ouverte au Président de la République destinée à être lue par le plus grand nombre de nos concitoyens. Elle aurait tout aussi bien pu s’adresser au précédent Président. Elle n’est donc pas le chant d’un partisan.

Mais avant de l'adresser à l'intéressé et de lui donner, peut-être, une diffusion bien plus large, j’ai une nouvelle fois pensé à vous mes très chers lecteurs pour en tester la résonnance. Dites moi ce que vous en pensez très librement, comme d’habitude.

Monsieur le Président, d'aujourd'hui comme d'hier

Je vous fais une lettre que vous lirez peut-être pour vous dire le profond désarroi des arboriculteurs. 

A ce jour, les récoltes de pommes et de poires s’annoncent pourtant plutôt bonnes dans tous les terroirs de notre pays. Les français pourront croquer une fois de plus leurs fruits préférés. 

Mais cette année encore, pour obtenir des fruits de qualité, nombre d'arboriculteurs ont été contraints d’enfreindre plusieurs fois l’arrêté du 12 septembre 2006. Des applications de produits phytosanitaires ont pu être réalisées  pour protéger les vergers  en présence de vent supérieur au degré 3 sur l’échelle de Beaufort. Les larges zones non traitées définies le long des cours d’eau n’ont pas toujours pu être respectées. Des retours dans le verger ont quelquefois eu lieu en deçà du délai requis.  

Comme nous l’avons démontré avec notre « verger expérimental témoin » en 2008, le respect strict de cet arrêté conduit tout pomiculteur à la faillite, qu'il soit en production biologique ou raisonnée. Nulle ferme du réseau Déphy issue du plan Ecophyto, nul centre de recherche ou d’expérimentation n'a pu démontrer le contraire.

D'ailleurs, aucun autre pays d’Europe n’a fait le choix d’une réglementation équivalente à la nôtre qui interdit de fait de produire, si elle est appliquée à la lettre.

Et puis, cette année encore, bien que cela soit interdit par le code du travail, une bonne partie des vergers de pommes et de poires seront cueillis dans nos régions, comme presque partout ailleurs dans le monde, par des salariés qui utiliseront des escabeaux ou des échelles.

Comme vous le savez aussi, aucune pomme, aucune poire ne parviendra sur les étals sans avoir reçu l’application de produits phytosanitaires au verger, quelque soit le mode de production de l’arboriculteur. Savez-vous d'ailleurs que nous ne pouvons produire des pommes certifiées AB en France qu’à la condition expresse d’utiliser des pesticides que vous n'avez pas souhaité homologuer, comme par exemple l'huile de neem tirée du margousier et qui contient de l'azadirachtine ? Cette substance ne répond pas à vos critères d’homologation. Elle est suspectée d’être un perturbateur endocrinien. Elle est connue depuis plus de mille ans en Inde et certains de nos voisins ont choisi d'en valider l'utilisation. La bouillie sulfocalcique italienne est tout aussi indispensable, et tout aussi interdite.

Monsieur le Président, si les produits phytosanitaires sont aussi dangereux que vous le laissez dire en permanence en tout lieu, il faut sans attendre les interdire tous. Si vous réussissez dans le même temps à bloquer l’importation de toute production agricole ayant nécessité l’application de ces mêmes produits phytosanitaires, nous ferons alors de notre mieux pour nourrir la population. Et après tout, le rééquilibrage entre l’offre et la demande sera enfin durablement en notre faveur.

Mais si vous maintenez des autorisations de mise sur le marché de produits phytosanitaires pour la protection des plantes, assumez vos choix. Et soyez à nos côtés pour expliquer aux français les bénéfices attendus pour chacun d’eux, comparativement aux risques encourus.

De grâce, ne laissez pas croire que nos comportements sont déviants et nécessitent d’être redressés par toujours plus de taxes sur les produits phytosanitaires. Vous ne ferez que réduire encore la production en France et augmenter les importations. Chaque arboriculteur ne se maintient en activité que parce qu’il est déjà à l’optimum de ce qui peut être pratiqué en l’état des connaissances et des moyens technologiques en matière de réduction d’intrants pour un même résultat technique et économique. Cela fait près de 20 ans que nous nous sommes engagés à respecter notre Charte des pomiculteurs de France et à n’avoir recours aux produits phytosanitaires qu’en dernier ressort. Notre engagement pour la préservation de l’environnement et la sécurité sanitaire des consommateurs est maintenant garanti par l’apposition sur les emballages du label « Vergers Ecoresponsables »

Si votre administration et vos chercheurs peuvent faire mieux que nous, comme ils l’expliquent à longueur de rapports, qu’ils nous le démontrent dans le verger.Mais qu'ils tiennent compte aussi des contraintes économiques auxquelles nous devons faire face. Nous nous ferons un devoir de faire aussi bien qu’eux, parce que c'est l'honneur de notre métier.

La demande mondiale de pommes progresse. Les arboriculteurs français veulent relever le défi de la compétitivité et développer leurs ventes dans tous les pays importateurs du monde. Ils ont le climat, les terroirs et les savoir-faire nécessaires. Et l’espace européen permet à des travailleurs motivés d’assurer le renfort indispensable pour développer la production. La France peut redevenir dans un avenir proche le premier pays exportateur de pomme du monde. Elle l'était encore en l'an 2000.

Les arboriculteurs sont des entrepreneurs capables d’affronter les pires difficultés économiques, agronomiques et climatiques. En revanche, ils ne peuvent lutter contre le dénigrement dont ils font l’objet en permanence, contre la suspicion de ne pas être attentifs à l’environnement ou au consommateur et contre la menace d’être traînés à tout moment devant les tribunaux.

Pour planter un pommier ou un poirier, il faut croire en l’avenir et avoir confiance en l’environnement social, scientifique, politique et administratif de son pays. L’étude compétitivité que réalise chaque année France Agrimer montre bien que ce n’est plus le cas en France et que nous nous disqualifions lentement pour la compétition internationale. Nous avons déjà perdu un cinquième de notre verger depuis 10 ans et le mouvement d'arrachage tend à s'accélérer. 

Monsieur le Président, les arboriculteurs comptent sur vous. Ils ont besoin de savoir si le gouvernement et le pays sont solidaires de leur projet de développement de la production et de l’emploi. Ils vous demandent une réglementation et des normes cohérentes et compétitives avec les autres pays producteurs européens.

Monsieur le Président, d’ici là, dites bien à vos contrôleurs que nous sommes parfaitement désarmés face aux réglementations inapplicables dans les situations d'urgence et qu’ils doivent nous verbaliser tous ou alors aucun de nous.

Recevez Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Le président de l’Association Nationale Pommes Poires.

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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G
<br /> Bonjour Daniel,<br /> <br /> <br /> j'étais à Marciac aux controverses...je me suis fait un plaisir d'illustrer et d'intervenir sur la norme en reprenant l'arrêté du 12 sept qui met hors la loi la totalité des<br /> arboriculteurs de france ou presque. Peut-être que j'ai fait mouche car les clowns analystes (ce qu'il y a de mieux au final dans ces controverses...) l'ont bien repris à leur compte dans leur<br /> caricuture en fin d'après midi 1ère journée en demandant au Ministre présent s'ils avaient le droir d'intervenir car le vent ce jour là dépassait 19km/h...<br /> <br /> <br /> Bref rien à critiquer sur ta lettre<br /> <br /> <br /> je te suggère une nuance et peut être un ajout. La nuance : tous les arboriculteurs de france ont enfreint la loi et pas nombre d'agriculteurs (1ère phrase de ton 3ème§) et un ajout<br /> peut être ce qui serait dangereux pour nos consommateurs (limitation ou interdiction de nb de matières actives pour les productions françaises) ne le serait plus lorsqu'il s'agit de produits<br /> d'importations de pays tiers...la sécurité sanitaire se mesurerait-elle au nb de centrale et de TGV vendus...Une loi respectée se doit d'être<br /> Juste<br /> <br /> <br /> Bonne récolte Daniel<br /> <br /> <br />  <br />
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J
<br /> La rédaction est irréprochable. (Peut-être simplement redire dans le cadre de la lettre que : "Elle aurait tout aussi bien pu s’adresser au précédent Président. Elle n’est donc pas le chant d’un<br /> partisan.")<br /> <br /> <br /> La seule vraie question à se poser est : comment faire qu'elle soit réellement une lettre "ouverte" ? C'est-à-dire relayée médiatiquement.<br />
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L
<br /> Vous avez vraiment envoyé ce courrier au Prsident Hollande ? J'espère que vous nous ferez part de sa réponse !<br />
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D
<br /> Revenons deux semaines en arrière!<br /> <br /> <br /> Une bonne adresse:<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> JPR mon amour!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Tiré d'un commentaire:<br /> <br /> <br /> Une nouvelle fois, vous nous délivrez une excellente tribune,<br /> avec des mots justes, des mots qui portent, nous apportant toute votre lucidité et votre bon sens. <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> C'est pas signé Tibor, mais ça pourrait.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
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O
<br />  <br /> <br /> <br /> <br /> Suite à la decision<br /> du conseil d'etat en aout 2013<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> LETTRE OUVERTE AU GOUVERNEMENT DE FRANCOIS HOLLANDE<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Le Conseil d'Etat, en annulant la suspension de culture de maïs Bt MON810, offre une victoire morale aux chercheurs qui ont<br /> dénoncé le détournement des données scientifiques par le gouvernement français en 2008 puis encore en 2012. <br /> <br /> <br /> <br /> Il s'agissait d'un accord politicien, aujourd'hui publiquement<br /> regretté par François Fillon, en préalable au Grenelle de l'environnement, où le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait accordé aux écologistes politiques l'interdiction des OGM contre leur<br /> cautionnement du Grenelle et leur silence sur le nucléaire civil.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ce « deal » prive depuis 2008 les agriculteurs français de la liberté de choix (prévue par la loi du 25 Juin<br /> 2008, votée à l'unanimité) quant à la culture des variétés de ce maïs qui combat certains insectes ravageurs sans pesticide.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> De plus, l'arrêt par l'INRA de son dernier essai au champ de plantes (peupliers) transgéniques le 13 juillet 2013, signe l'impossibilité de poursuivre des recherches sur les OGM en<br /> France.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Nous appelons le gouvernement de François<br /> Hollande :<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> * A ne pas suivre son prédécesseur sur la voie d'une<br /> interdiction contraire à la loi et aux autorisations européennes.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> * A intégrer les grandes cultures agricoles dans le concept de « redressement productif ».<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> * A encourager de nouvelles recherches en biotechnologies végétales afin de répondre aux défis économiques et<br /> écologiques de l'agriculture et afin de promouvoir les bioproductions industrielles.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> * A créer les conditions techniques et sociales de la coexistence entre cultures d'OGM et les autres pour enfin appliquer la Loi « OGM » de 2008 permettant également la liberté de choix des agriculteurs.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> * A ne pas renouveler les pratiques passées d'instrumentalisation de scientifiques chargés de l'évaluation des risques. Nous demandons ainsi<br /> la refonte du Haut Conseil des Biotechnologies et en particulier la dissolution du Comité « économique, éthique et social », qui a constitutivement mal fonctionné, et dont la<br /> composition de fait ne respecte plus les statuts inscrits dans la loi après son implosion en janvier 2012.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> * A rompre avec les pratiques passées de détournements des faits scientifiques afin de justifier une interdiction politique de la culture des OGM.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> * A promouvoir une information loyale et objective sur les biotechnologies végétales et sur d'autres domaines où la confusion règne en maître.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Initiateurs de l’appel :<br /> <br /> <br /> Richard Bligny (Directeur de recherche honoraire, CNRS), Jean-Bernard  Bonastre (Ingénieur Agronome, INA Paris), Chris Bowler (Directeur de<br /> recherche, CNRS), Francine Casse (Professeur honoraire des Universités), Gilles<br /> Curien (Chargé de recherche, CNRS), John Davison (Directeur de recherche honoraire, INRA), André Gallais (Membre de l'Académie d'Agriculture de France , Professeur Honoraire AgroParisTech), Jeanne<br /> Grosclaude (ancien membre CFDT du Haut Conseil des Biotechnologies), Louis-Marie Houdebine (Directeur de recherche honoraire,<br /> INRA), Philippe Joudrier (Directeur de recherche honoraire, INRA), Claudine Junien<br /> (Professeur émérite des Universités, UVSQ, INRA), Marcel Kuntz (Directeur de recherche, CNRS), Georges Pelletier (membre de l'académie des sciences et de l'agriculture, directeur de recherche émérite, INRA), Jean-Claude Pernollet (Membre de l'Académie d'agriculture de France, Directeur de recherche honoraire, INRA), Agnès Ricroch (Maître de conférences, AgroParistech, Professeur-adjoint, Penn State University), Marylin<br /> Vantard (Directeur de recherche, CNRS)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Signatures en cours :<br /> <br /> <br /> Mondher Bouzayen (Professeur, INP-ENSA),<br /> David Bouchez (Directeur de Recherche, INRA), Françoise Budar (Directeur de recherche, INRA), Christophe D'Hulst (Professeur des Universités),<br /> Dominique Job (Directeur de recherche émérite, CNRS), Marc Jullien (Professeur Honoraire, AgroParisTech), Herman Höfte (Directeur de<br /> recherche, INRA), Pierre Hilson (Chargé de recherche, INRA), Thierry Langin (directeur de<br /> recherche, CNRS), David Macherel (Professeur des Universités), Gilles Mercier (Chargé de recherche, INSERM), Raphaël Mercier (Directeur de<br /> recherche, INRA), Dominique Planchenault (membre de l'Académie d'Agriculture), <br /> <br />
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