14 Mai 2024
Message pour les obsèques de Daniel Herbreteau.
Mon cher Daniel,
Je ne peux pas être avec ta famille et tes amis aujourd’hui pour te dire un dernier adieu. Mais avant que tu ne sois réduit en cendres et que tu ne partes en fumée, j’ai eu envie de rappeler quelques- uns de mes bons souvenirs avec toi.
J’étais encore au lycée au début des années 70 quand tu as fait tes premières apparitions au Tastet. Tu étais proche de Philippe, ton beau-frère et de ma sœur Michèle, ta belle-sœur, qui vivaient juste à côté. Tu t’annonçais à la maison en passant la porte avec un rond de jambe, casquette basse et en énonçant ton surprenant surnom, Shouks. S’ensuivait un jeu de mots ou un calembour dont tu avais le secret et dont je ne sais toujours pas comment tu réussissais à les rendre drôles. Il te fallait toujours en ce temps-là d’abord faire le pitre et faire rire.
Avec un peu de patience ton sérieux revenait. On pouvait alors parler marqueterie, cyclisme, art, géographie ou politique. Tu exerçais alors avec beaucoup de talent le métier d’ébéniste au lieu-dit chez Loquet à Barbezieux.
J’avais déjà des fourmis dans les jambes et l’envie de voyager. Alors, en prévision d’un nouveau départ, c’est toi qui m’as initié et entrainé au vélo de route. Jusqu’à pédaler à mes côtés un jour d’octobre 1975 de Reignac à Sainte Foy La Grande pour m’encourager à poursuivre vers mes lointains horizons et avant de devoir t’imposer seul le trajet du retour.
Tu étais taillé pour le cyclisme et faisais preuve d’une belle endurance. Tu rappelais d’ailleurs à l’envi tes faits de route entre un enchainement de cols des Pyrénées ou le trajet de chez Loquet à la frontière d’Espagne, d’une traite.
Devenu l’heureux père de Christophe, mais contraint quelques années plus tard à la séparation d’avec Marie Hélène, c’est au Tastet que tu as déménagé ton banc de scie et ta raboteuse. Avec Jean Claude, mon frère, nous avons profité de leur présence et de tes conseils pour nos aménagements de maison et la restauration de quelques meubles.
Si tu excellais dans le style Louis XV, ton intérêt te portait aussi vers le design, les lignes et les formes pures. Je garde précieusement dans une chambre ce petit meuble télé que tu m’avais fabriqué et qui témoigne de ta créativité joyeuse dans ce style. Eclectique, tu avais aussi dessiné au même moment un Gaston Lagaffe sur le capot de la 4L de Jean Claude dont il se souvient encore.
Tu avais ces années-là ton rond de serviette à la table de ma mère. Le rituel était toujours le même. A l’heure dite, tu passais une tête, demandais si l’on voulait « t’éviter à déjeuner » et rapidement te retrouvais devant une assiette. Je ne compte pas les fous rires et les discussions animées que nous avons pu avoir le temps d’un déjeuner.
Et puis la providence a fait que Françoise est entrée dans ta vie. En plus de l’amour, une parfaite complicité et de nombreux centres d’intérêts communs, l’artiste aux multiples passions que tu étais pouvait enfin bénéficier de la stabilité et de l’encadrement matériel et économique qui te faisait un peu défaut, il faut le reconnaître.
En complément de t’appliquer à être un bon assistant pour ton architecte aimée, sur le terrain, mais aussi pour la conception des projets, tu pouvais donner libre cours à tes envies de créations artistiques. C’est ainsi que chacun peut aujourd’hui admirer l’une de tes œuvres, cette magnifique baigneuse en bronze qui se trouve place de la fontaine à Chalais.
Pour tout cela, avec Marilène, nous avons été très touchés et heureux d’assister à votre mariage dans la petite mairie de Saint Avit à l’automne 1993. Moment dont je garde quelques photos émouvantes du tout petit groupe en noir et blanc prises sur le perron de la maison commune. Et puis un autre bonheur est venu pour vous deux avec la naissance de Laure en 1996.
Mais c’est sur un sujet assez inattendu que nous avons été amenés ensuite à nous voir plus souvent. Il semble qu’avoir vécu à deux pas de la route nationale 10 et de son lot d’accidents mortels t’a particulièrement sensibilisé à la sécurité et aux enjeux des infrastructures de communication.
Il m’a fallu un peu de temps pour entendre et comprendre tes réflexions très abouties sur ces questions. Devenu élu et acteur de la vie locale, j’ai souhaité amplifier les messages auxquels tu collaborais en tant que graphiste au sein de l’association Axe Nantes Méditerranée. C’est ainsi que la communauté de communes a édité le livre noir de la RN 10 dont tu es l’auteur des textes et des cartes. J’avais alors la conviction que la puissance de ton raisonnement et l’évidence de la géographie et du traffic feraient que nous serions entendus et qu’enfin la Charente pourrait bénéficier d’une autoroute sécurisée proportionnelle au fret international qui la traverse.
De la direction des routes à la Défense en passant par le Sénat et diverses autres réunions et communications, notre activisme a été soutenu. Mais bien que la situation du trafic se soit continument aggravée, je te confirme que nous avons prêché dans un désert de stratèges. C’est toujours la même logique de Shadock et de rustines qui reste à l’œuvre pour nos routes au moment où tu nous quittes.
Tu as fait malheureusement depuis quelques années déjà l’expérience d’accidents de santé qui ont freiné ton allant. Tu es pourtant resté, aussi longtemps que tu as pu, mobilisé sur les sujets qui te tenaient à cœur. Pour la photo et à la vidéo aussi avec ce drone dont tu t’émerveillais des angles de vue qu’il permettait. Je ne sais plus finalement si tu as réussi à le faire entrer dans l’église de Reignac comme tu le prévoyais…
Il y aurait beaucoup à dire encore de l’énergumène que tu pouvais aussi être. Peut-être ne faut-il pas taire tes emportements ou quelques traits difficiles de ton caractère. Comme cette fâcherie avec ton fils Christophe qui t’avait offert ce beau voyage avec lui à travers les Etats Unis et que tu as planté là, à Washington, pour rentrer sans délai à la maison.
Mais voilà, aujourd’hui autour de Françoise, ta femme, Laure et Christophe, tes enfants, Simon et Elliot, tes petits enfants, Jean Claude ton grand-frère, nous tes proches et tes amis sommes infiniment tristes de ton départ. Et nous nous consolons un peu en pensant à ces beaux et bons moments intelligents passés avec toi.
Repose en paix cher Daniel.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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