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Le printemps des arboriculteurs écoresponsables. Combatifs et régénératifs depuis 1997.

Tribune libre publiée dans le numéro Végétable d'avril à la page Esprits Libres. Et il y a bien plus à lire dans cette livraison de cette excellente revue à laquelle je recommande vivement aux opérateurs de la filière des fruits et légumes de s'abonner. 

L’hiver doux et pluvieux se termine en Charente. Le débourrement des pommiers est précoce. La nouvelle course d’obstacles que la nature impose jusqu’à la cueillette commence.  Pour que la récolte soit belle, il faut la protéger du gel, de la grêle, de la sécheresse, des coups de soleil et d’autres aléas. Tout comme elle doit être préservée des maladies et ravageurs. Et ce défi se relève dans le respect de la Charte des Pomiculteurs de France en vigueur depuis 1997.

En plus de garantir la traçabilité de l’itinéraire technique et des fruits, cette charte promeut et contrôle la mise en œuvre par l’arboriculteur de l’agroécologie au verger. Une expertise de 27 années de travail d’agronomes et de pomiculteurs engagés pour ce qui s’est appelé la Production Intégrée. L’Organisation Internationale de Lutte Biologique (OILB) la définit ainsi : « système de production économique de fruits de haute qualité qui donne la priorité aux méthodes écologiquement plus sûres qui minimisent les effets secondaires indésirables et l’utilisation de produits agrochimiques afin d’améliorer la protection de l’environnement et la santé humaine ».

Ce sont aujourd’hui plus de 1900 arboriculteurs sur 37500 hectares de pommiers, poiriers, pêchers et abricotiers qui concilient au verger bonne agronomie et économie. Les travaux de la recherche, les échanges entre techniciens et arboriculteurs stimulent un foisonnement de solutions qui affinent les promesses du label Vergers Ecoresponsables.

Mais voilà, pour escarpé qu’il soit, ce chemin des crêtes suivi par le pomiculteur n’a pas réussi à dissuader l’environnement politique et commercial d’imposer sa conception du progrès à travers une batterie de contraintes.

« On marche sur la tête » ont dit les jeunes agriculteurs en retournant les panneaux d’entrée de bourg. L’exaspération à son comble, il a suffi qu’un éleveur occitan sorte de ses gonds pour que toute la France agricole s’embrase. Les arboriculteurs sont de ce combat contre les complexités réglementaires inutiles.

Appréhender l’eau, fertilisants et produits phytosanitaires, uniquement en termes de réduction sans objectifs de production est absurde. « La folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », a dit Einstein. Réflexion qui s’applique parfaitement à Ecophyto. Après quinze années, on sait que pour couper de 50% les phytos, il suffit juste de diminuer les surfaces cultivées de moitié. Si ce n’est pas le projet, il faut admettre que l’on est déjà au taquet. Qu’il vaut mieux fédérer les énergies autour des pratiques agroécologiques plutôt que de servir de mauvais objectifs. Au lieu de regarder l’eau inonder et couler vers la mer pour se plaindre ensuite quand il n’y en a plus pour irriguer, il faut agir pour la retenir. Impossible encore de se dire européen et pénaliser ses arboriculteurs face à ceux des autres pays de l’Union en instaurant des règles plus contraignantes et en prononçant des interdictions d’emballages ou de substances actives autorisées par l’agence européenne de sécurité sanitaire.

Soucieux de se différencier de leurs concurrents en imposant des spécificités pour assoir leur message marketing, certains distributeurs s’immiscent dans l’itinéraire technique au verger. Viennent ainsi s’ajouter à notre cahier des charges des exigences arbitraires. Du même verger partiront pourtant des fruits vers tous les marchés et toutes les enseignes. Lorsqu’une Charte de producteurs existe, la négociation des attentes ne doit se faire qu’avec elle. La prochaine loi peut nous y aider. Nous devons aussi obtenir en contrepartie de nos engagements une distribution qui optimise la logistique et qui garantisse le maintien de la qualité et de la sécurité sanitaire jusqu’au consommateur.

Des multinationales annoncent maintenant leur volonté de susciter une agriculture régénérative. Après la production intégrée, l’agriculture durable, l’agroécologie, le terme qualifie la même démarche. Mais d’opportunistes consultants cherchent à en faire une idée neuve et ambitieuse chèrement vendue. Il va encore falloir lutter pour retourner le remède vers ceux qui le professent. Artificialisation des terres par les usines, sophistication d’emballages couteux en recyclages divers, la liste est longue des impacts préoccupants pour la planète qui doivent d’abord les mobiliser.

Elaguer l’inutile, servir la compétitivité, chasser les coûts superflus, assumer sa part de la promesse de durabilité décarbonée auprès des consommateurs, voilà la vraie régénération qui doit nous mobiliser tous du verger à l’étal en passant aussi par la gourde ou d’autres transformations.

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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