4 Décembre 2019
C’est à Salles de Barbezieux, au lieu-dit Chez Fouquet, que les manifestations commémoratives des 100 ans de la naissance de Félix Gaillard ont commencé ce mardi 5 novembre 2019. Député de la deuxième circonscription de la Charente de 1946 jusqu’à sa mort en 1970, un temps Président du Conseil, Conseiller Général du canton de Baignes, conseiller municipal de Barbezieux, alors même qu’il exerçait aussi d’autres mandats stratégiques, sa volonté et son influence ont impulsé de nombreux équipements sur notre territoire. Le Lycée Professionnel Agricole qui porte son nom fait partie de ces projets dont il a été en amont le principal instigateur. Il était légitime de le rappeler.
La disparition brutale de l’homme fort de la politique locale a en son temps ralenti l’organisation programmée de l’enseignement agricole sur le Sud Charente. Puis Pierre-Rémy Houssin, Francis Hardy, Jean Pauquet et d’autres ont pris avec ardeur le relais du soutien politique à cet investissement territorial prioritaire.
Mais pour déterminante qu’ait été la volonté politique, elle ne doit pas nous faire oublier que ce Lycée Professionnel Agricole aurait tout autant, voire bien plus, justifié d’être baptisé du nom de celui dont la vie professionnelle a été entièrement dédiée à l’enseignement des techniques agricoles et qui a été la principale cheville ouvrière, astucieuse, infatigable et déterminée de la création de cet établissement, Pierre Furet.
Son compère de toujours, Yves Layrault, co-auteur avec lui de cet historique nécessaire et bienvenu de l’école d’agriculture de Barbezieux, puis du Lycée d’Enseignement Professionnel Agricole de Salles de Barbezieux, lui accorderait de bon cœur, je crois, ce privilège. Ou bien, il aurait lui aussi droit à son nom sur la plaque en honneur des artisans dévoués de l’école et de l’exploitation qui l’héberge.
Qu’il est réjouissant de revivre grâce à eux l’épopée de l’évolution du monde agricole et de la formation de ses acteurs depuis le début des années 60 jusqu’à la fin des années 90. Quel étonnement que de s’entendre rappeler la latitude d’action qu’ont su se donner nos deux soutiers et aventuriers improbables de l’enseignement public agricole. Quel merveilleux exemple aussi de synergie et d’imbrication réussie entre une profession et ses professeurs. Revoir ainsi coopérer main dans la main agriculteurs actifs et fonctionnaires de terrain, sous tutelle pourtant du ministère de l’agriculture, afin de créer et faire vivre une exploitation agricole école nous rappelle qu’il n’y a bien « de richesse que d’hommes ».
Mon souvenir est encore bien vif du stage de 200 heures qu’il m’avait fallu faire en 1978 dans les préfabriqués modestes implantés chez Fouquet. Ceci afin de pouvoir bénéficier du soutien à l’installation en agriculture que mon éphémère passage en faculté de philosophie ne m’apporterait pas. Je revois encore mon père et mon oncle de retour d’une formation à la fiscalité agricole « au réel » dispensée dans les préfabriqués à la triste mine encore installés route de Segonzac. Ou encore mon frère me racontant les déplacements épiques dans le véhicule de Pierre Furet entre les salles de classe de Barbezieux et l’exploitation agricole de Salles de Barbezieux. Nombre d’entreprises agricoles d’aujourd’hui ont eu en leur sein des hommes et des femmes qui ont puisé un jour dans les enseignements dispensés dans ces locaux de fortune du début et auprès de ces nouveaux hussards de la transmission des savoirs.
Comparativement aux locaux du collège Jean Moulin ou du lycée Elie Vinet, ceux des débuts de l’enseignement agricole sur le territoire étaient donc bien modestes. Comme sur une ferme, la boue n’était jamais bien loin. Il a donc fallu attendre 1991, soit près de 30 ans après les débuts de conseiller agricole de nos deux auteurs, pour que soit inauguré le lycée que nous connaissons aujourd’hui.
Il est paradoxal de constater près de trente autres années plus tard, que ce magnifique et fonctionnel lycée est sorti de terre au moment où la décroissance des actifs dans l’agriculture a commencé à accélérer. Il est encore plus déconcertant de manquer maintenant de bras et de têtes en agriculture, comme dans nombre d’autre professions, alors qu’il reste encore plus de 8% de sans emploi et que les candidats pour se former se font rares.
Dès les années 90, avant de partir à la retraite, sous l’impulsion de Pierre Furet, le Lycée de Salles a amorcé sa mue pour dispenser d’autres savoirs utiles pour de nouveaux emplois de service dans le monde rural. Le site fait aujourd’hui partie du nouvel ensemble constitué avec le Lycée de l’Oisellerie à La Couronne. Souhaitons qu’il garde toute l’aura nécessaire pour attirer les jeunes vers des parcours de formation qui permettent d’entrer du bon pied dans la vie professionnelle agricole ou rurale. Et rappelons-nous avec Pierre Furet et Yves Layrault que la volonté et l’énergie priment toujours sur les moyens et le confort matériel.
Les agriculteurs sont ces temps-ci fortement contestés et remis en cause par un monde de plus en plus urbain qui rêve d’une agriculture qui n’existera plus. Il est donc plus que jamais nécessaire que perdure et prospère ce mode de formation si particulier qui allie théorie et mise en œuvre concrète sur le terrain.
Infiniment merci à nos deux pionniers et défricheurs d’avoir pris le temps et la plume pour nous rappeler leur belle aventure au service de l’éducation et du monde agricole.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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