13 Mars 2016
Un salon de la femme se tient ce week-end aux ateliers Magelis à Angoulême. A l’invitation de mon amie Annick, coprésidente de l’association FAC16 organisatrice de l’évènement, j’ai participé hier matin à l’inauguration. L’ambiance y était bon enfant, sans paillettes ou pompe particulière. Dans la belle salle voutée et les allées étroites comme dans un souk des mille et une nuits s’alignent les diverses alcôves douillettes des commerçants(es). L’accueil est partout sympathique et convivial.
J’apprends cependant dès mon arrivée par les journalistes de la presse locale que le fameux concours de repassage prévu par l’ADMR qui a tant défrayé la chronique est annulé. Et qu’ils ont tous deux au nom de leur quotidien reçu un accueil plutôt froid et peu disert au stand de l’association supposée tenir les fers au chaud pour le lendemain. Motus et bouche cousue des drôles de dames en signe de protestation contre le mauvais procès qui leur a été fait, selon elles.
La polémique qui a enflé ces derniers jours et dont l’écho a retenti jusque dans les médias nationaux a mis dans de beaux draps les organisatrices. En plus des stéréotypes féminins assumés pour ces rencontres, l’annonce qu’il s’y tiendrait aussi un concours de repassage a fait grimper aux rideaux les gardiennes du temple du féminisme local un peu rosses. L’esprit éditorial de l’affiche du salon des roses panthères, très « sex and the city », ne fait évidemment pas bon ménage avec les motivations et les symboles liés à la journée de la femme. Mais dans cette affaire de gonzesses, toutes à mon sens ont raison.
Début février, lors de ma séance annuelle au Cinéma Paris à Berlin, j’ai vu « Suffragettes », ce très beau film de Sarah Gavron qui retrace le combat douloureux, tout autant que surréaliste vu d’aujourd’hui, des femmes en Angleterre au début du siècle dernier pour obtenir le droit de vote. Ah ce générique de fin insupportable qui rappelle qu’en France, au pays des droits de l’homme, les femmes n’ont cette simple existence civile que depuis 1944. Cinq ans seulement avant que Simone de Beauvoir ne publie son essai existentialiste et féministe, « Le deuxième sexe », où cette brillante philosophe revendique selon ses termes que l’on ne nait pas femme, on le devient.
Il est ainsi par elle devenu légitime de s’interroger encore maintenant sur ce qui relève d’une liberté parfaitement assumée et ce qui ne serait qu’une soumission inconsciente à des codes imposés par l’autre sexe. L’égalité des droits est de trop fraiche date ici et toujours trop lointaine ailleurs sur la planète pour que la vigilance ne s’exerce plus. Dans le même temps, il faut accepter que l’exercice plein et entier de la liberté conduise à des choix qui paraissent à l’aune des combats féministes bien peu libérateurs.
Le concours de repassage auxquels les hommes étaient aussi conviés relevait d’une intention sans doute bien innocente pour une association dont c’est le quotidien des employées. Mais la puissance du symbole était telle à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes que c’est ce dernier qui a été perçu. Il est frappant de constater que dès que l’annulation a été annoncée hier en début d’après-midi la nouvelle a été reprise par nombre de rédactions dans le pays. Une décision qui a finalement permis un salon sans « faux pli » comme il est dit dans SO aujourd’hui, même si pour les explications « on peut repasser » se désole Sophie dans le même article.
Ce sont deux femmes, l’une sénatrice, Nicole Bonnefoy et l’autre secrétaire d’Etat, Martine Pinville, qui ont pu hier clore la polémique en ayant des paroles apaisantes lors de l’inauguration. Un soutien appréciable pour les organisatrices dont tout le parcours témoigne justement de leur lutte solidaire pour le droit des femmes.
Je me suis plus particulièrement attardé devant l’exposition des magnifiques images en noir et blanc de Lucie photographiée en lumière naturelle par Francis Sellier. Comme un rappel que la photographie ne devient réelle et ne dure que si elle s’imprime sur un film argentique ou sur du papier. Le résultat est confondant de qualité comparativement à ce qui pouvait être obtenu sous l’agrandisseur avec un papier baryté. Mais la maîtrise de l’impression jet d’encre des photos numériques n’est pas vraiment plus simple à atteindre qu’en son temps le tirage argentique en chambre noire si j’en crois l’artiste.
Le talent de ce photographe que je ne connaissais pas encore a été opportunément reconnu par d’autres. Il se trouve que Francis Sellier a pu photographier Lucien Clergue quand il est passé à Angoulême et qu’il a posté les portraits obtenus sur son blog. Les commissaires de l’exposition rétrospective Lucien Clergue ont repéré ces images. Et c’est ainsi qu’après avoir été contacté par François Hébel, qui a été directeur de l’agence Magnum et du festival d’Arles, il a pu voir sa photo retenue et exposée au Grand Palais.
Belle histoire qui confirme qu’avoir de la chance se travaille et n’est que rarement le fruit d’un pur hasard. Tout comme le combat de Lucie méritait la tendresse et le regard délicat autant qu'artisitique que le photographe a porté sur elle.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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