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Crocodile Dundee commissaire à Bruxelles?

Pas question de confondre Paul Hogan l’australien et Phil Hogan l’irlandais bien sûr. Mais si l’un s’est rendu célèbre dans le rôle de Crocodile Dundee, ce type capable d’étrangler à mains nues le redoutable reptile aux mâchoires puissantes et aux dents acérées, l’autre, taillé comme une armoire à glace, a peut-être la carrure pour s’attaquer à quelques tentacules de la pieuvre réglementaire et normative qui s’épanouit dans cet autre marigot qu’est l’administration bruxelloise.

Le commissaire européen à l’agriculture était de passage sur le salon à Paris, dimanche dernier. Il a fait une courte halte sur le stand de l’interprofession des fruits et légumes (Interfel) en compagnie du ministre Stéphane Le Foll. Au milieu du brouhaha désordonné de nos piaillements professionnels, il s’est contenté de rappeler sobrement en english que sa mission essentielle était de simplifier la politique agricole commune et sa mise en œuvre.

Comme deux précautions valent mieux qu’une, Jean- Claude Juncker, le président de la commission, s’est aussi doté d’un vice-président gardien d’une subsidiarité trop souvent oubliée. C’est ainsi que le Néerlandais Frans Timmermans a toute autorité pour filtrer les propositions législatives qui émanent des commissaires. L’aune du barrage intransigeant qu’il doit mettre en œuvre est ce principe fondateur maintes fois bafoué selon lequel on doit privilégier « le niveau national quand c’est possible et l’Europe seulement quand c’est nécessaire ».

Les votes populistes exprimés lors des dernières élections sont passés par là. Chacun a senti passer le vent du boulet. Pour sauver l’Europe, il est devenu grand temps de lui faire prendre un peu de hauteur. Qu’elle cesse de se mêler de tout jusque dans les moindres détails. Mais qu’elle s’interroge aussi sur la pertinence et l’efficacité de ses politiques d’intervention et de subvention.

J’ai un exemple précis, mes chers lecteurs, qui révèle malheureusement que l’affaire n’est pas simple. Parce que l’addiction généralisée des différents acteurs concernés protège très solidement le système. Même lorsqu’il peut être démontré qu’il est parfaitement absurde.

Parmi les points à aborder avec le commissaire Phil Hogan, il semblait par exemple évident à mes collègues qu’il fallait insister sur notre attachement au « Fruit school scheme » pour lequel Frans Timmermans a demandé une évaluation. Il semble que ce dispositif qui alloue aux Etats membres un budget important pour promouvoir un fruit à la récré dans les écoles soit menacé par ce tout nouveau Kafka cost killer.

J’ai fait alors remarquer que depuis cinq ans que cette politique est instituée, la France n’a quasiment rien pris de la part de budget qui lui est alloué. Ce qui, me semblait-il, risquait de rendre notre requête pour le moins paradoxale à l’irlandais en ballade. Dire que l’on est très attaché à une aide que l’on ne sollicite pas ne rehausse pas à mon sens l’idée que notre interlocuteur se fait du pays de Descartes.

C’était sans compter avec cet argument à chaque fois promptement dégainé : l’Europe a tout juste, c’est l’administration française qui est fautive et qui complique tout. La preuve, l’Italie elle, consomme tout son budget. La botte de l’autre côté des Alpes, c’est que l’Etat soi-même manage l’opération et finance la contrepartie nationale de 50% qui est exigée. Alors qu’en France, c’est aux collectivités locales de financer et de monter le dossier pour solliciter l’aide. Et comme c’est bien trop complexe et quand même coûteux, le dispositif n’est pas utilisé.

Ce qui console un peu malgré tout, c’est que nous ne sommes pas le seul pays européen dans cette situation. Le Royaume Uni a même carrément choisi de faire fi de cette aide et développe son propre programme plus ambitieux encore de distribution de fruits à l’école. Bon je sais, l’exemple est mal choisi. Ces anglo-saxons sont d’incorrigibles libéraux incapables d’apprécier les carottes financières distribuées par l’Europe pour promouvoir ses nobles intentions salvatrices en toute chose. 

Qu’à tout cela ne tienne, nous devons être convaincus que nous allons enfin réussir à décomplexifier la procédure administrative en France, mobiliser les fournisseurs des écoles en fruits et remotiver les collectivités pour qu’elles versent leur quotte part. Au bout du bout, le budget réservé à la France sera enfin consommé en tout ou grande partie et nos chères têtes blondes pourront alors caresser l’espoir de croquer autre chose qu’une barre chocolatée en dehors du repas à l’école.

La pédagogie sur l’intérêt nutritionnel des fruits censée accompagner cette magnifique opération de distribution gratuite de pommes, de poires, de pêches, d’abricots ou de bananes pourrait enfin être délivrée à nos gamins dans nos villages les plus reculés grâce à l’Europe. 

La conclusion évidente à tout cela c’est que nous devons affirmer clairement à mister Phil Hogan que the show must go on.

Pensez mes chers lecteurs que j’ai émis l’idée en aparté, oh combien sacrilège, auprès d’instructeurs assidus du dossier que si l’on souhaitait comme moi que l’Europe ne soit pas l’Absurdie, il serait préférable d’affecter cette part de budget de la PAC à autre chose, voire à la laisser dans la poche du contribuable. Que pour faire manger des fruits aux enfants dans les écoles en dehors du déjeuner, il y avait peut-être des solutions plus pragmatiques et plus simples. Que collecter de l’argent à chaque contribuable européen pour le faire passer entre les mains de la commission européenne et de sa puissante administration, puis le faire redescendre dans les villages d’Europe en passant par les administrations nationales et locales, en faisant vérifier à des hordes de contrôleurs intransigeants l’utilisation conforme de ces quelques sous, tout cela pour qu’un enfant croque une pomme à 10 heures à l’école, était d’un coût de revient exorbitant, était à l’opposé du régime minceur que l’on doit promouvoir pour nos administrations et d’une bien faible efficacité pour l’objectif nutritionnel visé à l’origine.

Eussé-je proposé de démanteler la sécurité sociale que l'incompréhension suscitée n’aurait pas été plus grande mes chers lecteurs. Parce que pour un progressiste, quelle que soit le coût de revient et la complexité d’un dispositif, la finalité noble et universelle du projet doit toujours l’emporter sur les basses considérations matérielles. L’Europe est nécessairement une formidable machine à produire de la vérité, du beau et du bon. Toute remise en cause de l’architecture du projet qu'elle met en place est forcément de courte vue et illégitime, une sorte d’atteinte à l’intérêt général. Autant d’attitudes qui relèvent nécessairement du camp de la réaction comme on me l’a fait vertement remarquer.

Et puis c’est aussi ainsi que le député européen est grand mes chers lecteurs, quand il annonce la bonne nouvelle de l’Europe. Cette Europe qui fournit son aide alimentaire aux pauvres, qui permet que soit distribué un fruit à la récré à tous ses enfants, qui rénove les lavoirs de nos campagnes, qui est présente au quotidien tout près de nous, bref, qui nous donne un peu de son ciel bleu parsemé d’étoile. The star spangled banner de l’EU doit flotter dans toutes nos têtes mister Hogan, quel qu’en soit le prix.  Etre contre the fruit school scheme, ce n’est pas seulement être contre la bonne nutrition des enfants ou contre l’intérêt des professionnels des fruits, c’est surtout être contre l’Europe. Whaou. Ça fait froid dans le dos ce syllogisme inquisitorial, cette déclinaison moderne du procès en sorcellerie, non ?

Comment oser après ça proposer de déconstruire l’usine à gaz enivrants tuyautée à tous les étages administratifs et politiques entre mon village et Bruxelles sans tomber instantanément dans les pommes et être mis en compote?

Il semble pourtant cette fois-ci que la Commission européenne soit déterminée à s’autolimiter pour redonner un peu de sens au principe fondateur de subsidiarité, pour gagner en simplicité et en efficacité.

Diminuer autant que faire se peut les financements croisés, ne prélever que ce qui peut être utilisé directement en tant que maître d’ouvrage, sont des principes qui ont bien entendu vocation à s’appliquer depuis la commune jusqu’à l’échelon européen. Sous prétexte de grande mutualisation universelle et de transferts de rééquilibrage des favorisés vers les défavorisés, chaque étage politique se mêle de tout allègrement avec bonne conscience. L’efficacité est ainsi toujours sacrifiée au profit de la légitimité politique recherchée auprès de chaque citoyen. Jusqu’à l’asphyxie et la paralysie complète du système.

On comprend mieux l’ampleur de la tâche à accomplir. On imagine aisément aussi les résistances innombrables qui vont se manifester. La partie est loin d’être gagnée. Sauf si s’amplifie la révolution culturelle que l’on sent poindre. Un nombre croissant de nos concitoyens ont envie de se libérer de ces subventions dont ils ont compris qu’elles sont issues de cet entrelacs de chaines fiscales et réglementaires qui les ruinent et les étouffent.

 Mais vous, qu’en pensez-vous mes chers lecteurs ? 

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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M
Je pense que l'Europe n'est pas dans son rôle. La question de l'équilibre alimentaire doit être traitée au niveau local, par des associations, des entreprises ou les CG pas par l'Europe qui devrait se concentrer sur les grandes questions (énergie, recherche, sécurité).
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L
La maffia se trouve partout. Dans le SFS pourquoi doit une pomme offerte aux jeunes coûter €5,00 dans un pays, lorsque dans un autre pays ça ne coûte que €1,00. Comme toujours la France n’a pas compris à temps comment appliquer les règles en faveur de ses opérateurs et utilisait moins que 30% de on budget alloué ;<br /> http://ec.europa.eu/agriculture/sfs/documents/monitoring-report/2013-2014/fr_en.pdf<br /> http://ec.europa.eu/agriculture/newsroom/163_en.htm<br /> http://ec.europa.eu/agriculture/newsroom/111_en.htm<br /> http://ec.europa.eu/agriculture/sfs/documents/definitive_allocation_2011-12_en.pdf
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R
O doune des gazs, les sous d'Bruxelles...
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Y
Existe t il un important enjeu de santé européen que seule la consommation de fruits à 10 h peut résoudre ? La réponse est dans la question !<br /> Les interventions de Bruxelles ne devraient elles pas se limiter à la compensation des surcoûts induis par ses propres normes ou règlements et à cette méthode de questionnement ci dessus ?<br /> Il y a surement des économies en vues accompagnées par l'amélioration immédiate de l'image de l'U.E
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D
Moi, jhai jhamais touché un sou d'Brusselles...<br /> Alors si qu'olé qu'on m'en a piqué pour ça, j'seus pus d'accord...
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