21 Février 2010
Dimanche dernier, lors du repas communal offert aux ainés de la commune, Stéphane D, gouailleur et facétieux comme à son habitude, me glissait cette recommandation marquée au coin du bon sens: « va falloir mettre des ridelles aux bacs de regroupement de nos poubelles sur Reignac ».
Chacun sait ici mon engagement pour des projets artistiques d’avant-garde qui bousculent et dérangent le spectateur. Chacun s’accorde à reconnaître que cette fois ci, avec l’installation très osée de bacs de regroupement en grand nombre le long des axes principaux qui traversent la commune, la provocation est particulièrement réussie. Les heureux automobilistes qui traversent chaque jour ou occasionnellement Reignac peuvent s’enorgueillir d’avoir sous les yeux l’œuvre d’art dont Salvatore Dali dirait inévitablement, s’il était encore en vie, qu’elle va supplanter en renommée et sans discussion aucune, les toilettes de la gare de Perpignan.
Sans vouloir me vanter, il fallait quand même un certain génie pour trouver le moyen de faire exprimer leurs talents cachés à ceux de nos concitoyens les moins familiers des galeries d’art et de la création artistique en général. Réussir jour après jour à concevoir des débordements colorés, avec des transparences douteuses dans le jaune, mais du plus bel effet, réaliser des assemblages de sacs poubelles pour obtenir des monticules brinquebalants aux formes les plus diverses adossés aux horribles bacs gris et noirs qui dégueulent déjà de nos déchets les plus improbables, pour témoigner à ciel ouvert des dangers que fait peser notre consommation pour la planète est un tour de force créatif dont je suis assez fier. Enfin l’art plastique subversif à la portée de tous.
En fait, je n’ai pas un grand mérite. Je dois sans doute cette fulgurance à l’influence subliminale de Lucas Braastad dont l’installation « dech’art » réalisée il y a trois ou quatre ans à Barbezieux a du me marquer plus que je ne l’avais imaginé.
Et puis, last but not least, deux mois après l’ouverture au public, nous avons enfin eu cette semaine la retombée presse que nous méritions. (cliquez ici pour lire l’article de SO).
Le plus dur maintenant va être de faire basculer cette première étape plutôt réussie vers une seconde, beaucoup plus utilitariste, qui vise à optimiser les coûts collectifs liés au ramassage de nos déchets ménagers tout en faisant observer une règle du jeu civique parfaitement stricte.
L’histoire remonte à 2003 quand nouvellement élu président des 3B j’avais engagé un tour de l’ensemble des 37 conseils municipaux. Dans chaque commune j’essayais de déceler la bonne idée qui nourrirait le travail collectif et la coopération entre des élus encore sous le coup d’affrontements douloureux. C’est à Berneuil que Raymond Poitou m’a soumis l’idée de l’installation de bacs de regroupements pour les ordures ménagères pour libérer nos routes du passage des camions et réduire ainsi la facture de l’entretien de la voirie communale. Je n’ai eu de cesse par la suite de faire aboutir le projet tant il me paraissait nécessaire d’optimiser les coûts collectifs en matière de ramassage et de traitements de nos déchets. Parallèlement nous nous sommes engagés avec Calitom dans la promotion du compostage sur la communauté pour dégonfler à la source autant que possible les sacs noirs. Le mot d’ordre qui est toujours d’actualité s’exprimait ainsi : « je trie du mieux que je peux et je composte tout ce qui peut l’être ».
Devenu maire de Reignac en 2008 j’ai très vite pu vérifier que le nouveau conseil municipal était très motivé pour mettre le dispositif en place sur la commune.
La logique communale aurait du conduire à limiter l’installation des bacs de regroupement au nombre nécessaire à la seule préservation des voies les plus fragiles. De cette façon on réduit aussi un impact visuel rarement apprécié des ressortissants de la commune. C’est le projet minimum qui ne se préoccupe que de l’impact direct et mesurable sur les finances de la commune. Mais il nous a semblé qu’il y avait lieu d’aller au-delà et que nous devions servir des objectifs plus ambitieux en termes d’économies collectives. Au-delà du raccourcissement maximum du trajet de ramassage, nous avons également recherché à limiter les points de collecte y compris sur les voies empruntées par le camion. Dans le même temps bien sûr nous nous assurons que chacun des points de regroupement se trouve bien sur le trajet emprunté chaque jour ou presque par les habitants. A l’échelle de la Charente cette démarche généralisée permettrait à la louche de réduire de moitié les 400 000 kilomètres annuels effectués pour la collecte de nos ordures ménagères. Une économie de temps supplémentaire est apportée par l’ajout des bacs de regroupement sur les axes empruntés par les bennes. J’ai pu vérifier auprès du chauffeur l’efficacité induite par le dispositif et le gain apprécié au regard de la pénibilité du travail. A terme, les appels d’offres pour la collecte feraient inévitablement apparaître des gains substantiels qui auraient vocation à réduire nos contributions individuelles.
Compostage, tri, regroupement, autant de moyens simples d’alléger le coût de notre production de déchets. Si l’on y ajoute l’élimination d’un certain nombre d’emballages à la source pour les produits que nous achetons, on perçoit qu’il est possible d’envisager la réduction de nos factures. Le responsable de l’entreprise de collecte m’indiquait que si toutes les communes raccourcissaient autant le circuit de collecte qu’à Reignac il pouvait diminuer son effectif salarié par deux. C’est là qu’intervient une autre réticence chez tous ceux qui pensent qu’il faut casser des vitres pour donner du travail au vitrier plutôt que de les rendre incassables et de permettre au vitrier de se reconvertir pour créer des biens ou des services supplémentaires. Mais là c’est une autre histoire.
Le principal prix à payer pour l’implantation de bacs de regroupement n’est finalement pas monétaire. Il est esthétique. En effet même bien enserrés sur leur socle, ces bacs sont moches et gâchent le paysage. Mais là encore je pense que l’on peut faire mieux et trouver des habillages pour mieux les intégrer dans le paysage.
Ce qui est finalement le plus difficile à résoudre, c’est la maîtrise des comportements individuels. Comment obtenir que personne ne dépose ses sacs dans des bacs qui ne lui sont pas destinés ? Comment obtenir aussi que même si le bac nous est attribué nous nous abstenions d’y déposer nos sacs s’il est déjà plein ?
Apparemment l’entreprise est périlleuse et je sens monter la pression pour m’inviter à renoncer à ce combat qui semble vraiment désespéré pour bon nombre de mes interlocuteurs.
Je vais dès mardi soir lancer en conseil municipal le concours Lépine des moyens du non débordement permanent des bacs. J’ai déjà quelques idées. D’abord il y a lieu comme nous l’avons étudié avec Calitom et l’entreprise de collecte de positionner différemment certains bacs. Ensuite il y a aussi lieu de tendre vers l’extension aux communes voisines du dispositif afin de limiter l’envie de venir utiliser les bacs des autres. Je réfléchis aussi à un marquage sur chaque site des foyers ou du hameau de qui a le droit d’utiliser le bac, sous menace de sanctions pour les autres utilisateurs. Et puis comme je suis très franchement agacé par l’irresponsabilité de certains de mes congénères et de leur aptitude à dégueulasser sans vergogne ma commune je me demande si je ne vais pas planquer une vidéo surveillance aux points les plus sensibles pour mettre en ligne sur You Tube les images qui feront péter la honte aux auteurs de ces comportements de sagouins.
Qu’en pensez-vous ? Si vous avez d’autres idées mes chers lecteurs je suis preneur.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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