5 Février 2007
J’ai participé jeudi à une rencontre technique organisée par le CTIFL (Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes) au centre de Ballandran à quelques kilomètres de Nîmes et au cœur du vignoble des Costières du Gard. Le thème de la journée s’intitulait « agriculture biologique fruits ». D’intéressantes contributions se sont succédées pour traiter de l’amélioration des techniques de production de fruits répondant à la norme « agriculture biologique ». Ce défrichage de voies nouvelles intéresse toute la production de fruits et plus particulièrement la production de pommes et de poires engagée dans la charte nationale de production fruitière intégrée. J’utilise souvent l’expression « PFI extrême » pour bien signifier que notre ambition avec cette charte c’est d’aller aussi loin qu’il est possible d’aller pour optimiser la coopération avec la nature et obtenir des fruits qui soient à la fois bons et sains, mais aussi beaux et appréciés des consommateurs pour que la production puisse en être économiquement viable, ce qui n’est pas si simple à réussir. Ce qui me pose problème avec l’agriculture biologique (le logo AB) c’est qu’il est perçu par le consommateur comme ayant potentiellement un bénéfice santé alors qu’il s’agit d’une norme strictement environnementale qui répond à un règlement européen (UE 2092/91). Rien ne permet pourtant de l’affirmer mais la croyance est si forte et la confusion si bien entretenue dans l’esprit du consommateur que le bénéfice marketing est lui en revanche bien réel. Il faut pourtant savoir comme cela a été rappelé lors de cette journée que les pommes issues de l’agriculture biologique reçoivent autant sinon plus de traitements que celles qui sont produites en production fruitière intégrée. Les produits phytosanitaires utilisés sont bien entendu différents puisque les produits chimiques de synthèse sont interdits. En revanche certains produits non homologués (en France) sont utilisés en toute illégalité en bio avec l’approbation des organismes de certification, qui semblent ne vouloir faire référence qu’au seul règlement bio européen, et un refus de voir de la part des services de l’Etat, protection des végétaux ou DGCCRF. Mais ce qui laisse pantois pour certains de ces produits comme l’aphicide Neem par exemple, c’est que lorsque l’on interroge justement la protection des végétaux sur ce produit la réponse est catégorique. Ce produit ne recevra pas d’homologation en France parce que son profil toxicologique n’est pas bon et qu’il présente des dangers pour l’utilisateur et la santé humaine. Un autre produit historique du bio, la roténone, un insecticide, vient d’être retiré de la vente en Angleterre pour les mêmes raisons. De plus ces produits (c’est le cas aussi des pyrèthres) ne sont pas sélectifs et conduisent à une multiplication des traitements parce qu’ils détruisent la faune auxiliaire si utile pour maîtriser les populations des ravageurs nuisibles comme les acariens et les pucerons. D’autres produits sont utilisés alors qu’ils ne disposent pas d’homologation en France, mais à priori ils ne présentent aucun danger et s’apparentent plutôt au purin d’ortie qui a défrayé récemment la chronique. Il s’agit par exemple de la bouillie sulfo-calcique italienne ou Nantaise ainsi que de l’argile kaolinite cuite. Mais comme le sous entendait le dernier intervenant de la rencontre, Joël Fauriel, qui est à la fois paysan et travailleur à lINRA, l’homologation de ces produits ce n’est vraiment pas la peine de s’en préoccuper... Sauf que au regard de la loi pour un agriculteur conventionnel, (comme il faut l’appeler) l’utilisation d’un produit non homologué est passible de la correctionnelle. D’autres difficultés se profilent avec l’interdiction d’utilisation du cuivre à laquelle réfléchissent certains pays européens en raison de la stérilisation des sols induite par l’utilisation dans la durée de cette matière active pour la lutte contre les champignons et les bactéries en agriculture biologique. Cette situation de l’agriculture biologique pose donc deux problèmes. Le premier c’est celui de l’utilisation de produits autorisés par le règlement bio dont le texte est figé depuis longtemps mais dont on sait aujourd’hui que le fait qu’ils soient biodégradables ne suffit pas à en justifier l’utilisation, parce qu’ils sont dangereux pour l’utilisateur au point de ne pas pouvoir prétendre à une homologation en France. Le second c’est l’absurdité française de ne pas avoir de procédure simplifiée pour homologuer ou autoriser tout simplement des substances aussi inoffensives que l’argile kaolinite par exemple ou le purin d’ortie. C’est là un grand sujet de colère pour tous les arboriculteurs qui recherchent des solutions alternatives pour la protection des cultures et qui ne comprennent pas que des produits dont on peut raisonnablement penser qu’ils sont sans risques (l’argile sert à l’alimentation animale) doivent aussi respecter la même procédure d’homologation que les nouvelles molécules créées par l’industrie. Compte tenu des coûts induits aucune firme ne monte de dossier et l’utilisation demeure légalement interdite. De madame Mariann Fischer Boel en passant par nos candidats à la présidentielle, tout le monde maintenant ne voit d’avenir que dans le bio, au sens du règlement européen dont on a compris les limites et les absurdités, ce que disent aussi les producteurs bios les plus lucides. C’est perceptible par exemple dans un article cosigné par Joël Fauriel dans la dernière livraison de la revue « l’écologiste », dont la lecture ne m’a quand même pas toute été très facile. Produire sans pesticides doit être l’objectif de tous les paysans de la terre c’est une évidence. Paradoxalement cela demande une technicité et un savoir faire encore bien mal maîtrisés. La frontière arbitraire entre le bio certifié et le « conventionnel », qui recoupe une très large variété de pratiques, dont certaines me semblent très abouties (en pomme je pense au très beau travail fait par les techniciens et les arboriculteurs du Limousin), est un frein réel pour progresser. Et puis je suis excédé par l’appropriation du culte du bio par des scientistes ou des idéologues obscurantistes jamais contredits par des chercheurs dignes de ce nom comme il en existe encore je crois à l’INRA. En revanche j’ai l’impression que les quelques scientifiques de pacotille qui ont réussi à entrer un jour dans cet institut, parce qu’ils sont tout auréolés de leur ancienne appartenance à la prestigieuse maison, ne se gênent pas pour dire avec autorité beaucoup de conneries. J’aimerais vraiment pouvoir me sortir de la tête cette apréhension qui m'incite à penser que l’on ne peut-être que bio et con à la fois.
Sur le chemin du retour j’ai vu beaucoup de camions sur l’autoroute, surtout entre Montpellier et Narbonne. Mais l’impression la plus lugubre je l’ai eu en passant devant Bedenac. Les camions sont garés la nuit jusque sur la route, ils débordent de partout des parkings de fortune qu’ils sont contraints d’utiliser. La préoccupation légitime de protection de l’environnement des pouvoirs publics pourrait trouver là à s’exprimer sur un véritable chantier. Le danger, les mauvaises conditions d’hygiène et les nuisances environnementales de Bédenac ne semblent pourtant pas préoccuper la direction des routes. Quand je pense que l’on continue de nous promettre un chantier permanent en Charente pour au moins les vingt ans qui viennent avec les ralentissements que cela suppose et les accidents à la clé statistiquement inévitables. Dommage que nous ne comprenions pas, pour l’exiger, que c’est une autoroute qui est nécessaire pour la traversée de
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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