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L'argent des communautés en débat chez l'écureuil.

Chaque année l’association des communautés de France organise une réunion pour présenter les dispositions de la loi de finances qui concernent plus particulièrement les communautés. Cette année, à cette occasion, les organisateurs ont choisi de poser la question suivante : « vers la refondation des finances locales : quel carburant pour l’intercommunalité ? ». La réunion a eu lieu mardi dans le bel immeuble qu’occupe la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne avenue Mendès France près de la gare d’Austerlitz. Dans son  mot d’accueil Michel Gonnet, un directeur de cette banque, nous indique que le siège est bien tout beau tout neuf, terminé depuis moins d’un an. En tout cas l’amphi est très confortable et c’est tant mieux parce que le sujet de la matinée s’annonce plutôt ardu.  L’introduction de Charles Eric Lemaignan (président de la communauté d’agglomération Orléans Val de Loire) est un brin catastrophiste sur l’étranglement financier qu’il prévoit pour un avenir très proche pour les communautés. J’ai un peu de peine à suivre sa vision des choses qui idéalise l’action des communautés et légitime la nécessité permanente pour elles de disposer des ressources nécessaires à la mise en œuvre de leurs politiques. En résumé les communautés sont efficaces, bien gérées et elles ont besoin de trouver les ressources nécessaires pour financer les équipements et les services qu’elles créent pour les habitants. Sa contestation principale, qui est aussi celle de l’ADCF, concerne les nouvelles dispositions imposées par la loi pour la taxe professionnelle. La limite contributive des entreprises est désormais fixée à 3.5% de leur valeur ajoutée. Ce qui signifie qu’une augmentation du taux de la taxe professionnelle n’entraine plus automatiquement une hausse des recettes si les entreprises concernées atteignent déjà le plafond défini. La seule solution pour les communautés en TPU, concernées par ce tarissement et qui veulent obtenir quand même des ressources supplémentaires, passe alors par l’institution de la fiscalité mixte pour taxer en plus le foncier bâti et non bâti et l’occupation des logements. Déjà bien mal en point en raison de la part grandissante des compensations de l’Etat consécutives aux exonérations successives accordées aux contribuables locaux ou aux entreprises, c’est l’autonomie fiscale perdue qui est dénoncée.

Face à cette présentation des choses le directeur du budget Philippe Josse a proposé de traiter le sujet en l’abordant sous un angle différent, celui de la dépense. Et de rappeler que la France a une dette évaluée entre 1100 et 2000 milliards d’euros, selon que l’on y inclut les engagements pour les retraites des fonctionnaires ou non, et que les prélèvements obligatoires sont de 5 points supérieurs à la moyenne de nos principaux voisins européens. Ceci le conduit à évoquer une dépense des collectivités qui doit s’accommoder de la capacité contributive des citoyens et des entreprises même si elle ne permet pas de réaliser tout ce qui peut sembler indispensable. Son collègue de la direction générale des collectivités locales a poursuivi dans le même sens en évoquant le cadrage fixé pour les dépenses des collectivités locales chez certains de nos voisins européens. Il a aussi rappelé que la revendication de l’autonomie fiscale pouvait se discuter. Il a ainsi précisé que la moitié du territoire ne la revendique pas parce qu’il bénéficie fortement de la péréquation en provenance des territoires riches et que seul l’Etat peut garantir ces transferts. L’exemple est aussi donné de l’Allemagne pourtant fortement régionalisée mais dont les ressources locales sont constituées de dotations nationales. Le sénateur professeur Yves Fréville, également présent à la tribune, lui aussi émet des réserves sur la pertinence, pour les mêmes raisons, de l’autonomie fiscale des collectivités ainsi que de la possibilité d’un grand soir fiscal. Et puis fixer une limite sur la part de la valeur ajoutée qui peut être prélevée sur les entreprises permet quand même à cette recette d’évoluer comme cette même valeur ajoutée dont la somme pour le pays constitue le produit national brut.

Il est pour moi toujours étonnant de constater comment certains élus défendent un droit libre à prélever sans limite, simplement parce qu’il faut bien couvrir les dépenses engagées pour le bien de tous. Je les sens peu préoccupés de l’impact de leur liberté de prélèvement sur la maîtrise des équilibres financiers des entreprises ou des particuliers qui n’ont semble t-il qu’à faire avec.

 A travers ces échanges il était visible que l’Etat s’inquiète de l’évolution de la dépense de l’intercommunalité, dans le droit fil du rapport de la cour des comptes de Philippe Seguin et de quelques autres plus agressifs apparus l’an passé mais moins pertinents. L’augmentation sensible des effectifs des agents semble le sujet d’inquiétude le plus marqué. La réponse tout aussi pertinente de Lemaignan  a remis l’Etat face à ses responsabilités sur le glissement des dépenses. Il était utile de rappeler que la plupart des dépenses nouvelles ou des augmentations de dépenses proviennent essentiellement de décisions législatives ou réglementaires qui s’imposent aux communautés (et aux autres collectivités locales). Le directeur du budget a acquiescé sans sourciller. Mais il a fait remarquer son étonnement face à ce qu’il a qualifié d’asymétrie dans le comportement des élus qui à l’assemblée décident de pousser les réglementations et les contraintes, réévaluent les qualifications et les grades des salariés de la fonction publique, et de retour dans leurs collectivités s’insurgent sur les décisions de l’Etat dont l’incidence en compléments de charge devra être supportée par leurs collectivités. Je me suis dit que le terme asymétrie conviendrait bien aussi aux comportements de nos dirigeants à Bruxelles et en France.

L’ADCF a poursuivi en faisant quand même des propositions pour réduire le montant des compensations de l’Etat en les accompagnant d’un transfert de ressources équivalent vers les collectivités. La mécanique n’a pas semblé idiote aux participants. Philippe Josse a quand même souligné qu’une réforme qui concerne plus de 30 milliards d’euros ne serait pas sans difficultés pour les tuyaux de l’Etat. Jean Pierre Chevènement présent quelque temps dans la salle a tenu a confirmé avec un peu d’humour que l’idée lui semblait aussi intéressante mais qu’il était d’accord avec le directeur du budget pour dire qu’elle coûterait cher (garanties de toutes sortes à apporter pour que l’impact soit doux pour tous) et qu’à son sens deux législatures seront nécessaires pour une évolution de ce type. On est pris de vertige quand même face aux difficultés extrêmes décrites pour une réforme en apparence assez simple. En revanche la proposition complémentaire de scinder la taxe sur le foncier bâti en deux, l’une pour l’habitat et l’autre pour l’immobilier d’entreprise n’a pas suscité d’objection. Il est important de motiver les communes pour qu’elles aient malgré la TPU toujours envie et intérêt à accepter et vouloir accueillir sur leur sol des entreprises.

Gérard Gouzes, maire de Marmande et président de la communauté de communes Val de Garonne (c’est lui qui a été le rapporteur de la loi Chevènement de 1999) est intervenu pour une alerte qu’il me semble utile d’avoir toujours à l’esprit. La spécificité du choix français de conserver la totalité de ses communes et d’opter pour la coopération intercommunale reste un pari très risqué. Selon lui en cas d’échec (et les embûches se multiplient tant les logiques communales et intercommunales peuvent être opposées) nos 36000 communes n’y survivraient pas et nous devrions comme les autres grands pays, nos compétiteurs, réduire drastiquement leur nombre. Le seuil de 5 à 6000 habitants est évoqué. Trois communes pour notre communauté des 3B! Pour consolider l’intercommunalité Gérard Gouzes insiste de plus en plus sur la nécessité de rechercher la légitimité de la coopération intercommunale auprès du citoyen par une élection directe à l’échelle de la communauté de l’exécutif communautaire et au moins du président. Les communes comme aujourd’hui délégueraient leurs représentant qui conserveraient le pouvoir de décision. Je partage cette analyse qui jusqu’à maintenant était très minoritaire dans les rangs de l’DCF. A l’heure de déjeuner le maire de Marmande me disait qu’il sentait que la situation avait évolué depuis Rhodez au début de l’été et le congrès de Deauville l’automne dernier. Marc Censi notre président Aveyronnais de Rodez de l’ADCF infléchirait aussi sa position première sur cette question considérée jusqu’à ce jour comme le début de la fin pour les communes. Il se trouve que c’est plutôt l’inverse qui s’annonce si nous n’anticipons pas à temps.

L’après midi était consacrée à l’étude concrète des conséquences de l’application des nouvelles règles en matière de TP. Comme il fallait s’y attendre de nombreuses dispositions sont venues limiter l’impact de cette nouvelle donne pour les communautés qui ne supportaient pas de na pas pouvoir augmenter la pression fiscale pour couvrir leurs dépenses ou la baisse de leurs bases d’imposition . Autant dire que pour ce qui me concerne la dénaturation est telle qu’elle ajoute à la confusion ambiante et tend à donner raison à tous ceux qui demeurent convaincus que le pays se remettra toujours des prélèvements que nous lui imposons tant ils sont destinés à la bonne cause. 

La nouvelle dont il faut bien mesurer les implications c’est qu’il faut attendre 2014 maintenant pour que de nouvelles règles institutionnelles, après bien sûr avoir été éventuellement votées, puissent s’appliquer pour l’intercommunalité. Enfin il m’a semblé que les rapports de Philipe Valletoux du Conseil économique et social et de Pierre Richard de Dexia souvent cités avaient bien mis le doigt sur les handicaps les plus insupportables à notre efficacité collective et qu’ils avaient quelque chance de ne pas rester sans suites.

Le progrès progresse bien lentement et le futur ne manque décidemment pas d’avenir. Je sais, c’est très indigeste tout ça pour les non spécialistes, mais j’avais envie d’évoquer le sujet quand même.                                     

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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