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SRADDET: la nouvelle-Aquitaine en transition (s). Ou comment se payer inutilement de mots sans  résoudre nos maux.

Les conseillers régionaux de Nouvelle Aquitaine sont appelés demain à voter le Schéma Régional d’Aménagement, de développement Durable et d’Egalité des Territoires. Ce schéma est une somme, un pavé,  205 pages pour le rapport d’objectifs, 122 pages pour le fascicule des règles, 158 pages de cartographie plus une palanquée d’annexes dont je n’ai pas fait le total des pages.

Alors, un immense et beau travail comme ça issu de concertations multiples, on ne devrait pas pouvoir être contre. Ou alors tout contre évidement, tant les consensus majoritaires sont nécessaires pour développer harmonieusement nos territoires.

Eh bien malheureusement, à l’instar de quelques élus de mon groupe, je voterai contre ce schéma.

Il pleut des cordes ces jours-ci. Charente Libre annonce d’ailleurs cet après-midi que les rivières ont quitté leur lit dans le département. Ici ou là en Nouvelle Aquitaine, comme dans beaucoup de régions  en France, les pluies sont souvent bien plus diluviennes encore. Et le phénomène dure depuis plusieurs semaines déjà. Que d’eau, que d’eau cet automne il nous tombe dessus. Un peu de cette eau s’infiltre utilement dans les sols, en dehors des zones imperméabilisées, pour remplir les nappes.  Mais l’essentiel file vers la mer à toute vitesse. D’autant plus vite que la doxa environnementaliste du moment est à l’effacement des obstacles dans les cours d’eau, voire même à l’effacement des digues des mares, étangs ou petits lacs, pour nous dit-on améliorer la qualité de l’eau qui va gonfler l’océan.

Les inondations de cette fin d’année font suite à une sécheresse sévère l’été dernier. Ce n’est pas la première fois que nous avons à subir cette mauvaise répartition saisonnière de l’eau qui tombe du ciel. Et ce ne sera pas la dernière non plus si l’on en croit les Cassandres du réchauffement climatique.  

Face à ces situations un esprit simple aurait tôt fait d’imaginer que l’on puisse souhaiter retenir et réguler l’eau qui nous est nécessaire pour tous nos usages. On s’inscrirait en cela dans le combat permanent de l’humanité depuis les origines pour se mettre à l’abri des excès et de la fureur des éléments.

Et bien malgré l’impérieuse nécessité de stocker de l’eau quand elle est en excès pour en disposer pour irriguer quand elle manque, ce schéma évite soigneusement le sujet des retenues et de la régulation de l’eau. L’agriculture est tout simplement invitée à diminuer l’irrigation et à plutôt changer de cultures végétales. Il est aussi conseillé aux agriculteurs d’améliorer les pratiques agronomiques pour que les sols s’assèchent moins vite. Si on a besoin de rien on est servi.

La démonstration a pourtant été faite mille fois que l’irrigation permet de garder les campagnes vertes et de limiter dans le même temps la hausse des températures dans les ilots de chaleur que sont les villes.

Ce SRADDET préfère regarder avec fatalisme la raréfaction de l’eau annoncée sans jamais proposer de s’équiper pour y faire face.

Plus désespérant encore est cette invitation redondante, mystérieuse et gratuite à changer de modèle pour l’agriculture. Sans jamais clairement définir de quoi il pourrait s’agir, on devine que l’essentiel de ce changement réside dans le renoncement à utiliser pesticides et autres engrais chimiques pour produire. Ceci en comprenant enfin que la nature, si elle est respectée, saura nous donner les récoltes abondantes et de qualité que nous attendons.

L’agriculture n’a rien à mon sens à attendre de la vision puérile, manichéenne et dérisoire contenue dans ce schéma. Les formules sont creuses et l’incompréhension des enjeux abyssale.

L’agriculture de Nouvelle Aquitaine comme partout en France fait face à des enjeux de compétitivité considérables. L’importation progresse comme jamais et nos exportations reculent. La nécessité de protéger les cultures contre les maladies et ravageurs ne faiblit pas, bien au contraire. Il suffit de s’intéresser aux dégâts provoqués par l’invasion de punaises diaboliques dans le Piémont, en Suisse ou en Savoie pour comprendre que toute naïveté rousseauiste s’avérera désastreuse à très court terme.

Ce schéma  bien creux pour l’agriculture ne fera pas longtemps illusion face aux difficultés que nous affrontons déjà et qui vont s’accentuer rapidement. Le choc sera d’autant plus douloureux que nous aurons trop longtemps détourné le regard des vrais problèmes à résoudre.

Un autre exemple me semble symptomatique du caractère incantatoire et idéologique de ce SRADDET. Le corridor de fret par camions que constitue la RN 10 au nord de Bordeaux est plusieurs fois cité pour son niveau de pollution. La perspective de solution évoquée consiste en un report modal vers le rail dont on sait pourtant qu’il est illusoire et en tout cas lointain.

En revanche le sous équipement immédiat tout à fait dramatique en parkings à poids-lourds autres que privés n’est à aucun moment évoqué. Pas plus qu’il n’est perçu dans ce schéma comme dans bien d’autres instances que la géographie veut qu’une bonne part du fret n’aille ni à Poitiers ni à Limoges mais rejoint l’est de la France et de l’Europe par Confolens, La Croisière et La Souterraine. Et que pour cela, il lui faudrait une route, voire une autoroute, adaptée.

Autant dire que ce SRADDET n’est guère plus visionnaire que notre sénatrice qui n’a pas plus utile à proposer que de détourner le fret de sa route naturelle pour lui allonger le parcours et  aggraver les émissions de carbone et la consommation d’énergies fossiles.

La liste de nos incohérences s’allonge de plus en plus. Les réalités sont malheureusement têtues et il serait bien plus utile et salutaire de les regarder en face pour trouver sans dogmes préétablis ou idéologie régressive les solutions nécessaires.

En agriculture comme dans bien d’autres domaines ce SRADDET ne peut pas être la feuille de route visionnaire et pragmatique à suivre. Dommage alors qu’il nous fasse perdre un temps précieux.

Mais en démocratie, le pire des systèmes à l’exception de tous les autres, il faut accepter d’en passer par différentes formes de débâcles avant de résister et de se reprendre.

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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