4 Mars 2006
Comme le dit si bien Woody Allen, « l’éternité c’est long, surtout vers la fin ». Mardi soir, au Château de Barbezieux, tous ceux qui étaient venus à l’invitation d’Entreprendre en Sud Charente écouter Daniel Herbreteau parler du principal corridor routier de fret européen en France, qui emprunte la RN 10 et la RN 141 en Charente, ont pu une nouvelle fois évaluer l’ampleur du scandale national que constitue l’interminable mise à deux fois deux voies aux normes autoroutières de cette route.
Il faut savoir que sur deux voies, à Touvérac, le trafic de poids lourds en transit international (7000 par jour) est supérieur de 50% à celui mesuré sur l’A7, dans le sillon Rhodanien. Au total ce sont 9500 poids lourds sur un total de 17500 véhicules par jour qui circulent sur cette route, ce qui aurait justifié depuis longtemps n’importe où ailleurs en France une autoroute. Ce trafic ne cesse d’augmenter et ne peut en aucun cas être redirigé sur d’autres axes. En effet après Angoulème un nombre croissant de ces poids lourds en transit se dirigent non pas vers Poitiers mais bien par la nationale 141 en direction de Confolens puis Bellac et le nord et l’est de l’Europe. A ce jour il passe autant de poids lourds à La Rochefoucauld que sur l’autoroute A10. La géographie est têtue. La liaison la plus courte et la plus plate entre le Maroc, la péninsule Ibérique et l’Europe du Nord passe par Touvérac et Confolens. Pourtant malgré ce trafic considérable la fin des travaux de mise à deux fois deux voies entre Reignac et Chevanceaux n’est pas clairement programmée à ce jour. Certains documents mentionnent toujours 2015 et peut-être 2020. Au rythme ou progresse le trafic (dans sept ans il aura doublé !) on imagine la situation dantesque à laquelle nous allons continuer d’être confronté.
Comment en sommes nous arrivé là ? Comment peut-on être le premier bassin industriel de Poitou Charentes, être traversé par un corridor routier de fret européen en croissance constante et n’avoir qu’une route à deux voies par endroits. Comment se fait-il que nous soyons l'un des trois départements français (avec l'Ardèche et la Haute Saône) sans un kilomètre d'autoroute? La situation était tellement prévisible et de plus sans équivalent sur le territoire français qu’il est légitime aujourd’hui de s’interroger pour savoir qui est responsable des choix criminels qui ont été faits et le sont encore pour la Charente et les Charentais.
Le rapport d’audit sur les grands projets d’infrastructures et de transport établi par le Conseil Général des Ponts et Chaussées en février 2003 nous donne quelques pistes. Dans ce rapport on évoque la déviation de Reignac Chevanceaux qui devrait être réalisée dans le prochain contrat de plan Etat Région tout en mentionnant quand même un horizon 2020. Et puis rappel significatif et hautement révélateur il est indiqué qu’il faudra veiller à la cohérence de la mise à deux fois deux voies de la RN 10 avec les fonctions assignées à l’A 10. Le tableau récapitulatif des opérations de rase campagne non concédées indique aussi qu’il ne faudra terminer que progressivement l’aménagement et assurer une mise aux normes limitée aux opérations de sécurité pour la RN 10, et non pas aux normes autoroutières. A cela s’ajoute que pour ce qui concerne le trafic destiné à la RCEA (vers l’est) il est évoqué l’achèvement de l’A 89 entre Clermont Ferrand et Bordeaux pour fournir une solution efficace à une liaison rapide est-ouest. Belle proposition lorsque l’on sait que le trafic y est interrompu une partie de l’année pour intempéries pour les poids lourds et que le coût est rédhibitoire pour les transporteurs en raison de l’altitude. Ces deux autoroutes, l’A 10 et l’ A 89 sont bien l’argument de tous nos problèmes. Ces deux magnifiques réalisations qui sont inutiles à notre trafic poids-lourd fondent l’omerta et les mensonges de tout l’appareil d’Etat pour masquer le drame des erreurs de tracés et de priorités que nous subissons. A cela s’ajoute le déterminisme d’un système corporatiste qui privilégie malheureusement l’intérêt d’une caste contre l’intérêt général et la sécurité des habitants. En clair, si l'on en croit les connaisseurs, plus le chantier dure et plus les gradés de la route se gavent. Mais aussi plus le coût est élevé pour le contribuable. Et pour cela il suffit de nier et de cacher l’évidence et de tronquer l’information chiffrée. Le travail de désinformation est réussi au delà de tout ce qu’il est possible d’imaginer et l’impensable a été atteint avec une route à deux voies digne pourtant depuis des lustres d’une autoroute à deux fois trois voies. A l’heure du principe de précaution roi et de la peur de la responsabilité il est impératif de dénoncer ce complot et cette situation gravissime que nous subissons. En d'autres lieux des hommes politiques influents et déterminés ont su dépasser ces blocages. Nous ne sommes pas dans ce cas.
La communauté de communes des 3B est dramatiquement concernée par cette manoeuvre des services de l’Etat (DRE, direction des routes etc..) Puisque ce territoire est destiné à être la fin de chantier après encore de nombreux morts il est légitime pour dénoncer vigoureusement cette situation criminelle et rechercher les responsabilités.
C’est aussi sans délai maintenant que nous voulons être informé du budget de l’Etat mobilisé pour achever la sécurisation et la mise à deux fois deux voies de la RN 10 et des délais envisagés pour la mise aux normes de ce corridor.
A suivre…..
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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