6 Décembre 2016
A l'attention de mes collègues arboriculteurs, aux agriculteurs et à bien d'autres encore, je recopie le texte prononcé devant les membres de l'association ce jour lors de l'assemblée générale.
Paris, mardi 6 décembre. Assemblée générale de l'Association Nationale Pommes Poires. Rapport moral du Président.
Mes chers collègues, si l’on inclut l’année 2008 qui a été consacrée tout entière à élaborer le projet d’une nouvelle association économique pour la pomme et la poire en France, c’est dans sa dixième année en 2017 qu’entre l’Association Nationale Pommes Poires.
10 ans, c’est le temps qu’il nous aura fallu pour fortifier l’association libre des producteurs et des organisations de producteurs que nous avons choisi de constituer sur les décombres de l’organisation économique obligatoire défunte.
Par-delà les concurrences naturelles entre nos régions, nos terroirs, nos entreprises, nos marques et nos variétés, la solidarité pour travailler ensemble les questions collectives n’a cessé de se conforter et de nous motiver depuis.
Toute notre action sert deux ambitions. La première, c’est de satisfaire pleinement notre marché intérieur par une offre attractive, diversifiée et rémunératrice tout au long de l’année. La seconde, c’est de développer un accès profitable de notre production sur tous les marchés importateurs du monde.
Pour autant, il a fallu très tôt chercher à augmenter notre motivation à adhérer et à soutenir ce projet collectif en différenciant positivement les fruits issus des vergers des membres de notre association.
Le long travail engagé depuis les années 90 autour de la production fruitière intégrée et d’un système qualité rigoureux a prouvé là sa pertinence et son utilité majeure. La maxime qui dit que tout vient à point à qui sait attendre s’est confirmée pour ceux qui comme moi ont cru dès le départ à ce cap à suivre.
Avec ces fondations solides, la Charte Qualité des pomiculteurs de France et son label Vergers Ecoresponsables a apporté cette différentiation positive qui a accompagné la confortation de notre association.
La volonté des producteurs de garantir leur itinéraire de production et leur respect de l’environnement associée à la préférence accordée par la distribution à Vergers Ecoresponsables constituent la spirale vertueuse de la réussite de notre projet.
Sous la double motivation d’être Verger Ecoresponsable pour satisfaire son marché et d’être aussi partie prenante du groupe des leaders de la pomme et de la poire, les adhésions se sont accélérées depuis deux ans. Nous avons franchi le seuil du million de tonnes de pommes représentées au sein de l’association. Souvenez-vous, c’était l’objectif que nous nous étions donné en juin 2008 à la station d’expérimentation de la Morinière.
C’est du côté de la poire qu’il nous faut maintenant aussi avoir une stratégie de développement. La maturité acquise par l’association va nous y aider. Le 7 juillet à la Morinière nous nous sommes engagés dans cette direction devant plus de 300 producteurs. Nous avons réaffirmé cette volonté à Anneyron le 22 novembre devant 150 producteurs motivés par le renouveau de cette production. A ce jour, nous importons une poire sur deux consommée en France. Il n’est que temps de commencer à nous réapproprier notre marché.
L’exercice clôturé fin juin 2016 est une année de transition vers la stratégie que nous avons élaborée en 2015 et que nous avons validée lors de notre dernière assemblée générale. C’est aussi le premier exercice au cours duquel nous nous sommes libérés des aides publiques et des contraintes contreproductives qui les accompagnent toujours.
Notre objectif je le rappelle c’est d’imposer dans toutes les têtes le label Vergers Ecoresponsables. Un label VER qui doit s’imposer aux côtés de la production indifférenciée et du label AB. Pour cela nous nous adressons à toute la filière professionnelle, du producteur jusqu’au détaillant. Pour toucher le consommateur, nous devons démultiplier en rayon la visibilité du label par la mobilisation des metteurs en marché. Tout comme nous devons susciter l’intérêt de la presse et des médias pour qu’ils nous apportent cette exposition attendue. Tout cela sans bourse délier pour des spots publicitaires que nous ne sommes pas en mesure de nous offrir.
Cette orientation stratégique majeure de communication, dans la continuité pour partie de nos choix précédents, a commencé à se mettre en œuvre sur l’exercice clos.
Nos partenaires de la pêche, nectarine et abricot auxquels nous avons accordé une concession du label renforcent solidairement sa visibilité toute l’année.
Mais, Vergers Ecoresponsables c’est avant tout un contenu. Parallèlement au développement du label et de se visibilité, c’est toute la chaine d’innovation et de progrès qui nourrit la Charte qui doit prendre de l’ampleur et s’affirmer. C’est le sens de notre implication dans le Groupement d’Intérêt Scientifique Fruits avec l’INRA, le CTIFL et les autres acteurs. C’est aussi et surtout le rôle de notre commission technique qui cherche à introduire dans le cahier des charges et le plan de contrôle des éléments novateurs tangibles et pertinents des savoir-faire acquis par les arboriculteurs. Charge ensuite à la communication d’enrichir ses contenus pour intéresser nos partenaires et les consommateurs.
La réussite qui se confirme de VER a rendu l’association plus forte et plus représentative. Ceci nous permet d’être à l’initiative de communications positives permanentes sur la pomme et la poire. Nous ne sommes plus seulement en défense et en réaction des attaques que nous subissons. Notre agenda de communication n’est plus fixé par celui des médias, de Greenpeace, de Générations Futures ou autres prédicateurs d’apocalypse alimentaire ou planétaire.
Non seulement leurs messages anxiogènes perdent en résonnance mais en plus nous nous sommes donnés les moyens de fatiguer leurs auteurs en justice. La condamnation pour dénigrement de Biocoop a un peu ébranlé la certitude d’impunité des prophètes dogmatiques du Bio. Il est apaisant pour nos pommes et nos poires de les voir à leur tour énervés et crispés. Le combat va donc continuer jusqu’à ce que les dogmes tombent et fassent place aux vérités tangibles sans opposition artificielle des modèles agricoles entre eux. Ce qui n’est évidemment pas encore pour tout de suite.
Il est à noter aussi que d’autres voix que la nôtre s’élèvent pour parler positivement de la pomme. Et c’est avec un immense plaisir que nous avons accueilli cet automne la publication de « Croquez la pomme » par Sylvie Brunel. Ses interventions dans les médias pour promouvoir la pomme et ceux qui la produisent a renforcé encore notre gratitude à son égard. L’évènement était tel qu’il justifiait bien que chacun de nous ait en bonne place ce livre dans sa bibliothèque d’arboriculteur.
Cette initiative n’est plus la seule. Nombre de messages positifs sont également diffusés par les médias ces dernières semaines. C’est là la bonne nouvelle. Le bruit médiatique en faveur de la pomme assourdit désormais nettement les messages anxiogènes qui font désormais pschitt.
La période n’est pourtant pas sans risque. Notre décision de recourir au Conseil d’Etat pour faire tomber l’arrête du 12 septembre 2006 était à la fois légitime et risquée. Légitime puisque nous avons aisément obtenu gain de cause. Risquée puisque dix ans plus tard le contexte pour la réécriture d’un nouvel arrêté s’est considérablement durci.
A l’heure où je vous parle, après des semaines très éprouvantes pour l’ANPP face à la menace d’un arrêté plus inapplicable encore, une certaine animosité de nos collègues agriculteurs, la guérilla de Générations Futures et des échos médiatiques simplificateurs, les perspectives deviennent plus rassurantes. L’opération vérité et réalisme que nous souhaitions semble l’emporter. La prudence est toutefois encore de mise jusqu’à la proposition officielle.
La FNSEA s’est retrouvée en première ligne avec les Jeunes Agriculteurs et la Coordination Rurale pour conduire la négociation. Après avoir fait obstacle à une nouvelle version de l’arrêté qui introduisait les nouvelles exigences que l’administration avait sous le coude, alors que les pouvoirs publics proposaient pour sortir de l’impasse de s’en tenir pour l’instant à la version annulée, le syndicalisme cherche à obtenir les améliorations attendues du texte qui nous motivent depuis 2006. Rien n’est acquis. Mais preuve est déjà faite que le retrait de cet arrêté a permis de redescendre au plus près des réalités du terrain et de rechercher un nouvel arrêté qui soit à la fois applicable tout en servant concrètement les objectifs de protection des populations et de l’environnement.
Cet arrêté comme nombre d’autres réglementations sont des éléments de la compétitivité globale pour la pomme et la poire. Notre vigilance constante en coordination avec le syndicalisme, Interfel et tout autre partenaire concerné s’amplifie sur ces questions au fur et à mesure ou l’ANPP se renforce.
Sur le plan de la réussite économique sur la marché national, force est de constater que le label VER a nettement contribué depuis l’embargo russe à motiver la distribution française pour la mise en avant de l’origine France. Un logo complémentaire pour exprimer cette origine de manière plus visuelle que par la mention sur l’étiquette normalisée a été créé par Interfel. C’est ainsi qu’avec tout cela l’indice des prix en France pour la pomme à l’expédition a pu rester à un niveau moyen plus élevé que ce qui a pu être constaté dans les autres pays européens. (Source Freshfel)
Pour autant l’atout commercial principal est toujours la qualité et l’attractivité variétale pour le consommateur. Dans ce domaine aussi la maturité de l’ANPP s’est affirmée. Les critiques sur les ventes de pommes immatures de la variété Granny Smith sur le marché national comme à l’exportation sont récurrentes depuis des lustres. Pour certains, La déception des consommateurs qui s’ensuit est considérée comme l’un des éléments qui pénalisent durement cette variété. Pour d’autres en revanche, ce sont ces ventes précoces à prix élevés qui permettent une moyenne de prix améliorée sur une saison.
C’est une excellente nouvelle que sur un sujet polémique comme celui-ci il ait été possible de faire travailler les opérateurs concernés à un accord interprofessionnel qui encadre mieux la maturité de mise en marché.
Au sein de l’association il doit être possible de parler de toutes les questions collectives, de tout ce qui relève du bien commun qu’aucun de nous ne peut sacrifier unilatéralement pour son profit propre.
L’examen collectif de cahiers des charges de la distribution dès lors qu’ils impliquent des interdictions contreproductives et inutiles au regard de notre Charte fait partie des souhaits exprimés au sein de l’ANPP.
Au travers de tout cela, c’est un réseau d’entreprises solidaires qui s’affirme. Et à mon sens l’ANPP aborde une nouvelle étape de son animation du réseau qui doit se faire au plus près des territoires et des entreprises.
La réussite de la pomme et de la poire en France peut s’optimiser par des échanges plus soutenus entre les entreprises. Un benchmark permanent est source de dynamisme en ce qu’il stimule chacun et précipite souvent des stratégies d’alliances utiles. Année après année il me semble que le mouvement s’accélère.
La pomme française est pour près de la moitié de la production en frais tournée vers l’exportation. Si d’autres pays ont pris notre leadership international depuis 2000, nous maintenons à peu près notre volume exporté entre 600 et 700 000 tonnes. Le premier pays exportateur n’atteint pas le million de tonnes. En tout cas, nous sommes toujours le pays de l’hémisphère nord qui exporte le plus gros pourcentage de sa récolte.
Nous sommes donc impliqués et motivés comme jamais pour tout ce qui touche à l’ouverture des marchés et à la négociation des protocoles phytosanitaires. Avec l’Etat, l’administration, Interfel et les agences partenaires comme l’AFRAA pour la Russie ou le CAFC pour la Chine. Si nous avons encore bien souvent une longueur d’avance sur nos partenaires européens, il faut savoir que la compétition s’accélère depuis l’embargo russe avec nos collègues Polonais d’abord, mais aussi Italiens ou allemands. Puisque la particularité qu’il faut sans cesse rappeler c’est que si l’entrée en Europe se fait pour tout le marché unique, l’exportation se négocie toujours pays par pays. La fameuse EU « single entity » n’est pas pour demain. C’est donc un handicap de plus pour les pays européens que de devoir négocier avec le pays qu’ils veulent atteindre sans avoir de compensation à offrir. Puisque cela, ils l’ont concédé à la Commission.
Si nombre de destinations restent prometteuses en Asie, au Moyen Orient ou en Afrique, voire aux Amériques, la diminution des importations en Algérie est problématique. Tout comme la baisse sévère de la livre pour le Royaume Uni et le Brexit à venir. Pour la première fois l’an passé l’Espagne est devenue notre premier marché extérieur devant le Royaume Uni.
Sous la pression de la Pologne dont la production a vocation à croître nettement encore, sous la pression de l’Italie plus sensible à l’embargo et aux difficultés de l’Egypte, de la Lybie et de l’Algérie, le marché européen qui représente encore 70% de nos exportations se tend.
La pomme française a connu de fiers succès avec la marque Le Crunch au Moyen Orient mais aussi en Asie. Des programmes de communication pour des opérations avec la distribution qui habillaient les rayons avec un marketing de la marque qui faisait écho au stickage des pommes ont forgé cette réussite. Des contrôles à l’expédition apportaient aussi une certaine garantie du respect du cahier des charges.
La donne change. Le respect du cahier des charges est sous la seule responsabilité des opérateurs. Et le marketing sous contrainte des règles européennes ne peut plus mentionner de manière ostentatoire la marque Le Crunch.
Le prochain programme de promotion pour les marchés extérieurs, s’il peut être obtenu, doit être principalement aux couleurs de l’Europe et par ruse symbolique seulement à celles de la France. Mais pas trop. En revanche la marque Le Crunch atteint à peine le seuil de visibilité.
Autant dire que la stratégie antérieure de l’association le Crunch va évoluer profondément. Si la marque est précieuse et a vocation à être maîtrisée parfaitement par ceux qui veulent la faire vivre et l’utiliser, les programmes de communication, s’ils peuvent être obtenus, pourront difficilement justifier que seule cette marque soit concernée.
Et pour le cas où aucun budget ne serait accordé par l’Europe, il y aura lieu de préciser quelle stratégie d’appui l’ANPP doit avoir auprès d’Interfel et des entreprises pour garder une vigilance collective à l’accès aux marchés par la présence sur les salons et auprès des autorités nationales.
Pour ce qui concerne la présence de l’ANPP aux côtés des autres pays producteurs et exportateurs, il est à noter que la présidence française de la World Apple and Pear Association qui s’achèvera en février 2017 aura permis d’accueillir la Chine au sein de l’association. De même qu’il a pu être engagé un travail d’évaluation des méthodes statistiques en vigueur dans chacun des pays membres. De par la qualité de son secrétariat et des synergies avec Freshfel, WAPA nécessite une implication forte et approfondie de l’ANPP.
Entre 15 et 20% de nos fruits sont destinés à la transformation en compotes, jus ou autres fabrications. C’est une spécificité française que de rechercher une valorisation meilleure des fruits destinés aux compotes. Au fil du temps la volonté conjointe des producteurs et des industriels a permis de promouvoir une contractualisation sur la campagne d’une partie des fruits. Le but étant de planifier les livraisons et de motiver par des prix connus à l’avance l’organisation du stockage. Les modalités de cette contractualisation évoluent. Une plus grande segmentation de l’offre s’est faite jour depuis peu. Le renoncement à un accord collectif uniforme en est la cause. La vie de l’Afidem s’en trouve profondément chamboulée. Il est quand même apparu une volonté très claire de faire vivre un dialogue interprofessionnel associé à une production solide de données économiques. Cependant, avec l’évolution des pratiques contractuelles, c’est le financement de l’association qui est à revoir. Les mois qui viennent devront apporter une solution à cette mutation.
Tout notre environnement bouge. A commencer par le CTIFL désormais financé par la CVO et donc sous pilotage et cohérence interprofessionnelle plus marquée. Dans le même temps l’avenir des centres d’expérimentation professionnels est à l’étude avec la baisse des financements en toile de fond.
Sur ce chantier comme sur de nouveaux modes de fonctionnement au CTIFL et à INTERFEL, l’ANPP soit directement, soit au travers de GEFEL doit être très impliquée.
Notre cohérence avec le syndicalisme doit encore s’améliorer et nous étudions les moyens à mettre en œuvre pour renforcer notre coopération sur les actions que nous pouvons conduire en synergie.
La lutte économique est féroce. La réussite économique des arboriculteurs et de leur OP nécessite d’être à l’optimum de pertinence et d’efficacité dans tous les domaines. Chacun de nous est en cela très fragile. Le syndicalisme est là pour tenter à nos côtés de desserrer l’étau.
Notre implication dans Forum Phytos est réaffirmée aux côtés des autres partenaires. Un nouveau président a été élu en la personne de François Lafitte. Un secrétaire général a été nommé. Il s’agit de Jean Charles Bocquet. Il reste maintenant à réussir à plus ou moins courte échéance le remplacement de la cheville ouvrière, Jean François Proust qui aimerait faire valoir ses droits à la retraite.
CNT, CNFO et FAM importent à chacun de vous et nécessite que nous soyons très présents dans ces instances pour y porter vos revendications et vos attentes.
J’ai dit au début de ce rapport que l’année clôturée était une année charnière. Celle qui vient doit l’être tout autant. Après ces dix années et une sorte de premier aboutissement, il sera temps que je laisse la place à un nouveau leader pour une nouvelle étape du projet de l’ANPP.
L’appel à candidature est lancé. Et je n’aurai aucune peine à faire la promotion de ce mandat que je considère être celui qui m’a le plus passionné tant il a été riches d’expériences et d’échanges avec vous tous.
Ma tâche est devenue de plus en plus facile grâce à l’implication des membres du bureau, Béatrice, Louis Luc, Jean Marie, Guillaume, Christophe, Albert et Robert Pierre. Je les remercie infiniment de leur dévouement. Et puis c’est tout le conseil d’administration qui au fil du temps s’est conforté et a impulsé une dynamique. Tout comme les participants aux commissions, groupe stratégie y compris.
Ce qu’il faut aussi souligner très fort, c’est que l’ANPP bénéficie d’une équipe très solide. Un directeur de talent adapté à la complexité du rôle, Josselin. Et une équipe tout aussi talentueuse et dévouée à notre cause. Sandrine, Régine, Martine, Oumou, Vincent, Pierre et depuis peu Xavier qui vient renforcer la démarche qui identifie notre engagement collectif, Vergers écoresponsables.
On peut les applaudir très fort.
Merci de votre attention.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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