29 Mai 2016
Alain Rousset aime à rappeler lors des séances plénières du Conseil Régional son goût pour la pêche à la truite dans les gaves pyrénéens du Béarn. Une façon bien à lui de faire des ronds dans l’eau pour calmer le torrent des échanges quand ils menacent d’éclabousser sur les deux rives de l’amphi. Souvent aussi pour tenter de noyer le poisson et détendre l’atmosphère orageuse après que tel ou tel dans l’hémicycle ait jeté le bouchon un peu loin.
Vendredi dernier, les élus régionaux étaient donc invités à débattre du budget et à le voter. C’est-à-dire, ni plus ni moins que 2.8 milliards d’euros de recettes et de dépenses à examiner à la loupe des orientations politiques des forces en présence.
Comme il fallait s’y attendre, ce premier budget de l’Aquitaine XXL a pu être approuvé sans grande difficulté par la majorité rose, rose pâle et verte. Et ce, malgré l’opposition du Modem, de l’UDI, de Les Républicains et du Front National.
Pour autant, les commentaires sont allés bon train toute la journée et jusque tard dans la soirée, puisqu’il a fallu attendre 23 heures pour que les plus endurants d’entre nous fassent honneur au généreux buffet qui les attendait avant de repartir dans leur chaumière plus ou moins lointaine.
Que faut-il retenir rue de Sourdis de ce 27 mai 2016 autre que la date anniversaire de la bataille de Verdun ?
Sans doute qu’il y a lieu de s’interroger sur les règles qu’il faudrait adopter pour calibrer la longueur des interventions sur les bancs de l’hémicycle. La vie démocratique nécessite que les débats puissent être nourris évidemment. Mais pas au prix d’interminables prises de paroles dont l’intérêt et l’efficacité sont presque toujours inversement proportionnels à la durée.
C’est en sachant cela que je me suis obligé à une concision extrême pour ma première prise de parole dans cette assemblée. La plus courte de la journée il me semble. Au chapitre des Fonds européens, j’ai souhaité rebondir sur la volonté d’Alain Rousset réaffirmée le matin même de ne pas opposer les agricultures entre elles pour demander qu’elle s’applique à l’accès aux fonds FEADER pour les plantations arboricoles de noyers, noisetiers, pruniers, châtaigners, kiwis, pommiers et poiriers. A ce jour seules les plantations qui s’inscrivent dans le cahier des charges de la production biologique peuvent compléter l’aide nationale de France Agrimer avec une subvention du FEADER. Pour remédier à cette situation qui a déjà privé de plus d’un million d’euros une arboriculture particulièrement dynamique, il est nécessaire de modifier une mesure du PDR (plan de développement rural) à mi-parcours du programme 2014 2020. Je sais que ce message est déjà bien entendu par le vice-président à l’agriculture, Jean Pierre Reynaud et j’ai bon espoir que la volonté affichée par le président soit suivie d’effets. Ce n’est évidemment qu’un exemple de cette segmentation manichéenne entre l’agriculture biologique et les autres itinéraires de production vertueux qu’il convient de faire cesser.
Qu’il serait bienvenu en revanche que Jean François Macaire qui a présidé la Région Poitou-Charentes vienne s’expliquer devant l’assemblée sur sa très mauvaise gestion précédente. Tout comme il est attendu impatiemment la nomination d’un Vice-Président aux finances pour le remplacer.
Que la composante verte de la majorité s’est fait tancer par le Président après avoir trop nettement développé plus que des réserves sur nombre d’orientations politiques traduites dans ce budget.
Que la fusion des trois régions n’est pas prête de se traduire par des économies d’échelle dans son fonctionnement, bien au contraire même dans un premier temps.
Que malgré les critiques quelquefois acerbes dont il a fait l’objet, le Président semble vouloir respecter à la lettre l’esprit de la loi NOTRe sur la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivité. La fin du FRIL et des Nuits Romanes est confirmée. Il en sera ainsi à terme pour les routes qui bénéficient encore en Poitou-Charentes et en Limousin de budgets régionaux. Le chèque livre qui bénéficiait à tous les foyers indépendamment de leur niveau de ressource est lui aussi supprimé. Il est doublé en revanche sous condition de ressources pour les élèves entrant en seconde.
Que les automobilistes de Poitou-Charentes vont à leur tour payer la TICPE comme ceux du Limousin et d’Aquitaine. Qu’en revanche les jeunes n’auront plus à payer la taxe sur les permis de conduire.
Qu’au total les dépenses prévisionnelles des trois anciennes régions consolidées augmentent de la moitié de l’impact des 200 millions nécessaires au rattrapage du retard pris en Poitou-Charentes.
Peut-être faut-il rappeler aussi que nous avons débattu toute une journée sur un budget primitif en le comparant à celui de l’année précédente. Puisque nous ne disposons pas encore du compte administratif clos. Une prévision de recettes et de dépenses évaluée par rapport à une autre prévision qui depuis a donné lieu à exécution. Mais on ne sait pas laquelle. Ne parlons évidemment pas du bilan et du compte de résultat dont je ne sais même pas s’il est envisageable d’y avoir accès. Cela donne à mon sens une touche un brin surréaliste à beaucoup de nos échanges de cette journée.
A l’heure où nous parlons beaucoup d’audit précis de la situation patrimoniale de la Région et de la sincérité des budgets, il me semble qu’un autre audit serait bien plus nécessaire encore. Celui qui permettrait une analyse organisationnelle précise de l’ensemble des services de la Région au regard de ses compétences.
Je soutiens ce minimum syndical de la réforme territoriale qui consiste à ce que chaque collectivité se limite à son champ de compétences. C’est la seule façon de diminuer les pertes en ligne de l’argent collecté auprès du contribuable. Pertes que l’on déplore dès lors que l’impôt doit passer par plein de canaux différents pour servir le même objet. Mais c’est aussi ce qui est le moins admis par chaque niveau de collectivité qui promet l’effondrement des investissements publics ou du développement économique si on ne lui autorise pas à se mêler de tout.
Il est pourtant simple à comprendre qu’avec une même somme collectée il y aura plus de volume d’action à la fin des fins si la part retenue pour l’ingénierie administrative et politique est plus faible. Ce que l’on obtient en diminuant le nombre d’intervenants. Le plus spectaculaire devant être constaté le jour de l’inauguration où moins d’élus ont à se presser derrière le ruban à couper. Image qu’a reprise Alain Rousset plusieurs fois.
Comme la fois précédente, la fin de séance a donné lieu à un débat complémentaire très intéressant. Cette fois-ci, c’est une motion de la majorité pour que la Région se déclare hors TAFTA qui l’a motivé. Mathias Fekl, conseiller régional mais aussi secrétaire d’Etat au commerce extérieur et au tourisme a fait l’explication de texte de son action auprès de la commission européenne pour que cet accord transatlantique soit équitable. Ce qu’il menace de ne pas être compte tenu de ce que nos amis américains n’ont pas vraiment le sens de la nuance. Labels qualité et appellations d’origine ne trouvent pas grâce à leurs yeux. Ils ne reconnaissent que les marques, comme par exemple Coca Cola, mais pas vraiment le pruneau d’Agen issu seulement de son terroir d’appellation.
Si en tant que secrétaire d’Etat il n’a pas pris part au vote, il était évident qu’il validait les termes de la motion. Enfin jusqu’à ce que Joan Taris du Modem dise s’opposer au principe d’exclure un territoire de la République de l’application d’une loi française ou européenne dès lors qu’elle est adoptée. Ce qui n’empêche évidemment pas de partager la volonté de défendre les intérêts de la France dans les négociations qui sont en cours.
La motion a été adoptée. Pour ce qui me concerne j’ai voté contre pour les même raisons que celles évoquées plus haut.
Pour l’anecdote, j’ai découvert que l’on peut aussi s’enquiller un embouteillage de nuit à Bordeaux pour repartir en Charente. Le pont d’Aquitaine étant fermé, j’ai du emprunter le petit dernier Chaban Delmas après une bonne demie heure à avancer pas à pas pour l’atteindre.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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