17 Décembre 2017
C’est le type même de délibération au Conseil Régional qui ne mange à priori pas de pain polémique. Après tout, demander à l’Europe de maintenir son effort budgétaire au profit de la Région Nouvelle Aquitaine, mais aussi des autres régions d’Europe, ne peut faire que consensus chez les bénéficiaires.
Pourtant, quand on y regarde de plus près, c’est à un appauvrissement supplémentaire insidieux des contribuables auquel on nous invite. Ou tout au moins à un bien faible rendement de leur argent.
Par peur du vide et en totale dépendance au système, il faut coûte que coûte continuer à faire vivre un système kafkaïen de circulation de l’impôt dans des canalisations rouillées interminables et son pilotage administratif et politique lourdingue bien qu’en apesanteur absolue.
Malgré un rendement assez ridicule de l’argent prélevé au contribuable au regard des finalités recherchées, il faut à tout prix que le système perdure. Même si cela doit une fois de plus affaiblir encore un peu plus celui dont on jure servir les intérêts.
Au pays de Frédéric Bastiat, pourfendeur libéral des fausses évidences en économie et des ruses politiques pour entretenir l’illusion, c’est ici aussi la logique absurde des Shadocks qui semble l’emporter.
Je vous joins la délibération in extenso pour que vous puissiez apprécier par vous-mêmes les nobles intentions affichées et l’autorité sémantique utilisée pour vous faire payer plus d’impôts et continuer de vous aider tout en œuvrant à la cohésion de l’Europe.
Le tour de force de cette prestidigitation politique, c’est de laisser entendre que les 20% de recettes supplémentaires viendraient d’ailleurs et d’on ne sait où. De transactions financières ou autres spéculations à mauvaise presse peut-être ?
Mais comme le rappellent utilement les libéraux quand on met un impôt sur les vaches ce ne sont pas les vaches qui paient.
Voilà donc l’intervention que je me propose de faire entendre en votre nom demain lors de la séance plénière rue de Sourdis.
Monsieur le Président,
Vous nous invitez à faire savoir à la Commission Européenne et à l’Etat français notre attachement à la politique européenne de cohésion économique, sociale et territoriale.
Cette politique est à ce jour menacée par un budget en diminution en raison du départ du Royaume Uni qui est l’un des quatre plus importants contributeurs net au budget européen.
Cette politique est menacée également par de nouvelles priorités budgétaires pour l’Europe. Elles concernent la maîtrise de ses frontières extérieures, les migrations auxquelles elle fait face, la défense et le climat.
Compte tenu de cette nouvelle donne et pour pouvoir poursuivre cette politique de cohésion vous demandez à la Commission de faire passer le budget de 1% à 1.2% du Revenu National Brut de l’Union Européenne. Et pour moins dépendre des budgets nationaux, vous préconisez que cette augmentation se fasse par de l’impôt européen, sous une forme qui reste à définir.
Comme vous nous le rappelez, La Région Nouvelle Aquitaine perçoit au titre de la politique de cohésion pour la période 2014-2020 près de 2.5 Mds d’euros, soit en moyenne 360 millions par an.
Avec un Revenu Régional Brut de 160 Mds, les contribuables de la Nouvelle Aquitaine, pris dans leur globalité, participent annuellement à hauteur d’1.6 Mds au budget européen. L’augmentation de 20 % qui est proposée correspond donc pour eux à un effort supplémentaire de 320 millions d’euros.
C’est à peu près le même montant et le même pourcentage que le retour que nous percevons à ce jour sur notre contribution à l’UE au titre de la politique de cohésion.
Compte tenu des finalités locales des interventions de l’UE dans notre Région comme ailleurs, au titre de la politique de cohésion, on peut se demander s’il est bien efficace pour investir ici de faire passer par le budget européen encore plus d’argent du contribuable de Nouvelle Aquitaine.
D’autant plus quand vous nous faites l’inventaire impressionnant de tout ce qui ne fonctionne pas dans la mise en œuvre concrète de cette politique. Vous nous dites même que « la complexité de la mise en œuvre des programmes fait bien souvent perdre le sens de l’action publique ». Une déclinaison sémantique de plus pour dire que tout cela est une usine à gaz qui participe à la fois du réchauffement climatique et du refroidissement du sentiment européen.
Au moment où ça coince budgétairement, plutôt que de proposer à l’UE de créer un impôt supplémentaire et d’en appeler à une profonde refonte du fonctionnement actuel, n’est-il pas préférable de se rappeler qu’il existe un principe européen fondateur de subsidiarité qui privilégie l’autonomie des territoires et l’action au plus près de là où elle est légitime à être conduite.
Les circuits courts ne valent peut-être pas que pour l’agriculture monsieur le Président. Ils ont du sens également pour le prélèvement et l’utilisation de l’argent du contribuable aquitain. Pour agir localement, le passage par un trop grand nombre d’intermédiaires politiques et administratifs, comme vous le décrivez parfaitement dans cette délibération, est-il vraiment injustifié. J’ai la conviction que non.
On peut légitimement penser que Notre Région Nouvelle Aquitaine, plus grande qu’un pays comme l’Autriche et qui compte près de 6 millions d’habitants, a vocation à prélever et à utiliser localement les moyens qui lui semblent nécessaires pour soutenir l’innovation, l’inclusion sociale, la transition énergétique, l’aménagement du territoire, tout comme le soutien à une agriculture, une pêche ou une aquaculture durables et compétitives.
La péréquation par l’impôt et l’homogénéisation forcée du développement à l’échelle des 28 pays de l’Union Européenne est à l’expérience assez illusoire.
En revanche, l’action directe de l’UE sur tout ce qui relève de ses missions régaliennes est plus que jamais nécessaire et justifie pleinement la contribution du contribuable aquitain comme de celui des autres régions d’Europe.
A l’heure monsieur le Président où la France détient le record des prélèvements obligatoires en Europe et où nous devons entreprendre une désescalade salutaire, il me semble que cette délibération va à l’envers du sens de l’Histoire et je propose de voter contre.
Cette position n’est pas forcément celle de mon groupe et chacun votera donc selon ses convictions propres.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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