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Les Républicains, « gardez-vous à droite, gardez-vous à gauche ».

660 ans après la bataille de Poitiers, je me demande si la tactique hasardeuse du roi Jean II, dit Le Bon, qui l’a fait prendre par le Prince Noir, ne trouve pas un lointain écho avec la proposition du plan républicain pour l’emploi évoqué par Jean Pierre Raffarin, dit l’humaniste libéral, dans le Monde daté du 17 décembre. Au lieu de conjurer la perspective bien noire de l’arrivée au pouvoir du Front National, cette ébauche de recomposition politique dans l’esprit de Poitiers ne promet-elle pas bien au contraire d’en accélérer l’avènement ?

Parce qu’enfin, que je sache, François Hollande et Manuel Valls ont tous les moyens de majorité nécessaires pour agir et mettre en œuvre leur politique. Et ils ne se privent pas quand ils le souhaitent de prendre des idées à droite et même au-delà pour gouverner. Ils ont donc toute latitude depuis qu’ils sont au pouvoir et pendant un an et demi encore pour peaufiner une stratégie de développement de l’emploi. L’opposition quant à elle est parfaitement libre d’exposer ses idées et ses propositions alternatives devant le peuple et rien ne l’empêche de soutenir les mesures gouvernementales qui lui semblent pertinentes. Malgré les scores élevés du Front National aux élections régionales, les institutions ne sont heureusement pas en panne. Chacun à la place qui lui a été donnée par l’électeur peut agir.

Alors, qu’est-ce qui peut bien justifier un programme commun contre le chômage soutenu du Parti Socialiste jusqu’à Les Républicains? Quelles idées nouvelles auront-ils ensemble qu’ils ne réussissent à avoir seul ? Quelles décisions chocs savent-ils qu’il faut prendre qui ne puissent être mises en œuvre qu’avec le soutien du camp d’en face, et ce malgré la majorité suffisante dont dispose le gouvernement pour agir ?

Voyons ce que nous dit JPR dans la fameuse interview dans le journal daté du lendemain dont l’anticipation est forcément le quotidien. « L’opposition devrait soutenir le gouvernement sur un projet ambitieux. Pour cela, Manuel Valls devrait associer l’opposition à l’élaboration des mesures destinées à faire reculer le chômage. Ce sujet doit réunir l’ensemble de la classe politique pour que l’on mette en œuvre « un plan républicain pour l’emploi » dès le mois de janvier 2016, avec un développement de l’apprentissage, des facilités pour les investissements dans les entreprises, un vrai allégement des complexités ». 

Manuel Valls d’un twitt a dit chiche et le patron des patrons Pierre Gattaz a renchéri en chœur dans un cri: « ça fait trop longtemps que le chômage n’a pas été réglé. Je pense que là, il faut qu’on ait un électrochoc. Ça urge. Il faut absolument recréer de l’emploi et il faut le faire de façon trans-partis politiques ». Le radieux de chez Radiall s’enflamme et ajoute : « il faut que sous un mois, un mois et demi, on ait mis sur la table des propositions et que tout le monde ait contribué, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par le parti socialiste, Les Républicains, les partenaires sociaux ». Alléluia.

Et c’est Bernard Tapie aujourd’hui qui annonce dans le Journal du Dimanche son retour en politique pour lutter contre le Front National. Il va proposer lui aussi dès le mois de janvier un plan pour rendre illégal le chômage des jeunes. Le grand plan social à Pôle Emploi est pour bientôt…

Mettons nous un instant à la place d’un chômeur, d’un électeur du Front National ou de ma cousine Berthe. Que peuvent-ils bien penser en entendant cet appel au sursaut patriotique et républicain contre le chômage ? Qu’il suffit en fait de quelques mesures simples connues depuis des lustres pour inverser la progression insupportable du chômage. Et que c’est la faute aux jeux politiques pervers auxquels se livrent la flopée d’élus de tous bords si on n’arrive pas à agir et à enrayer la catastrophe. M’est avis que quelques soient les résultats du fameux pacte républicain pour l’emploi, c’est du côté du Front National que les recrutements vont aller bon train.

Il y a sans doute une autre explication à la proposition de JPR que l’on peut rapprocher aussi des déclarations cette semaine de Xavier Bertrand, Christian Estrosi ou Nathalie Kosciusko-Morizet. Le Front National progresse et peut à son tour arriver au pouvoir avec ces mêmes institutions de la cinquième république qui jusque là conduisent à gouverner plutôt vers le centre. Les problèmes du pays, chômage en tête, deviennent tels que l’exaspération qui ne cesse de monter finira par rendre trop minoritaires pour gouverner l’un et l’autre camp au profit des extrêmes et d’abord du FN. Il faudrait donc se préparer à réunir largement du centre gauche au centre droit pour réussir à l’emporter dans les urnes et garder le pouvoir. En espérant que cette réunion de modérés conduise enfin le pays sur la voie du redressement. Puisque, en cas d’échec les électeurs n’auraient alors plus que le FN vers qui se tourner.

L’inquiétude est légitime. Le danger est réel. Mais la stratégie du Front Républicain à mon sens n’est vraiment pas convaincante.  Elle n’est rien d’autre me semble t-il  qu’une tactique qui révèle en creux une incapacité à penser les évolutions structurelles nécessaires pour notre pays et au delà, à agir pour les mettre en œuvre.

Qui peut imaginer que le chômage puisse se résorber par un jeu d’aides aux entreprises du type CICE, amortissements exceptionnels Macron sur les investissements ou autres allègements de charges qui nécessitent autant de prélèvements sur les mêmes entreprises ou sur les particuliers pour compenser les recettes manquantes ? Comment croire qu’un changement de cap sur l’apprentissage va produire rapidement des effets ? Et pourquoi alors que l’on ne cesse de répéter qu’il faut simplifier les règles, elles ne cessent de se durcir à l’insu du plein gré de tous ceux qui nous annoncent le contraire?

Ce n’est pas d’un pacte républicain de mesurettes de surface dont nous avons besoin. C’est d’un projet politique d’ensemble cohérent qui aborde toutes les facettes du système complexe qui est le nôtre et qui au fil du temps s’est grippé.

Depuis l’organisation territoriale du pays en mutation vers on ne sait où, l’enchevêtrement des pouvoirs locaux et de l’Etat comme des circuits de collecte d’impôts, de taxes et des allocations budgétaires, l’inefficacité contre productive de l’Europe et de ses budgets, la surproduction normative et réglementaire, le record de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques, la permanence des déficits avec l’augmentation corrélative de la dette, l’éducation et la formation, tout participe des mauvais résultats de la France.

Il n’est de mesures efficaces contre le chômage qui ne s’inscrivent dans un projet global de moyen à long terme qui englobe tout ce qui constitue la politique d’un pays. C’est dans l’élaboration du projet qu’il faut mettre de l’énergie à droite comme à gauche en tendant si possible vers un tronc commun de quelques principes essentiels de structuration. Et c’est la pédagogie pour expliquer le projet qui doit être le quotidien de tous les politiques pour rechercher l’adhésion la plus large des citoyens.

Que de temps perdu à se payer de mots plutôt que d’agir. Ne laissons pas croire qu’il faut ajouter d’autres mesures aux mesures existantes pour améliorer la situation de l’emploi. Ce sont d’abord des verrous qu’il faut courageusement faire sauter. Mais c’est surtout l’efficacité publique qu’il faut améliorer nettement tout en redonnant plus d’autonomie et moins d’assistance à chaque citoyen. Baisser la dépense publique quand elle concerne de l’aide directe aux particuliers ou aux entreprises ou en limitant les financements croisés entre collectivités, Etat ou Europe, c’est baisser bien plus les prélèvements obligatoires, parce que ce sont des pans entiers de l’administration et de l’activité politique qui tombent en même temps. C’est en allant dans cette direction que nous retrouverons de la croissance et de l’emploi en même temps que les ressources nécessaires pour assurer les fonctions régaliennes de l’Etat. 

C’est pour tout cela que toute cette semaine chez Les Républicains j’étais bien plus Le Maire, Fillon, Juppé voire même Sarkozy dans le texte que Raffarin, Bertrand, Estrosi ou NKM. Mais si j’dis ça, je casse mon image d’humaniste libéral sans doute. Ce qui est dommage à mon âge évidemment. Sauf à considérer que défendre une stratégie politique rationnelle qui vise à améliorer la situation du pays et aller vers le plein emploi permet de s’en revendiquer pile poil aussi et même plus encore.  

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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