2 Janvier 2016
Il est toujours bien présent à mon esprit ce temps de l’enfance pourtant trop lointain quand notre fratrie partait de bon matin le 1er janvier souhaiter la bonne année de porte en porte dans le village, puis à toute la famille, en voiture, avec père et mère. Et tout cela presque sans quitter les limites de la petite commune du Tâtre, ses joies, ses peines et sa modeste actualité. Le jour de l’an était plein de vœux, de rêves, d’insouciance, de chocolats et d’étrennes, à l’abri de la fureur du monde.
Mon village est devenu planétaire depuis. Avec un smartphone, une tablette ou un ordinateur, à la condition quand même d’être au bout d’un fil de cuivre pas trop rongé ou sous de bonnes ondes pour le micro, il est possible d’adresser ses vœux à chaque habitant de la terre « bleue comme une orange » (métaphore politique d’Eluard ou message publicitaire prémonitoire?). C’est ce que je fais en ce moment, confortablement installé derrière mon écran, l’œil sur mes livres comme sur le pin parasol du jardin. Immobile et pourtant surfant sur les réseaux, j’adresse à la cantonade avec Dac sinon tact mes « bons baisers de partout ».
Ce blog notes hébergé par Overblog fête pile poil ses dix ans aujourd’hui. Avec l’aide plus récente de Twitter, Facebook ou Linkdl, il me relie presque intimement à chacun de vous. J’ai tant rêvé de ce monde libre connecté que je l’apprécie de plus en plus sans réserve. Parce que comme les autres formes de commerce, ces échanges qui se développent entre les individus sont porteurs de paix et font tomber les frontières inutiles.
Ces mêmes outils formidables donnent malheureusement aussi des moyens redoutables à toutes les régressions et perversions qui sévissent un temps avant que la majorité bienveillante de l’humanité ne décide d’y mettre un terme. « Ce qui permet au mal de prospérer c’est l’inaction des hommes de bien » disait Edmund Burke. L’année 2015 nous a rappelé douloureusement cette implacable réalité.
Commencée dès les premiers jours par un massacre contre la liberté d’expression et les juifs, elle s’est terminée sous les balles et les bombes des mêmes fanatiques islamistes en plein cœur de « la vie bonne » à Paris.
Impossible de débuter cette année 2016 sans avoir une pensée émue pour celles et ceux qui en janvier à Charlie Hebdo comme à l’Hyper Casher de Montreuil, puis en novembre au Bataclan et dans les bars alentours sont tombés sous la grenaille aveugle de morts vivants décervelés qui se revendiquent islamistes. J’ai cette pensée aussi pour tous ceux qui dans le monde ont connu le même effroyable destin, quels qu’en soient les auteurs. Et ils sont nombreux.
Les journalistes du Monde ont entrepris d’enquêter dès le soir du 13 novembre pour découvrir qui étaient les victimes du massacre afin d’agrafer sur un mémorial la photo de chaque visage ainsi que quelques mots pour évoquer la vie fauchée. Le résultat est infiniment bouleversant. Je vous invite à lire chaque portrait et ce que disent de ce mémorial deux des auteurs, Sylvie Kauffmann et Aline Leclerc.
La folie de cette boucherie a révélé aussi cet autre regard que nous pouvons avoir sur chaque personne qui nous entoure. Parce que cette photographie des 130 martyrs, c’est aussi celle de la France aujourd’hui. Un même regard bienveillant sur la beauté et les talents de chacun mériterait d’être bien plus notre quotidien. C’est à mon sens ce à quoi invite aussi ce Mémorial du Monde.
Voilà donc 2016 qui commence. Quels bons vœux et quelles bonnes résolutions faut-il donc formuler?
J’ai écouté hier soir ceux du Président de la République. Le diagnostic de départ sonne comme une évidence : 2015 est une « annus horribilis » et 2016 bien incertaine au regard de la menace terroriste.
Alors il faut se donner les moyens de faire face et bétonner dans la constitution la légitimité de l’état d’urgence. Pourquoi pas. Mais l’analyse juridique qui sous-tend cette proposition mériterait d’être quand même plus clairement expliquée pour que l'on en perçoive bien la nécessité.
Et puis il y a la déchéance de nationalité pour ceux qui, même nés français, mais avec une seconde nationalité, seront condamnés pour des actes de terrorisme contre la France. Malgré la bronca à gauche et un peu au centre et à droite, François Hollande a confirmé hier soir sa volonté d’inscrire cette disposition dans la loi fondamentale comme il l’avait annoncé à Versailles. Mesure symbolique autant qu’inefficace disent certains. Et pour ce qui est du symbole, c’est du côté des français de naissance binationaux que l’on ressent une rupture d’égalité avec les autres français. La République ne serait ainsi plus une et indivisible. Sauf que le Conseil Constitutionnel dit que la disposition peut être inscrite dans le texte. Qui croire ? Ceux aussi qui redoutent ce que pourrait en faire une majorité issue de Front National ? Ou bien encore les analystes qui y voient une manœuvre tactique pour le Président qui a besoin d’une approbation par la droite de sa révision de la Constitution ?
Pour ce qui me concerne, que l’on pourrisse la vie de ceux qui se rendent coupables comme au Bataclan de tueries ne m’inquiète pas vraiment, comme il ne devrait à mon sens pas troubler les binationaux qui n’envisagent pas de les imiter.
Mais pour des questions aussi essentielles on aimerait que seul l’intérêt supérieur du pays motive la proposition. Et que l’on ne modifie pas le texte constitutionnel si cela n’apporte rien d'absolument nécessaire et surtout pas un pur symbole.
L’autre état d’urgence décrété par le chef de l’Etat concerne l’économie du pays et l’emploi. Quasiment unique exemple en Europe, notre chômage ne cesse d’augmenter quand il décroit partout ailleurs, jusqu’au seuil du plein emploi en Allemagne, au Royaume Uni comme aux Etats Unis.
C’est le moment des vœux, même pieux. Alors c’est reparti pour le énième plan de formation, de relance de l’apprentissage et d’aides à l’embauche dans les petites entreprises. Avec en bonus une simplification du code du travail qui promet d’être assez imperceptible si l’on en croit ceux qui travaillent sur ce dossier.
Evidemment il est demandé avec insistance aux entreprises d’être citoyenne, ce que l’on sous-entend qu’elles ne sont pas assez. Pour ce qui le concerne, dès lors qu’il a rappelé que la lutte contre le chômage est son combat de tous les instants et qu’il fait des annonces, le Président considère qu’il a fait sa part.
Comme si l’emploi n’était pas la résultante du fonctionnement de la société toute entière, de son administration, de ses lois, règlements, fiscalité, de son éducation et formation et de sa stratégie d’infrastructures et d’équipements. Là où l’organisation du pays tout entier est à réformer, François Hollande annonce quelques carottes censées faire avancer un peu plus vite un secteur productif qui n’en peut mais tant il croule sous les contraintes. Tout l'art politique étant par dessus le marché de faire payer lourdement les carottes à ceux à qui on les redistribue amaigries à la chichette.
L’état d’urgence en matière de sécurité comme son nom l’indique doit permettre de parer au plus pressé en se libérant de contraintes qui limitent l'efficacité. En matière d’économie et d’emploi en France, l’urgence c’est de changer durablement de timonier et de politique.
Le soutien à la croissance lié aux trois jours travaillés en plus en 2016 grâce aux jours fériés qui se superposent aux dimanches déjà chômés, combiné avec les effets de quelques mesurettes, de taux d’intérêts faibles, d’un euro presque à parité avec le dollar et de pétrole abordable conduira t’il aux créations d’emplois nécessaires pour légitimer en 2017 une nouvelle candidature Hollande ? Nous serons malheureusement loin du compte pour la France mais près peut-être de celui tant attendu par le candidat à sa réélection.
Sur une proposition d’ATD Quart monde, une loi a été votée qui permet quelques expérimentations pour des territoires « zéro chômeur de longue durée ». Le raisonnement mis en avant qui a permis l’accord unanime des députés de tous bords est le suivant. Nombre de chômeurs n’ont plus les critères d’employabilité attendus par le marché du travail et sont condamnés durablement au chômage. Pour autant, même avec de faibles indemnités, compte tenu du prix de leur protection sociale et des assistances diverses qu’il faut leur apporter, leur coût est élevé. Pourquoi alors ne pas mobiliser ces moyens pour réinsérer ces chômeurs de longue durée dans une activité qui soit clairement du travail, mais hors du champ concurrentiel puisqu'elle sera presque entièrement subventionnée. Des entreprises conventionnées seront créées sur ces territoires pour permettre cette mise à l’étrier de personnes qui redeviendront ainsi par la suite employables.
Un porteur de projet extrêmement volontaire est venu me voir pour élargir ses soutiens pour une candidature « territoire zéro chômeur de longue durée » centrée sur Barbezieux. Dès lors qu’une telle volonté s’exprime, il faut nécessairement la soutenir et tenter de faire retenir son territoire pour mener l’expérimentation bien sûr.
Mais pour ce qui me concerne, je souhaite bien plus m’attaquer aux racines du mal que d'en soigner ses effets à l'infini. Parce que l’ensemble du dispositif « zéro chômeur » démontre cruellement que l’on connait les causes du chômage. Mais plutôt que de desserrer le cadre à l’entrée sur le marché du travail de personnes peu qualifiées, les députés valident froidement en creux tout ce qui leur en ferme l’accès.
L’unanimité derrière l’expérimentation « territoires zéro chômeur » n’a rien de rassurant à mon sens, puisqu’elle témoigne dans le même temps d’un large renoncement à remettre en cause les dogmes qui excluent tant de nos concitoyens du monde du travail. Salaire minimum, durée du travail, tout ce qui permet de mettre en cohérence la productivité avec le coût de revient sert l’objectif du plein emploi qui doit être le nôtre. Le soutien au revenu du salarié, le temps que ce dernier acquière au sein de l’entreprise les compétences qui lui permettront de mieux se valoriser est bien plus légitime et efficace à ce stade que lorsque l'on fait l'aumône à cette même personne lorsqu'elle s’est éloignée durablement de l’emploi.
C’est à se demander s’il n’y a pas une forme de préférence politicienne pour le chômage issu de règles d’apparence très protectrices des travailleurs qui ne valorisent en fait que le législateur. Ce même législateur qui parvient aussi à afficher sa générosité en votant pour une expérimentation « territoire zéro chômeur » devenue nécessaire par les conséquences concrètes des lois dont il s’est ostensiblement préalablement vanté. Mais pour l’instant personne ou presque ne fait le lien entre les deux partis pris. Les chômeurs chôment et le législateur fait de la politique d'image.
Pour développer l’emploi il faut être pragmatique et réaliste. Ce qui est je le conçois parfaitement révolutionnaire en France. Le chômage en revanche progresse en même temps que les promesses de paradis artificiels si chères à la gauche et quelquefois au centre et à droite tant elles sont populaires pour se faire élire.
Ces vœux promettent d’être longs puisque j’ai prévu de vous parler aussi des excitations en cours autour des communes nouvelles et des périmètres des communautés de communes. Et puis de la désormais grande région où je vais siéger dès lundi.
A suivre.....
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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