15 Juin 2015
« Aliments toxiques », 60 millions de consommateurs vient de sortir son numéro hors série de juillet aout. Sa une est à gerber : une tête de mort dans l’assiette et « Ces aliments qui nous empoisonnent » en gros titre. « Perturbateurs endocriniens, pesticides, additifs » pour le sous titre et en cadeau Bonux, un guide pratique à lire dans les égouts parisiens ou sur les plages mazoutées: « toxique, pas toxique, faites le tri grâce à 60 ».
Le marronnier des pesticides est de sortie. On sent le racolage et les grosses ficelles. Mais conscience professionnelle oblige, je me suis bouché le nez et j’ai quand même lu l’édito et « Pesticides, la bombe à retardement », l’article central, qui m’ont été adressés avec la revue de presse des pommes et des poires.
« Est-ce normal d’avaler 17 résidus de pesticides lorsque nous croquons une pomme ? » se demande Adeline Trégouët, la rédactrice en chef déléguée dans son introduction au numéro HS. Déléguée à l’empoisonnement et à l’endoctrinement des lecteurs sans doute, vu les additifs nauséabonds et invérifiés qu’elle assène la malsaine.
Parce que ça fait 20 ans que nous analysons chaque année des milliers d’échantillons de pommes pour mesurer la qualité sanitaire des fruits obtenus par les pomiculteurs de France au regard des résidus de pesticides. La DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) en fait tout autant et publie annuellement ses résultats. Les acheteurs, en France et dans tous les pays de destination font leurs propres analyses et ne manquent pas de faire connaître le résultat à leurs fournisseurs quand il y a le moindre souci. A la louche, sur la moitié des échantillons, on ne trouve aucune trace. Sur l’autre moitié on détecte la présence de une à trois matières actives, mais quasiment toujours très en dessous de la LMR infinitésimale (Limite Maximale de Résidus) autorisée. Selon les années entre 1 et 3 % des échantillons peuvent avoir un résidu qui dépasse cette LMR. Compte tenu de la fréquence et de l’immense marge de sécurité prévue par les LMR on ne peut que constater que la qualité sanitaire des fruits au regard des résidus de pesticides est très bonne. Un passage sous l’eau ne peut que parfaire la propreté des épidermes et bien plus pour d’autres salissures que celles induites par les produits phytosanitaires.
C’est vrai qu’en comparaison de l’édito de Franz Olivier Giesbert dans le Point on sent bien qu’Adeline Trégouët n’a pas d’autre ambition que de salir sans conviction du papier. Une trouvaille quand même quand elle qualifie de « Fukushimaienne » la tenue que doit revêtir le paysan lorsqu’il manipule les produits phytosanitaires. Mais sait-elle la plumitive que c’est la tenue obligatoire pour appliquer tout type de produit phytosanitaire, bouillie bordelaise, bacillus thuringiensis ou autres pyrèthres naturelles y compris. L’agriculture française deviendrait-elle toute biologique qu’il y aurait tout autant, voire plus, de tenues Fukushimaiennes dans les campagnes. Va falloir s’y faire, c’est la norme.
Je viens d’ailleurs de lire que Ségolène Royal entend préserver la santé des utilisateurs amateurs qui n’auront dorénavant plus accès en libre service dans les jardineries au désherbant Roundup. Les nettoyeurs domestiques de mauvaises herbes s’entendront donc prescrire la tenue Fukushimaienne par les négociants agrées auprès de qui ils vont devoir acquérir ce puissant économiseur d’huile de coude.
Je vous épargne mes commentaires sur l’article en pages intérieures. C’est tout à jeter. Le degré zéro de la littérature qui se puisse trouver sur le sujet.
Et c’est bien ça le problème. Voilà un torchon bourré d’âneries qui est publié par l’Institut National de la Consommation. L’INC est un établissement public à caractère industriel et commercial qui est sous la tutelle du ministre en charge de la consommation. Ce qui veut dire une nouvelle fois qu’avec nos impôts on produit une désinformation grossière et grotesque que l’on n’aurait d’autre choix que de tolérer si elle était commise par un éditeur privé sans aides aucune. Mais pas de la part de l’INC.
A chaque fois que je demande aux pouvoirs publics de défendre leurs normes en matière de sécurité alimentaire et donc d’utilisation de produits phytosanitaires, on me rétorque qu’ils sont très mal placés pour le faire, que l’on ne les croira pas. J’ai déjà de la peine à comprendre cette démission en rase campagne qui laisse le paysan face aux dénigrements les plus tordus. Mais que ce soit de la sphère publique et de nos impôts que viennent les attaques les plus virulentes me fait voir rouge. Je souhaite rencontrer au plus vite Carole Delga, la secrétaire d’Etat à la consommation auprès d’Emmanuel Macron pour lui demander réparation au nom des producteurs de pommes de ce pays. J’en profite pour faire appel à toutes les bonnes volontés pour travailler à un commentaire argumenté et exhaustif du très mauvais traitement de l’information qui est fait par 60 dans ce numéro « collectordure ».
J’ai eu la chance il y a quelques jours d’échanger pour la deuxième fois quelques instants avec Andrew N Liveris, le big boss de DOW Chemical. Cela se passait dans un des salons du Royal Monceau, une honorable auberge de l’avenue Hoche qui n’est pas ma cantine habituelle comme vous vous en doutez. Andrew accordait à ses clients français des entretiens à bâtons rompus. J’étais le dernier à le solliciter et je savais qu’il fallait faire court compte tenu de ce qu’avait été sa longue journée à Paris et dans les environs. Une première question pour tenter de comprendre ce qui motive sa cession de 60% du capital d’Agrofresh. Une deuxième pour savoir si DOW à l’intention de surenchérir sur Mosanto pour l’acquisition de Syngenta. Et une troisième pour lui dire que nous avons ici une vraie difficulté avec l’approche scientifique et rationnelle des choses dès lors qu’il s’agit de chimie.
Il avait déjà abordé ce thème il y deux ans lors de son précédent passage à Paris. Cette fois-ci je l’ai entendu me dire ceci pour commencer : « Coca Cola vend de la chimie dans des bouteilles en plastic à des clients qui sont convaincus qu’ils achètent de la joie de vivre. Tout est chimie, l’air que nous respirons, les aliments « organics » (bios), le vin, les médicaments qui nous soignent…. .A vous de faire percevoir l’essentiel, le goût, le plaisir et d’inspirer confiance. Vos normes sont draconiennes ». L’œil vif et la voix claire le saint homme australien aux airs latino a longuement poursuivi son exposé sur la nécessité pour la société de retrouver du goût pour la science et pour les producteurs que nous sommes d’apprendre à être pédagogue et à bien communiquer.
Je me demande si nous n’avons pas la tâche d’autant plus difficile avec la pomme qu’elle est porteuse de deux images opposées. D’un côté la pomme qui consommée chaque jour éloigne le docteur. Et de l’autre la pomme responsable du paradis perdu et vectrice du poison pour Blanche neige. On rappelait encore à la radio hier, je ne sais plus sur quelles ondes, que l’inventeur de l’ordinateur, Alan Turing, s’était suicidé en croquant dans une pomme contenant du cyanure. Forcément avec une telle réputation il est facile de lui prêter plus de résidus qu’à d’autres. Sauf que c’est faux chère Adeline.
A part ça, la récolte s’annonce plutôt bien. Il a plu beaucoup ce week-end. C’est une bonne chose pour les sols et les arbres et les réserves d’eau que d’engranger 100 millimètres. En revanche la protection contre la tavelure déjà présente dans quelques parcelles redevient nécessaire. Parce qu’il ne reste plus de fongicide sur les pommes et qu’il y a encore trois à quatre mois avant de les récolter. Entretemps il faut éviter les maladies cryptogamiques et les ravageurs de tout poil.
La partie reste très difficile pour les vignes aussi. Black rot et mildiou sont bien présents dans certaines parcelles. Avoir retardé le premier traitement pour optimiser le nombre de passages dans la vigne s’est avéré avoir l’effet pile poil inverse. Puisque la maladie a explosé ici ou là.
Cette fois encore, il est fait la démonstration que pour faire réussir Ecophyto 2, nous avons surtout besoin de savoir faire. Et d’une information fiable sur les ravageurs et maladies afin que la réponse soit la plus pertinente possible. Et c’est malheureusement tout l’inverse que font les pouvoirs publics. On mobilise les talents pour inventer des usines à gaz administratives comme ces CEPP imbéciles et on les retire des champs où l’on aurait tant besoin d’eux. C’est tout l’inverse qu’il faudrait faire. A suivre….
La revue 60 millions de consommateurs manque cruellement de tirage, en kiosque comme dans la cheminée. Que choisir l’emporte largement auprès des lecteurs et c’est mérité. Ce n’est pas le même niveau. Au moment où il faut absolument baisser la dépense publique, il ne fait aucun doute qu’il y a là une économie immédiate très salutaire pour la santé des contribuables et l’intelligence du pays. Vendons 60, même pas cher. Ça peut intéresser un groupe de presse de caniveau.
L'édito de 60
L'article de 60
Sauvons les fruits et légumes fait la synthèse des études sur la santé des agriculteurs
Un article de Phytoma analyse les résultats de l'étude AGRICAN
La ligue contre le cancer donne son point de vue sur les produits phytosanitaires
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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