15 Août 2014
La récolte s’annonce belle partout en Europe. La consommation en revanche pâtit de la crise et du temps triste. Et cerise sur la tarte aux pommes et aux poires, l’embargo imposé depuis une semaine par la Russie et annoncé pour un an sur certains produits agro-alimentaires fait peser une grave menace sur la valorisation des productions européennes et françaises de fruits et légumes.
Les poires d’été, présentes sur les marchés depuis plusieurs semaines pour Guyot, et quelques jours seulement pour Williams, sont les premières à être affectées par la fermeture totale des frontières Russes. Les conséquences ont été immédiates pour les exportateurs français qui n’ont plus d’accès à ce marché depuis le 7 aout. Elles sont aussi indirectes pour toute la filière qui subit des pressions sur les cours liées aux reports d’offres sur les autres marchés des productions européennes, Belges notamment.
La campagne de commercialisation des pommes s’annonce tout aussi compliquée. Le marché russe était en progression constante depuis plusieurs années. Par exportation en direct ou par des chemins détournés, il constituait un débouché pour environ 3% des pommes françaises récoltées et pour près de 700 000 tonnes de pommes européennes, principalement polonaises. La prévision de cueillette pour l’ensemble des 28 pays de l’Union s’élève à 12 millions de tonnes cet automne.
Dans ce contexte, toutes les AOP se mobilisent conjointement dans le cadre de la GEFeL pour trouver des solutions à la crise. Elles ont validé et appuyé les demandes de la commission export d’Interfel et adressé un premier courrier au ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, mardi dernier. Mais les AOP ne peuvent pas se satisfaire des propositions de retrait qui leurs sont suggérées. L’embargo russe est un acte de représailles qui fait suite aux décisions politiques prises par les dirigeants européens dans le cadre du conflit ukrainien. Les entreprises de la filière fruits et légumes françaises et européennes n’ont pas à supporter les conséquences économiques de ces décisions politiques. La GEFeL demande donc la mise en place d’un système de compensation directe des pertes de marges brute qui toucheront les entreprises de production et de mise en marché de fruits et légumes. Le retrait, demandé par la FNSEA et la FNPF, n’est pas une mesure jugée suffisamment efficace par les présidents des AOP. Sa mise en œuvre est difficile et il concernera principalement les pays présentant une production excédentaire, ce qui n’est pas le cas de la France.
Suite à ce courrier, une réunion des Présidents des familles professionnelles, organisée par Interfel, a eu lieu hier matin. Ella a été suivie par deux communiqués de presse. Le premier, envoyé par le G4 qui réunit la GEFeL, FELCOOP, la FNPF et Légumes de France. Il reprend les demandes de la GEFeL en complément des demandes de retrait exprimées par les organisations syndicales. Interfel a également adressé un communiqué demandant la mobilisation urgente des pouvoirs publics français.
Le comité agricole de la commission européenne s’est réuni aujourd’hui pour faire le point sur la situation et les mesures d’urgence à adopter par la commission. La commission reconnait que les filières fruits et légumes seront les plus affectées par l’embargo et qu’elles doivent être soutenues par des mesures immédiates. Pour le moment, elle ne semble pas envisager autre chose que du retrait, mais Dacian Ciolos s’est dit prêt à étudier des mesures de soutien direct. Le comité prévoit de se réunir chaque semaine pour suivre la situation avec la plus grande attention.
Dans l’attente, inévitablement longue et incertaine, de la mise en œuvre de mesures par la commission, nous devons stimuler le patriotisme économique de nos concitoyens et de nos partenaires commerciaux. L’ANPP va, dès la semaine prochaine, rencontrer les enseignes de la distribution pour proposer et développer la mise en place de partenariats origine France, vergers écoresponsables, en poire et en pomme, pour dynamiser les ventes sur le marché national. Certaines enseignes nous ont déjà assuré de leur soutien.
Cette campagne qui s’annonce très difficile va nettement privilégier les relations patiemment construites depuis le verger jusqu’au consommateur, la fidélité, le suivi, le service, les variétés, les marques, les origines, la qualité et nos démarches collectives labellisées Vergers Ecoresponsables et Le Crunch. La solidarité entre nous dans le cadre de l’association doit être un atout décisif pour mieux traverser la tempête économique annoncée.
Nos collègues polonais ont triplé les ventes de pommes à la suite d’un élan de patriotisme et d’une avalanche de selfies, selfruits, de croqueurs de pommes rebelles sur les réseaux sociaux accompagnés de slogans mobilisateurs comme « An apple a day, keeps Putin away ». La Belgique a pris le relais de cet élan salvateur.
Je vous propose de tout mettre en œuvre pour tenter une campagne du même type en France. D’autant plus que certains médias se révèlent très friands de ce mouvement pacifique et enjoué.
La très dure réalité du moment c’est évidemment aussi la situation du marché de la pomme et de la poire destinée à la transformation. A saturation depuis quelques semaines, nous abordons la nouvelle récolte avec une cotation à zéro , ou presque, pour les écarts de tri.
Chacun en est informé et il est donc inutile d’insister pour que les pommes de piètre qualité restent toutes au verger. Ce sera la meilleure garantie en France et dans toute l’Europe pour un rétrécissement de la récolte à venir qui doit permettre le plus rapidement possible un retour à l’équilibre. La qualité des fruits récoltés cette année sera alors notre meilleur argument pour reconquérir les consommateurs sur tous nos marchés.
Nous vous tiendrons informés très régulièrement de l’évolution du contexte géopolitique qui nous préoccupe encore bien plus cette année que d’habitude. Les Présidents de commissions et l’équipe de l’ANPP restent à votre entière disposition et à l’écoute de vos suggestions.
Europe 1 me fait l’honneur de reprendre mon twitt et mon selfruit à la Reine des Reinettes cueillie ce matin même dans mon verger.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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