25 Avril 2011
Mardi 12 avril.
Nouvelle réunion en fin d’après midi pour sensibiliser encore et encore la représentation nationale, par l’entremise des députés les plus proches de l’arboriculture, sur une réglementation inapplicable et inappliquée qui condamne à très court terme le verger de pommiers et de poiriers en France.
Quelques jours plus tôt j’avais rencontré un proche collaborateur de NKM, dans les locaux du ministère de l’écologie, pour le même exercice de pédagogie sur l’inapplicabilité d’un arrêté de 2006. Mon interlocuteur était d’autant plus attentif que son conjoint avait travaillé un temps pour un groupement d’arboriculteurs. Cependant à la fin de l’entretien il m’a malheureusement indiqué que dans son ministère, l’heure n’était pas à revoir un arrêté qui pose problème, mais de se hâter à en écrire 80 autres, d’urgence, consécutifs à l’adoption de la loi Grenelle 2.
Espérons quand même que nous ne disparaissions pas trop vite pour être trop bien normés comparativement au reste du monde.
Jeudi 14 avril.
Réunion de la Commission Départementale de la Coopération Intercommunale à la préfecture dans sa nouvelle composition consécutive à la loi du 16 décembre 2010. Les représentants des communautés sont maintenant un peu plus nombreux et ceux des communes un peu moins.
Cette première réunion de l’année devait installer la nouvelle CDCI, annoncer le calendrier de travail jusqu’à la promulgation du Schéma Départemental de Coopération Intercommunale au plus tard le 1er janvier 2012 et commenter l’avant projet préparé par le préfet.
Le premier objectif du SDCI est assez consensuel depuis pas mal de temps maintenant. Il s’agit d’obtenir le rattachement à une communauté des quelques communes qui à ce jour n’ont toujours pas fait le choix de la coopération intercommunale. En Charente elles ne sont plus que 11 sur 404.
Le second objectif est presqu’aussi consensuel. Il s’agit dessiner une carte de l’intercommunalité qui ne comporte pas de communautés regroupant moins de 5000 habitants. Elles sont sept dans ce cas. Pour trois d’entre elles, Chalais, Aubeterre, Blanzac, le regroupement est engagé et souhaité. Pour les quatre autres, c’est déjà un peu plus difficile. Aigre et Horte et Lavalette tutoient les 5000 habitants. En revanche Villefagnan et les trois vallées n’affichent pas plus de 3400 habitants chacune. Compte tenu des premiers commentaires entendus en séance, il semble que, même sans enthousiasme, les regroupements envisagés semblent acceptables au nord. Ils sont plus discutés au sud. Mais la communauté concernée frôle les 5000 habitants.
Et puis il y a les syndicats de toutes sortes dont la suppression sera proposée dès lors que la compétence qu’ils exercent est dévolue à une communauté et que les périmètres se superposent. Le diable est dans les détails et ce ne sera sans doute pas aussi simple qu’il ’y parait au premier abord.
Au-delà de cette modeste réorganisation, sauf si la volonté des élus locaux corrobore majoritairement les propositions du préfet, une évolution plus ambitieuse des périmètres n’est pas acquise. Puisqu’il faut le rappeler, si le préfet à l’initiative de proposer dès le 26 avril une nouvelle carte de l’intercommunalité en Charente, la CDCI peut à la majorité des deux tiers de ses membres en modifier les contours, à condition quand même de respecter quelques principes généraux définis par la loi.
Parmi les élus, une certaine inquiétude s’est manifestée sur le calendrier plutôt court qui est imposé ainsi que sur les pouvoirs du préfet, d’initiative dans un premier temps, puis de mise en œuvre dans un second temps. A mon sens l’intérêt de la méthode c’est qu’elle force à décider, à faire des choix. Dans ce cadre les élus doivent avoir deux priorités. La première c’est d’informer précisément le préfet sur les volontés et les réalités locales. La seconde c’est de revendiquer complètement le pouvoir qu’ils détiennent à la CDCI. Dès lors qu’ils peuvent réunir la majorité des deux tiers, ce sont bien eux qui seront les décideurs finaux.
D’un côté il y a la recherche de périmètres qui aient du sens, qui permettent d’agir efficacement à l’échelle des équipements et des services à mettre en œuvre. De l’autre il y a les réalités politiques locales du moment qui ne sont pas forcément en phase avec une vision plus distanciée d’une meilleure organisation territoriale. Et puis il y a la complexité technique, assez effrayante il faut bien le dire, qui accompagne la modification des périmètres intercommunaux. Je fais partie de ceux qui considèrent qu’il serait dangereux et contreproductif d’imposer un redécoupage que les élus n’auraient pas la volonté de mettre en œuvre.
En revanche il peut être très pertinent de s’appuyer sur le pouvoir d’initiative du préfet et sur les moyens dont il disposera pour faire appliquer le schéma choisi, pour être un levier de la volonté politique locale. C’est le cas par exemple pour les fusions de communautés voulues dans le Sud Charente. Engagées par les élus locaux et validées dans le SDCI, elles n’en auront que plus de légitimité pour être menées à bien.
Le SDCI pourrait être aussi le moyen utilisé par les élus pour simplifier et rendre plus efficace l’organisation des territoires. Imaginons par exemple que les élus du Sud Charente souhaitent réintégrer dans les deux communautés issues du regroupement des cinq actuelles et des communes encore isolées, les fonctions dévolues à ce jour au syndicat mixte du Pays Sud Charente. Il suffirait qu’ils en fassent la demande pour que cela soit proposé par le préfet et validé par la CDCI. Le SDCI, qui aura force de loi, serait la garantie que la réorganisation aurait bien lieu et que les coûts de fonctionnement du territoire de Sud Charente seraient bien optimisés. L’idéal serait évidemment que le président du syndicat conduise lui-même le projet de dissolution. Compte tenu de l’importance stratégique de cette simplification, fort de ce progrès décisif apporté au territoire, il pourrait alors légitimement revendiquer une responsabilité importante dans la communauté dont il est membre.
Rassurez-vous, mon éternel optimisme me surprend moi-même. Prochaine étape le 26 avril avec la présentation du projet de SDCI du préfet.
Vendredi 15 avril.
Réunion en soirée à Bercy avec un membre du cabinet de Frédéric Lefebvre, le secrétaire d’état chargé du commerce et de beaucoup d’autres choses. Parmi plusieurs sujets d’actualité, nous souhaitons attirer l’attention du secrétaire d’Etat sur le contournement de l’interdiction des rabais, ristournes et remises dans le commerce des fruits et légumes frais par l’instauration de fausses coopérations commerciales. Peut-être une initiative importante en perspective.
Samedi 16 avril.
Célébration des noces de diamant de Pierre et Gisèle Ribéraud à la mairie de Reignac.
Moment convivial, émouvant et gai.
Dimanche 17 avril.
Quelques heures à Saint Jean de Luz sous le soleil et la chaleur.
Mardi 19 avril, 18h.
Réunion au ministère de l’agriculture rue de Varennes, salle Sully. Le ministre a convoqué les représentants de la filière des fruits et légumes frais sans ordre du jour précis. Ou plutôt si, mais nous ne le découvrons qu’en séance. Toujours les yeux bleus, mais la tête des mauvais jours, Bruno Le Maire souhaite nous engueuler copieusement. C’est l’interprofession, Interfel, qu’il a en ligne de mire. Selon lui l’interprofession ne joue pas son rôle, elle ne produit rien et elle se résume à des querelles de personnes et d’organisations. Il en a « ras la casquette » et si nous n’arrivons pas à faire fonctionner la boutique correctement, il ne signera pas l’accord d’extension qui permet de lever la cotisation volontaire obligatoire. Lui, il travaille d’arrache pied pour améliorer la compétitivité et la valorisation des fruits et légumes pour les producteurs. Alors si nous ne savons pas nous montrer à la hauteur des efforts consentis par lui-même et le gouvernement, alors non seulement il lui sera difficile de faire progresser le projet de réduction des charges sur les salariés permanents en agriculture, mais il n’est pas sûr de pouvoir maintenir celle qu’il a obtenue à ce jour sur les saisonniers.
On sent bien que ça le soulage de nous dire tout ça. Mais est-ce utile et que peut-on attendre de ce management panique ?
Avant de répondre, essayons de comprendre ce qui se passe. Ceux d’entre vous qui lisent attentivement ce blog le savent déjà. La loi de modernisation de l’agriculture a prévu que la contractualisation pourrait être rendue obligatoire pour les fruits et légumes frais entre le producteur et son premier acheteur. Un décret du 30 décembre 2010 a consacré cette obligation à compter du 1er mars dernier et a défini le contenu obligatoire des contrats à proposer par les acheteurs à leurs producteurs. Le problème, comme je l’ai expliqué ici depuis septembre dernier, c’est que cette contractualisation est parfaitement absurde, inutile et inapplicable. Chaque jour qui passe permet de le vérifier concrètement. Mais voilà, plutôt que de le reconnaître et de rectifier le tir de toute urgence, le ministre s’arcboute sur son dogme et menace de remettre en cause même ce qui marche si nous ne réussissons pas à lui donner raison.
Il est évidemment encouragé en cela par tel ou tel représentant d’organisation qui trouve là l’occasion idéale de se montrer sous son meilleur jour en le flattant et en lui assurant qu’il faut qu’il tienne bon, qu’il a parfaitement raison. Il serait pourtant simple pour lui de vérifier qui lui dit la vérité et qui lui ment. Ou, il ne faut pas l’exclure, qui parle de tout autre chose que du sujet. Il suffirait de demander à ceux qui lui disent que cette contractualisation est une bonne chose de lui rédiger un exemple de contrat conforme au décret qui pourrait être signé entre un producteur et son acheteur. Voire même un contrat qui, toujours conforme à la loi, serait novateur par rapport au décret. Puisque le décret peut être supplanté par un accord interprofessionnel.
L’énoncé du problème à résoudre par les laudateurs de la loi dirait en substance ceci. Vous êtes un expéditeur de carottes, de pommes, de tomates ou de salsifis. Vous devez proposer à vos producteurs un contrat de trois ans qui précise les volumes que vous envisagez de leur acheter, les modalités de révision de ces volumes en fonction de vos ventes ou des aléas climatiques en production, le prix ou les modalités précises de formation du prix auquel vous achèterez chacune des références de la variété et de l’espèce considérée.
Pour être plus pertinent encore, le devoir à rendre, que l’on pourrait qualifier de devoir d’honnêteté intellectuelle, pourrait élargir la notion de producteur aux organisations de producteurs et aux coopératives qui dans l’absolu sont bien aussi des producteurs expéditeurs au même titre qu’un producteur unique.
D’autres études de cas pourraient bien sûr être proposées. Proposition de contrat d’un détaillant, d’un grand distributeur ou d’un grossiste à ses producteurs.
Je suppose que le fonctionnaire qui a planché sur le décret pourrait très facilement rédiger les termes du problème à poser à tous ceux qui lui laissent entendre qu’il suffit d’un petit effort pour se conformer à ce nouveau monde qui doit profiter aux producteurs.
Un formateur en management avait l’habitude de faire référence, pour marquer nos esprits, à l’exemple suivant. Papa gueule et maman boit. Est-ce que papa gueule parce que maman boit ou est-ce que maman boit parce que papa gueule? L’objectif était de bien nous faire ressentir que pour sortir d’un cercle vicieux entre individus il est judicieux que l’un d’eux prenne l’initiative de changer son comportement.
Donc le ministre gueule et Interfel tourne en rond à essayer de répondre à une question absurde.
Le ministre a confirmé qu’il ne fallait pas compter sur lui pour changer de comportement. A mon sens c’est donc à Interfel de changer de stratégie. Il faut renoncer d’urgence à résoudre la quadrature du cercle de la contractualisation obligatoire. Chacun se débrouillera pour produire des contrats inacceptables par les producteurs. Les contrats et les refus seront consignés dans des armoires en attendant un ministre plus informé de la chose économique. Ce choix fait, il faut de toute urgence redescendre au ras des pâquerettes, ou plutôt des fruits et légumes frais. En laissant les postures syndicales ou politiques de côté, il faut se remettre à travailler avec pragmatisme sur des problèmes concrets entre représentants économiques des producteurs et des entreprises de l’amont et de l’aval. La condition pour participer à ces travaux créateurs de valeur pour la filière, c’est d’avoir dit, même à voix basse, que la contractualisation obligatoire était une connerie ou bien d’avoir réussi l’exercice de proposition de contrat qui satisfasse l’acheteur et le vendeur.
C’est en démontrant que les producteurs et les entreprises de l’amont et de l’aval prennent à bras le corps le chantier de l’amélioration de l’économie des fruits et légumes frais dans notre pays que nous pourrons libérer le ministre de sa colère et lui redonner envie de réussir avec la filière à reprendre des parts de marchés et à améliorer les perspectives pour les producteurs.
Samedi 23 avril.
Café chez Kiki où je rencontre mon ami Jacky Chollet qui est assez remonté en m'annonçant que la recette locale des douanes va fermer à Barbezieux dans l'indifférence générale. Beaucoup de déclarants qui maîtrisent mal l'outil informatique ou qui tout simplement ont besoin de conseils ne sont pas encore préparés à la disparition de ce service de proximité. J'ai reçu la veille une sollicitation dans le même sens des 3B pour participer à la rédaction d'une délibération à prendre lors du prochain conseil communautaire. Je vois ça mardi.
Lundi 25 avril.
Je viens de terminer la lecture de « M. le président » de Franz Olivier Giesbert et j’ai bien entamé « Félix Gaillard, le président » de Samuel Cazenave. Deux hommes politiques et deux biographes au style différent. Je ne suis pas sûr que F.O.G contribue à améliorer la cote de popularité du président Sarkozy, même si le portrait est plus nuancé qu’on ne l’imagine quand on entend dans les médias telle ou telle citation du livre. Félix Gaillard sous la plume de Samuel est beaucoup plus reposant et bien élevé. J’ai beaucoup de plaisir à lire cette biographie que je vous recommande vivement.
J’ai aussi reçu avec plaisir des nouvelles d’Alain Madelin qui a un an des présidentielles souhaite être promoteur d’idées libérales dans le débat public. En ces temps de surenchères tous azimuts sur l’Etat qui doit nous protéger contre la mondialisation et garantir notre modèle économique et social, je garde espoir en lisant Madelin et les auteurs libéraux qui témoignent de ce que la flamme de la liberté n’est pas morte et qu’elle ne s’éteindra pas.
Je vous mets un lien vers un article de Georges Kaplan, pas celui de "la mort au trousses", mais celui qui écrit sur Causeur. Je vous conseille aussi ses autres articles. Si l'auteur vous interesse vous trouverez seul le chemin. Et puis un autre d'Eric Le Boucher en ligne sur Slate.fr.
Bonnes lectures. A suivre....
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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