30 Octobre 2009
Nos sénateurs sont donc inquiets. « Le pacte républicain est en danger ». « L’Etat a décidé de s’en prendre aux collectivités territoriales elles mêmes, derniers remparts protecteurs du service public, derniers contre-pouvoirs ». Et comment cela ? « D’abord en supprimant l’une des ressources essentielles des Communes, des Communautés de Communes, des Départements ou des Régions : la Taxe professionnelle ».
Fichtre, un impôt qui disparaît. L’heure est assurément grave. Chacun comprend tout de suite forcément l’effroi qui saisit nos parlementaires. Mais je sens comme un doute chez nombre d’entre vous face à tant d’incongruité dans notre république. Regardons-y de plus près quand même pour en avoir le contrecœur net.
Pensez donc, un impôt qui date de 1975 et qui en remplaçait un autre, la patente, née en 1791. Une TP qui vise à faire contribuer les entreprises aux coûts des infrastructures qui leurs sont nécessaires pour développer leur activité. L’assiette de cet impôt, c’est la valeur locative des locaux commerciaux ou industriels, les immobilisations et une part de la masse salariale. Très vite des voix se sont élevées pour dénoncer un impôt anti économique en ce qu’il taxe l’investissement et l’emploi. Mitterrand l’a qualifié d’impôt imbécile et Jacques Chirac lors de ses vœux de janvier 2004 après en avoir été le créateur annonce sa suppression rapide. Auparavant dès 2002 et pour soutenir l’emploi, la part salaire de l’assiette avait été progressivement exonérée. Après l’annonce faite par le chef de l’Etat de supprimer la TP, la commission Fouquet a travaillé à son adaptation, la suppression étant concrètement hors d’atteinte. Cette commission avait conclu majoritairement à la nécessité de modifier l’assiette de la TP pour la relier principalement à la valeur ajoutée. Après moult tergiversations c’est Dominique de Villepin qui, juste devenu premier ministre, a choisi de ne pas supprimer la TP comme l’avait annoncé le président Chirac. Une seule nouveauté de taille était apportée. Dorénavant aucune entreprise ne paierait plus de 3.5% de sa valeur ajoutée. Sans changer l’assiette apparente de la TP, de fait cet impôt devenait potentiellement une taxe de 3,5% sur la valeur ajoutée. Je me souviens avoir applaudi à cette réforme plutôt simple en me demandant toutefois pourquoi le législateur n’avait pas choisi dans le même temps de supprimer la liaison des taux entre eux qui interdit une augmentation du taux de la seule TP. Si cela avait été le cas progressivement toutes les entreprises, y compris les plus employeuses de main d’œuvre sans immobilisations, avaient vocation à contribuer à hauteur de 3.5% de leur valeur ajoutée. En fait par crainte d’inciter à des délocalisations en touchant trop vite les entreprises de services les plus mobiles, la règle de liaison des taux entre eux avait été maintenue.
Mais déjà lors de cette toute petite réforme, les collectivités territoriales s’étaient assez largement rebellées. Parce que ces mêmes collectivités découvraient effarées que leur capacité à prélever sur l’entreprise était plafonnée à 3.5% de leur valeur ajoutée. En clair le vote d’un taux de TP plus élevé n’avait plus automatiquement pour effet d’augmenter les recettes du produit du taux complémentaire par l’assiette de l’entreprise. Le produit de TP ne pouvait être augmenté que dans la limite du plafonnement de la valeur ajoutée. Un vrai bouclier fiscal avant l’heure qui devait alléger la facture pour les entreprises industrielles. Comme le produit disponible n’était connu qu’après un certain délai, cela avait pour conséquence pour la collectivité de devoir annuler après coup des sommes mises au budget. Ce qui déjà faisait dire aux politiques et aux commentateurs que l’on allait faire des cadeaux aux entreprises à qui il fallait reverser des sommes considérables qui n’avaient été prélevées qu’en rêve. Pour imager le processus on peut dire les choses ainsi. Le taux de TP l’année N conduit à prélever 3.5% de la valeur ajoutée d’une entreprise. La collectivité vote une augmentation de ce taux qui théoriquement doit donner un produit complémentaire correspondant à l’assiette fiscale que multiplie le taux complémentaire. Mais comme le taux précédent consomme déjà les 3.5% de valeur ajoutée aucun produit complémentaire n’est à percevoir.
Lors des réunions à l’ADCF j’ai tout entendu sur la perte d’autonomie fiscales des collectivités locales qui devaient supporter ce plafonnement alors que la bonne gestion qu’elles devaient à leurs habitants nécessitait de pouvoir puiser sans limite dans les trésoreries des entreprises pour couvrir leur charges de collectivités forcément bien gérées.
En d’autres termes les mêmes élus qui revendiquent un lien entre la collectivité et l’entreprise ne se sentaient pas concernées par l’évolution de la valeur ajoutée des entreprises de leur territoire. Limiter la croissance des prélèvements à la croissance de la valeur ajoutée des entreprises qui constitue le PNB du pays et ce dans la limite de 3.5 % était dénoncé comme intolérable. Dans les réunions sur cette question précise auxquelles j’assistais je devais être quasiment le seul président de communauté à trouver cohérent un tel dispositif.
Le problème c’est que la taxe professionnelle continue de taxer lourdement les entreprises industrielles. La crise aidant, l’incitation à délocaliser a plutôt tendance à se renforcer. Le président annonce donc en ce début d’année cette fois ci la vraie fin de la TP. En fait après avoir exonéré en 2002 la part salaire, c’est maintenant la part immobilisation qui est à son tour exonérée. Le nom change. Exit la TP et bienvenue à la CET (contribution économique territoriale) composée d’une CLA (contribution locale d’activité) et d’une CC (contribution complémentaire. La CLA est un impôt assis sur les locaux de l’entreprise et la CC est une taxe sur la valeur ajoutée qui varie entre 0 et 1.5% de la valeur ajoutée de l’entreprise en fonction de son chiffre d’affaire. Le total des deux sommes imputées à l’entreprise ne devant pas dépasser 3% de la valeur ajoutée. Ah il y a bien un gain de 0.5% par rapport à avant pour les entreprises. Au total pour l’instant cette nouvelle contribution allégera un peu comme prévu les entreprises industrielles et le produit global sera inférieur à ce qu’il était précédemment. L’Etat s’engage pour 2010 à maintenir totalement le niveau de recette antérieur des collectivités perceptrices de la TP. Et pour l’année suivante sur la base de la répartition qui sera décidée au parlement, la CET sera intégralement reversée à ces mêmes collectivités et complémentées comme par le passé, mais un peu plus, par une dotation d’Etat et par l’affectation de quelques autres recettes de poche diverses. Ce qui change pour la collectivité c’est une évolution de recettes liée à l’évolution des locaux des entreprises, à la croissance du chiffre d’affaire des entreprises et de leur valeur ajoutée sur la base de taux (tout au moins pour la valeur ajoutée) décidés nationalement. Au final c’est donc un peu moins de contribution de la part des entreprises avec la CET en comparaison de ce qu’elles payaient avec la TP, un peu plus de dotations de l’Etat et du réglage d’ouverture de robinets pour tuiler entre l’ancien système et le nouveau pour les collectivités qui vont percevoir.
Mais surtout il faut l’espérer, c’est un impôt plus cohérent économiquement avec les exigences de compétitivité des entreprises dans leur environnement européen et mondial. 35 à 40% des recettes des collectivités au lieu de près de 50% continueront d’évoluer au rythme du développement de l’activité économique et du PNB du pays. Quoi de plus logique sénateurs ? Pas de quoi sortir son meilleur verbiage politico syndicaliste hors de propos et affoler les campagnes honteusement.
Voir aussi le courrier adressé aux maires par le gouvernement. Il est d’une bien meilleure facture, si j'ose dire, que les lettres que je ne scannerai que demain pour enfin vous les faire lire.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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