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Plus belle la campagne.

En début de semaine, j’ai reçu un coup de fil d’un journaliste de la presse spécialisée qui souhaitait ma collaboration pour passer au banc d’essai de l’économie des fruits et légumes le texte d’orientation sur l’agriculture que le parti socialiste a adopté en bureau national le 25 mai 2010. « Un travail objectif et argumenté, bien sûr », m’a-t-il précisé. Vous comprenez ma gêne…

 

J’ai donc lu attentivement ce texte que je vous mets en pièce jointe. Vous pourrez ainsi vérifier par vous-même la pertinence de l’alternative proposée à la politique agricole du moment. Si, comme le disait très logiquement Pierre Dac « les sardines sont à l’huile ce que le gouvernement est à l’heure actuelle » il se confirme sans doute que depuis Henri IV la poule est au pot ce que les socialistes sont à la campagne...électorale.

 

Jean Michel Apathie avait qualifié le projet de société du « care » de Martine Aubry de «nunucherie », ce qui lui avait valu en retour une belle volée de bois rose. Je ne suis pas loin d’avoir envie de lui piquer le néologisme pour qualifier ce texte d’orientation brouillon, truffé de lieux communs, moralisateur et surtout sans propositions concrètes pour changer le cours des choses et dont on  pourrait tenter d’évaluer l’efficacité.

 

A défaut de savoir comment on va la faire cette révolution socialiste agricole et alimentaire, voyons quelles en sont les finalités.  Il s’agit de cesser la décroissance des effectifs d’agriculteurs et de leurs salariés, de protéger notre agriculture da la concurrence déloyale, d’exporter tout en permettant aux agriculteurs des pays pauvres de développer leur propre production, de faire des produits de qualité et sains, de développer la vente directe et la production au plus près des lieux de consommation, de réguler les prix pour qu’ils ne soient ni trop hauts ni trop bas, d’améliorer l’accès à la nourriture pour les plus démunis, de demander à l’Etat d’arbitrer les relations entre la production et la distribution, de produire avec moins d’intrants et bio le plus possible, d’arrêter la course à l’agrandissement et à la productivité, de préserver les paysages et bien sûr de se préparer à nourrir 9 milliards d’habitants.  Comme je l’entends dire quelquefois par ici dans la bouche d’élus qui tempèrent leur enthousiasme « un beau projet comme ça on ne peut pas être contre ».

 

Maintenant, comment le parti socialiste nous propose t-il d’atteindre ces nobles et consensuels objectifs ? Une première mise en bouche est proposée dès le début du texte. « …il est indispensable de réviser le modèle économique et social sur lequel s’est construit la réussite de l’agriculture européenne et de proposer un nouveau modèle économique durable ». Très bien, mais concrètement…Ah ! Il faut se défaire de « la toute puissance de la pensée libérale ». Evidemment, mais encore… « C’est bien en proposant un nouveau pacte entre le monde agricole et l’ensemble des français qu’il sera possible d’offrir des perspectives durables aux agriculteurs ». Oui super, vite la suite… « Notre approche de l’agriculture est résolument différente de celle de la droite »,  ouf, ça me laisse un peu d’espoir, mais alors… « Il s’agit de valoriser des savoirs faire locaux, de sortir de la production de base, de dire non à l’uniformisation des productions ». Euh, oui, on s’y essaie déjà non ? Voyons plus loin. « Le juste échange en lieu et place du libre échange », énorme, oui bien sûr, on jouit presque, mais comment ? « Trouver des réponses dans des systèmes coopératifs innovants dont les modalités de fonctionnement restent à inventer », ah bon, le PS sait qu’il existe des solutions à trouver qui n’existent pas encore et dont il ne sait foutre rien à ce jour si ce n’est qu’il faut y travailler. En revanche ce qu’il sait le PS c’est que « le projet de loi de modernisation de l’agriculture ne répond en rien à la nécessité d’un rééquilibrage des rapports de force ». Et là le PS nous rappelle qu’une tentative autrement intéressante a bien été pensée chez eux il y a longtemps…par Léon Blum et qu’il faudrait peut-être s’y intéresser! Ah bon, quand même ! Et c’était quoi ? « Celle-ci consistait à s’inspirer du droit du travail pour aller vers le modèle des conventions collectives porteuses de construction de nouvelles solidarités entre agriculteurs ». Si quelqu’un comprend ce que ce charabia veut dire, qu’il poste un commentaire sous son vrai nom, je lui offre quelques pommes de mon meilleur pommier. Y’a qu’a, faut qu’on, en guise de plan d’action pour atteindre la liste d’objectifs à la Prévert de ce texte d’orientation. C’est pas un programme, c’est de la branlette politique poussive. La révolution agricole et alimentaire annoncée risque d’attendre encore un peu. Je me demande si un seul des membres du bureau national du PS a lu ce ramassis de considérations inutiles avant de le voter.        

 

Jeudi prochain je vais participer à une table ronde à Montauban dans le cadre d’une journée économique consacrée à l’avenir de la pomme en Tarn et Garonne. Les producteurs qui seront présents en grand nombre dans la salle s’interrogent pour savoir comment surmonter la valorisation catastrophique de leur récolte 2009, ils se demandent s’il y a toujours un avenir économiquement viable pour la production de pomme dans leur département. Il se produit 10 millions de tonnes en Europe dont 1.6 millions en France et le Tarn et Garonne est le premier département producteur du pays, fortement tourné vers l’exportation. Je n’ai pas trouvé les réponses à leur apporter dans le programme du PS. Voilà ce que j’ai envie de leur dire. D’abord en m’adressant à l’Etat, aux politiques justement, je dirai que les arboriculteurs ont besoin de savoir si avant toute autre considération la France veut une production de pommes qui satisfasse les besoins de son marché intérieur ainsi que les besoins de tous les autres marchés extérieurs où elle est tout aussi légitime que ses concurrents pour fournir les pommes souhaitées. Parce que quand on affirme les objectifs dans cet ordre, la suite logique c’est de tout mettre en œuvre pour que la compétitivité du pays soit la meilleure possible vis-à-vis de tous les autres pays concurrents. C’est aussi de se préoccuper de tout ce qui peut faciliter la réussite de l’entreprise. Dans cet ordre là, les normes de production se resserrent au même rythme qu’ailleurs, pas plus vite. En tout cas si des exigences supplémentaires sont souhaitées, leur mise en œuvre ne s’effectue qu’après avoir vérifié l’impact sur la compétitivité.  Quel sens cela peut-il bien avoir de déconnecter la production de normes, de la réalité concrète de la production. Comment justifier durablement devant l’opinion que la première préoccupation d’un pays soit de scier la branche sur lequel il est assis. Je lisais il y a quelques jours un commentaire du président de l’ANIA (industries agro alimentaires) qui corrélait la perte de part de marché des entreprises françaises avec la surcharge normative et réglementaire dans notre pays. Parce que dans ce domaine nous sommes bien largement en tête de peloton. Les temps qui viennent ne vont pas nous laisser beaucoup le choix, nous devons donner la priorité à la compétitivité de notre agriculture, de notre industrie et de nos services et à la croissance. Quand la somme de nos choix individuels conduira à la décroissance, la stratégie pourra alors être utilement révisée, mais pas avant. Enfin si l’on est un politique responsable. Vous imaginez quand même la contre révolution que cela suppose par rapport aux tendances presque immaîtrisables qui sont à l’œuvre. Mais je sais que la prise de conscience est maintenant faite au plus haut niveau de l’Etat et que les réorientations sont en cours.

 

Ensuite je m’adresserai aux arboriculteurs de ce département, comme à moi-même, pour dire qu’ils ont les conditions pédoclimatiques optimum pour être agronomiquement compétitifs par rapport aux autres régions de production du monde. Ensuite, qu’ils soient petits arboriculteurs vendant à cueillir leurs pommes, qu’ils vendent à la ferme, qu’ils soient producteurs expéditeurs et qu’importe la taille, qu’ils soient en bio ou en conventionnel pour parler selon les codes en vigueur, qu’ils soient en coopérative ou adossés à un expéditeur, ils doivent relever tous les défis d’une entreprise. Ils doivent avoir une stratégie, être techniquement performants, talentueux dans la gestion des ressources humaines, en adaptation permanente de l’offre variétale du verger, à l’écoute des marchés, et pour la mise en marché justement se comporter comme des patrons propriétaires capables de dire non et de défendre becs et ongles la valeur des pommes récoltées. Quelque soit le mode d’organisation de ces producteurs, ils doivent raisonner en compte de résultat consolidé de la production jusqu’au départ des marchandises de la station fruitière. Et puis si demain ils sont encore là, c’est que par le passé ils ont du gagner quelque argent qu’ils se sont empressés de réinvestir en consolidant leur fonds propres. Ils devront faire la même chose à l’avenir, parce que la régulation des productions par des arboriculteurs, même très bien informés, se fait et se fera encore localement, nationalement et mondialement par des crises. Parce qu’avec le même nombre d’arbres sur la planète, quelquefois il n’y a pas assez de fruits et d’autres il y en a trop. Et quand les résultats sont longtemps corrects, la production finit par augmenter jusqu’à ce qu’une crise de surproduction vienne sortir du jeu les plus faibles et les plus inadaptés. Et ce n’est pas demain la veille que le socialisme planifiera différemment, instituera d’autres régulations.         

Planter un pommier est une prise de risque, une responsabilité sur le marché qui ne peut être prise que par un entrepreneur averti qui ne délègue pas ses choix à l’Etat, aux politiques.

 

En revanche, au-delà de la maîtrise de sa propre production, l’arboriculteur doit pour renforcer son entreprise coopérer avec tous les autres producteurs du pays pour toutes les questions stratégiques, tous les moyens collectifs qui renforcent la production nationale et son identité. C’est ainsi, en réseau avec les autres producteurs qu’il créera les conditions de l’amélioration de ses propres résultats. 

 

Je sais par expérience que cette réalité n’est pas facile à entendre quand on ne sait pas comment on va pouvoir assurer la récolte de l’année en  cours. Mais de quelle utilité serait un autre langage.

 

PS : Je mets un lien sur une chanson de Renaud en clin d’œil à au moins une personne qui a du beaucoup souffrir en lisant cet article.

       

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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