28 Mars 2010
Eric Besson était l’invité lundi dernier de Nicolas Demorand sur France Inter. Quelques minutes avant son arrivée Stéphane Guillon lui avait consacré un de ces portraits au vitriol dont il a le secret. Il avait choisi de dépeindre Eric Besson en taupe depuis toujours du front national qui venait de remporter un franc succès lors des élections régionales de la veille. Sa marque de fabrique à Guillon, c’est d’aller toujours plus loin dans le politiquement incorrect. Et il y réussit à merveille le bougre. Evidemment pour ça, il faut des textes improbables que seul un humoriste peut se permettre. Je vous cite un extrait : « Tout chez Éric séduit le leader frontiste (Jean-Marie Le Pen, NDLR). Son physique d’abord, à la fois passe-partout et antipathique. Des yeux de fouine, un menton fuyant, un vrai profil à la Iago, idéal pour trahir ». Le type de texte qui vous emmène tout droit au tribunal si vous n’êtes pas labélisé comique. Sans avoir écouté ce que venait de dire de lui Guillon, Besson a réagi dans la foulée à partir de ce qui lui en a été rapporté. Jean Luc Hesse, le patron de Radio France a cru devoir lui présenter les excuses de la maison, compte tenu de la violence de la charge et de la réaction du ministre. Et comme de bien entendu, Stéphane Guillon a ré appuyé là où ça faisait mal le lendemain et le surlendemain. Il ne peut pas en être autrement si l’on comprend qu’il doit garantir au public sa totale liberté et assurer son succès. Je crois quand même savoir qu’il est très bien payé pour avoir ce courage. Et puis, compte tenu de la solidarité médiatique qui s’est manifestée toute la semaine, l’exercice n’est finalement pas si dangereux qu’il en a l’air.
Je me suis souvent demandé comment je réagirais si je me trouvais dans la même situation. Vous venez pour un entretien en direct pour parler sérieusement de votre action alors que le studio bruit encore des rires de toute l’équipe des bons mots que vient de faire Stéphane Guillon à vos dépends. Les auditeurs vont écouter ce que vous avez à leur dire en étant bien imprégnés du portrait peu flatteur qui vient d’être fait de vous. Votre crédibilité à ce moment précis est quasiment proche de zéro. Quelle attitude faut-il avoir ? Le plus payant évidemment c’est de garder le sourire et de faire comme si on avait adoré. Pour ce qui me concerne je préconiserais plutôt de mettre à chaque fois très librement et joyeusement un énorme joli bordel en retour pour casser le déroulement bien huilé et sous contrôle adverse de l’opération médiatique. Non mais, pourquoi se gêner ?
Dominique Strauss Khan s’est retrouvé dans la même situation il y a quelques mois et lui aussi avait réagi sévèrement en début d’interview. Guillon venait d’expliquer aux auditeurs qu’il sautait sur tout ce qui bouge de féminin partout où il se trouvait et avait conseillé à toutes les femmes du studio de se mettre à l’abri du leste lubrique patron du FMI avant qu’il n’arrive.
L’exercice de la réponse outrée et sérieuse n’est pas facile et à presque tous les coups le caricaturé perd face au caricaturiste et passe pour un con mauvais joueur. De plus et inévitablement le peine à rire de lui-même se verra reproché l’atteinte à la liberté d’expression des humoristes qui comme chacun sait est sacrée. C’est pourquoi je préconise plutôt de rester dans la dérision et de refuser dans ce contexte de faire comme si la caricature n’avait pas eu lieu. Demorand serait bien emmerdé si à chaque fois l’invité sortait du cadre proposé et cassait tout dans l’émission et le studio.
Je suis frappé du décalage que nous vivons entre ce que les médias, les commentateurs, les humoristes, les caricaturistes ont le droit de faire et finalement le peu de liberté de critique qu’il y a à leur égard de la part du public. J’ai entendu Jean Louis Bory dire un jour « je suis prêt à me battre pour qu’André Cayatte puisse continuer à faire de mauvais films ». Je suis exactement dans le même état d’esprit vis-à-vis de la liberté d’expression de la presse, des médias, des artistes. Mais je revendique tout autant de liberté pour tout un chacun. Parce qu’il me semble que les mêmes qui sont jaloux de leurs prérogatives en matière de liberté d’expression ont un seuil de tolérance bien vite limité quand cette liberté s’exerce envers eux. Ça me fait toujours penser à ces gamins dans les cours d’école qui sortaient des rangs de la bande pour venir castagner dans le dos un autre gamin un peu malingre et qui se réfugiaient ensuite derrière leurs camarades en meute qui faisaient barrage à d’impossibles représailles. Il y a en effet de la lâcheté à ne pas accepter une égalité de droits pour tous dans la sphère médiatique.
Je vous mets en lien un article du nouvelobs.com qui vous permet de revoir les vidéos de Guillon s’en prenant à Besson.
Pour le même prix je vous mets aussi en lien la vidéo de la mise au point d’Eric Zemmour dans l’émission de Ruquier « On n’est pas couché », à la suite de la cabbale dont il a fait l’objet pour une phrase mal interprétée à dessein. Un grand moment de décodage des dangers de la communication.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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