28 Novembre 2010
Je me félicite chaque jour de ces deux apports essentiels du Général De Gaulle à la France que sont l’appel du 18 juin et l’élection au suffrage universel du Président de la République. Imaginez un instant que les députés soient élus à la proportionnelle et que les grands électeurs choisissent le Président de la République. Il y a fort à parier, comme le disait le fondateur de la cinquième république, que les alliances politiques improbables et de circonstance conduiraient aujourd’hui comme hier à choisir le plus fade d’entre eux comme président. Avec un tel système, comme aurait dit Edgar Faure, l’immobilisme serait bien en marche et rien ne pourrait l’arrêter. Quelque soit la valeur potentielle des hommes et des femmes qui représentent le pays, la dilution des responsabilités conduit à l’irresponsabilité collective et à la chienlit. « Seul le peuple est assez révolutionnaire pour choisir le chef dont il a besoin », disait le Général pour justifier son choix. Et par une alchimie étonnante et pourtant très compréhensible, celui qui reçoit du peuple la mission d’assumer la fonction suprême, face à l’Histoire, de par les pouvoirs qui sont les siens, tend nécessairement vers le service de ce qu’il ressent être l’intérêt du pays.
La séance inaugurale du congrès des maires, mardi dernier, a été une nouvelle fois l’illustration de la pertinence de nos institutions. L’an passé, c’est François Fillon qui était venu s’expliquer devant les maires remontés comme des pendules par le projet de réforme des collectivités locales. Il avait brillamment relevé le défi et réussi l’exercice. Tout simplement parce qu’il avait de très bons arguments et qu’il avait été courageux et convaincant. Cette année c’est le président qui a choisi de venir assumer ses choix face à des maires encore très vindicatifs. Des maires qui pour une partie d’entre eux se sentaient assez légitimes pour le siffler et le huer. Nicolas Sarkozy a sans doute l’air si peu président, pour ceux qui ne perçoivent que l’apparence, les codes et les rites, qu’ils se sentent libres de laisser exprimer leur propre médiocrité. Mal leur en a pris. Le contraste entre leurs préoccupations corporatistes, leur conservatisme mièvre, et l’urgence pour la France de réformer l’empilement paralysant et coûteux de nos échelons d’administration était criant, insupportable, mardi après midi au parc des expositions de la porte de Versailles. Le président après avoir entendu Jacques Pélissard et Bertrand Delanoé exhorter les maires à faire preuve de tolérance et de respect a choisi de rester à la tribune entre le mauvais pitre André Laignel et le très timoré président des maires, provoquant au passage une nouvelle rumeur dans l’assistance. Après avoir repoussé le discours qu’il avait devant lui, il a incarné intensément l’impératif de réforme (voir la vidéo) et les choix essentiels contenus dans la réforme des collectivités territoriales qui vient d’être votée, tout comme la réforme de la taxe professionnelle. En remettant toujours en perspective les réformes proposées avec les enjeux collectifs qui les nécessitent, il démontrait à chaque instant à quel point il est nécessaire qu’un président élu au suffrage universel puisse être le garant de l’intérêt général face à tous ceux qui ne se préoccupent que de leur situation propre et qui semblent si peu concernés par le rôle qu’ils ont à jouer dans le redressement du pays. Il m’a semblé qu’au fil de son discours très direct, grave, la rumeur se faisait plus discrète parmi les maires et que les applaudissements qui ont clos son discours, s’ils n’étaient pas à tout rompre, témoignaient quand même que son message avait été plus largement perçu dans le secret de chacun qu’il n’y paraitrait au premier abord.
Cette séance difficile et salutaire démontre une nouvelle fois, s’il en est encore besoin, l’importance de s’adresser directement au public concerné, sans filtres. Il est des messages qui ne sont bien compris que lorsqu’ils sont entendus intégralement et in situ. Parce que la lecture des journaux du lendemain me laisse toujours perplexe tant ils ne transcrivent pas ou bien peu, ce qui était l’essentiel. Vu par les éditorialistes, Nicolas Sarkozy justifie ses réformes et annonce ses thèmes de campagne pour 2012. Non décidemment c’est bien dans la relation directe avec le peuple que le président peut conduire les changements nécessaires qui permettront de « ne pas sacrifier l’avenir au présent ».
L’exemple caricatural de cette caisse de résonnance réductrice de sens que peuvent être les médias se trouve dans les commentaires incessants liés à l’utilisation ou non du terme « rigueur » par le président ou son premier ministre.
Le premier ministre lui parle de rigueur, sans complexe disent-ils, alors que le président de son côté est réticent ou ne veut pas employer le terme. Faut savoir et qui doit t-on croire, s’interrogent, railleurs, les journalistes. C’est pourtant si bête et si élémentaire à comprendre que je me demande toujours s’ils le font exprès ou si c’est bien plus grave que je ne le pense.
Le terme rigueur est interprété et perçu au sens d’austérité. C'est-à-dire une compression uniforme de tous les budgets. Le terme est en ce sens parfaitement inadapté et le président répète à qui veut bien l’entendre que cette politique ne marche pas. En effet cette stratégie simpliste n’aboutit qu’à déprimer un peu plus l’économie et le pays sans préparer l’avenir. L’adaptation du pays, la sortie de crise, nécessite de rester en mouvement et d’agir structurellement en profondeur sur l’organisation collective pour en améliorer l’efficacité et libérer ainsi les ressorts de croissance du secteur privé. Quitte à investir pour cela. C’est de la réussite des réformes et de leur pertinence que viennent les solutions à la crise. Et cela nécessite de l’investissement, de la formation, de l’action. Evidemment tout cela doit se faire avec méthode et rigueur et des coupes claires dans certains budgets. Mais c’est l’ensemble du dispositif qui fonctionne, pas la diminution des dépenses toute seule. Alexis Brezet l’a bien compris, ça en fait au moins un, qui résume la déclaration de politique générale de François Fillon par ces deux termes, réforme et rigueur. Mais pour un Brezet combien de Guyon ?
La réforme des collectivités territoriales qui ne fait que commencer est l’illustration parfaite de cette politique à conduire. Réduire les budgets sans toucher à l’empilement des étages administratifs et politiques ne ferait que faire exprimer encore plus dramatiquement l’inefficacité du système. Alors qu’en modifiant l’organisation il est possible de faire bien mieux avec des ressources équivalentes et des équipes motivées. C’est évidemment le challenge à relever, le seul qui ait du sens. Et il faut un timonier déterminé qui tienne son pouvoir du peuple, parce sous des airs de vierges effarouchées ou de Tartuffes qui s’ignorent, ce sont bien des résistances corporatistes pour des buts bien éloignés de l’intérêt général que défendent becs et ongles une partie des élus locaux avec leur syndicat de sénateurs.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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