1 Novembre 2012
En répondant à un lecteur du Parisien que travailler 39 heures en étant payé 39 heures n’était pas un sujet tabou, Jean Marc Ayrault a déclenché mardi un petit séisme politique. Parce que comme l’a rappelé François Chérèque, aujourd’hui quand on travaille 39 heures on est payé 40. La durée hebdomadaire légale du travail est de 35 heures et delà les premières heures supplémentaires sont majorées de 25%.
Que le premier ministre lui-même ait pu laisser entendre que les « 35 heures » n’étaient pas définitives démontre à quel point cette question est déterminante pour l’amélioration de la compétitivité.
Des perspectives de croissance qui s’éloignent chaque jour un peu plus, le chômage qui augmente, des comptes publics qui ne se redresseront pas malgré la nette augmentation du pourcentage du PIB prélevé sans que baisse celui dépensé, une balance commerciale déséquilibrée comme jamais, une dette qui va forcément encore croitre, tout conduit à faire de l’amélioration de la compétitivité de la France l’enjeu prioritaire.
C’est dans ce contexte mes chers lecteurs que les conditions d’un choc de compétitivité ont été étudiées.
Chacun y est allé de sa proposition pour réduire le coût du travail, considéré comme l’élément principal de la contre performance. La plus partagée consiste à transférer sur le budget de l’Etat le coût de la politique familiale qui aujourd’hui est incluse dans le coût de revient du travail. Ce n’est pas idiot, mais ça ne change pas la compétitivité globale du pays. Si le prix de revient du produit à proposer hors de nos frontières baisse un peu, la charge nationale reste la même et doit être prélevée sur le pouvoir d’achat des français. Ce que l’on ne fait pas payer au client étranger doit bien l’être par quelqu’un d’autre.
Cette stratégie consiste à baisser le revenu des français pour retrouver un peu de compétitivité en achetant moins et en vendant plus à l’extérieur. Ce choc de compétitivité, c’est malheureusement aussi un choc sur le pouvoir d’achat. Et ce n’est pas forcément efficace si notre manque de succès est en partie lié aussi au manque d’attractivité de nos produits.
Alors il faut bien se rendre à l’évidence, dès lors que les réformes structurelles ne peuvent avoir un effet qu’à moyen terme, et encore faudrait-il les entreprendre, le seul choc réel de compétitivité qui permette de conserver le pouvoir d’achat des français c’est de travailler plus pour le même prix.
La perspective de passer outre la durée légale du travail par des accords internes à l’entreprise ou par branche deviendra vite une réalité. Mais je doute, sauf cas exceptionnel que cela passe par un travailler plus pour le même prix. Le tuilage vers de nouvelles règles se fera par le maintien de la proportionnalité de la rémunération avec le temps de travail. Et les salaires progresseront plus ou moins vite en fonction de la situation économique de l’entreprise et du marché du travail.
En revanche c’est dans la fonction publique que l’évolution sera la plus marquée. La politique du gouvernement à l’égard des agents de l’Etat et des collectivités va vite se traduire par un slogan, quelque chose comme « travailler plus pour maintenir le pouvoir d’achat ».
Contraint par des impasses budgétaires, la valeur du point stagnera, le fameux glissement va moins glisser et la seule façon pour les agents de maintenir leur pouvoir d’achat sera de travailler plus en gagnant proportionnellement plus de salaire dévalué. Jusqu’à revenir autour du temps de travail dans la fonction publique en Allemagne. Ce n’est que justice que ce soit un gouvernement socialiste qui ait à assumer cet effacement progressif des 35 heures qui ont mis au fil du temps la France dans une situation inextricable. Mais quand on voit comment la gauche a pu réussir à revenir sans coup syndical férir sur l’avantage acquis des heures supplémentaires sans retenues de charges sociales ni impôt sur le revenu, on peut être très confiant sur la subtilité des ruses qu’ils utiliseront pour faire avaler les couleuvres.
Tout vient à point qui sait attendre comme vous le savez happy taxpayers et très chers lecteurs. Il y a bientôt quatorze ans maintenant que je sais que ce moment de vérité va arriver. C’est bien plus long que ce que j’avais anticipé mais le changement à venir sera bien plus fondamental que je ne l’avais imaginé.
La scène que nous vivons est finalement assez drôle. La France est un pays en bonne santé qui essaie de se faire passer pour handicapé et à qui le monde entier rappelle cyniquement en boucle « pas de bras, pas de croissance. »
Je vous régale aussi mes chers lecteurs de deux articles en pièces jointes Pdf qui affichent un succès record et justifié sur le Monde.fr.
La première est due à Denis Kessler et est sans doute le meilleur article consacré à ces fameuses 35 heures que j’ai pu lire depuis longtemps.
La deuxième est un article du journaliste Arnaud Leparmentier, grand connaisseur de l’Allemagne qui dit des choses intéressantes sur le regard que l’Allemagne porte sur la France socialiste.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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