27 Octobre 2013
L’annonce est passée presque inaperçue cet été. Au tout début du mois d’aout, un premier portique « écotaxe » était abattu et brulé par des manifestants, à Guiclan dans le Finistère.
Je pressentais déjà que, si une opposition radicale à cette taxe devait se manifester quelque part, ce serait forcément en Bretagne. La Corse en effet s’est vue dès l’origine du projet prudemment exonérée de ladite taxe pour compenser son handicap d’insularité. Une discrimination positive de plus pour l’ile de beauté au plastic impeccable.
L’autre raison est liée à l’histoire très particulière du réseau de routes à deux fois deux voies bretonnes. Il faut se souvenir que lors de son dernier discours à Quimper en 1969, le général De Gaulle avait annoncé le plan routier breton et sa gratuité censée compenser l’éloignement particulier de cette région du reste de l’Europe. Les symboles ont la vie dure. Crise économique aigüe aidant, les bretons ont donc troqué hier leurs célèbres chapeaux ronds pour ces mêmes bonnets rouges enfilés en 1675 contre Colbert et ses impôts. Et ils sont repartis à l’assaut de la marque nouvellement érigée de l’intolérable infamie.
Le dernier des trois portiques « écotaxe » encore debout dans le Finistère a donc eu très chaud hier du côté de Pont-de-buis. Il y a bien longtemps il me semble que nous n’avions plus vu un tel bordel chez les celtes.
Le gouvernement avait pourtant tenté d’anticiper la révolte en concédant une décote de 50% pour la lointaine Armorique, ses artichauts, ses choux-fleurs et ses cochons. La ruse n’a pas marché.
Comme presque toujours, cette taxe est née d’une apparente belle idée. Pour mettre un terme au développement du tout camion pour le fret et financer des modes de transports alternatifs comme le rail, le fluvial ou le cabotage côtier, il paraissait judicieux de taxer l’utilisation des routes nationales. D’autant plus qu’une technologie simple permet de mesurer maintenant le chemin parcouru et d’envoyer la facture à l’utilisateur.
Malheureusement, cette simplicité apparente nécessite 700 millions d’investissement, puis près de 250 à 300 millions de coût annuel de fonctionnement pour 1 milliard de produit attendu. Et contrairement aux autres charges des transporteurs, l’Etat s’est mêlé d’aider ces derniers à refacturer celle ci aux clients. Et c’est là mes chers lecteurs que l’usine à gaz arbore ses plus beaux tuyaux. Comme la refacturation à l’euro réel est impossible à instituer par un taux, un barème hyper sophistiqué a été mis en place. Il est sensé tenir compte des multiples taux de la taxe selon les régions et de la densité du réseau routier régional taxé.
Un taux automatique additionnel vient donc s’ajouter en pied de facture, comme pour la TVA. Ce taux tient compte du lieu de chargement et de celui du déchargement, donc de la ou des régions traversées. Et comme vous venez de le découvrir mes chers lecteurs, cette nouvelle obligation peut conduire à de la création de marge artificielle pour le transporteur, s’il empruntait par exemple une autoroute payante pour livrer son client avant ladite taxe. Les clients calculent donc eux-mêmes cette marge d’aubaine dont bénéficie leur prestataire pour en tenir compte dans la négociation du prix. Et c’est ainsi une nouvelle fois que Bercy est grand et le peuple atterré, tout comme votre bloggeur libéral préféré
Les quatre vices principaux de cette taxe sont les suivants. Elle renchérit le coût de la consommation des français d’un milliard d’euros au pire moment. Son rendement dans le meilleur des cas n’est que de 70%. C'est-à-dire que l’euro collecté auprès du consommateur ne permet que 70 centimes d’investissement. Elle infantilise et pervertit la relation client fournisseur en se mêlant d’aider ce dernier à faire prendre en charge cette taxe par son client. Enfin, elle ajoute de nouveaux très gros grains de sable dans les rouages déjà bien grippés d’une économie qui n’en peut mais.
Les français supportent déjà une gigantesque écotaxe qui s’appelle TIPP. Si 700 millions doivent absolument être collectés pour investir, il est très facile d’alourdir cette taxe qui rapporte déjà entre 20 et 25 milliards chaque année. Une simple augmentation de 4% de la TIPP fait l’affaire. Ce sont de toute façon à peu de chose près les mêmes consommateurs qui paient dans les deux cas.
Mais ne vous y trompez surtout pas. Cette augmentation n’est pas ma préconisation. Je recommencerai à penser à l’impôt quand tout le travail de réforme, de réduction des dépenses et des prélèvements aura été fait.
Bon, j’ai été un peu long sur le sujet. Mais c’était pour tenter de convaincre ceux d’entre vous mes chers lecteurs qui doutent encore de l’intérêt de me nommer au moins ministre des finances de notre beau pays.
Cette écotaxe n’est que l’un de ces multiples nouveaux prélèvements qui suscitent un peu partout dans le pays une atmosphère de jacquerie et de révolte. « Ce qui est ressenti en Bretagne l’est dans toute la France » vient de dire ce soir très justement au Figaro Jean François Copé.
J’ai reçu avant-hier soir le coup de fil d’un syndicaliste d’une grande entreprise charentaise qui me relatait son exaspération et celle de ses collègues face à l’annonce du gouvernement d’imposer à 15% les plus values issues des PEL et des PEA, tout comme de l’épargne d’entreprise et des assurances vie. Le tout assorti d’un reproche qui m’est assez régulièrement adressé ces derniers temps : « on ne vous entend pas beaucoup ».
Par chance le gouvernement, par la voix de son ministre du budget, semble avoir promptement changé d’avis hier pour stopper avant qu’il ne soit trop tard la grogne sourde qui montait de tout le pays. Je n’y suis évidemment pour rien, mais au moins sur ce coup là, le repli stratégique rapide du gouvernement m'aura été utile. L’alerte aura été chaude mais de courte durée.L'assurance vie n'a pas eu la même faveur quand même.
Il n’en reste pas moins que face à la succession ininterrompue d’initiatives désespérantes de la part du gouvernement, j’ai depuis longtemps renoncé à monter au créneau à chaque fois pour les critiquer, voire les dénoncer. D’abord sans doute, parce que je ne me sens vraiment au mieux de mon utilité que du côté du manche, des propositions positives et de l’action. Beaucoup moins à la tête des cortèges revendicatifs. Et puis surtout parce que la vraie question qui me taraude a pris depuis longtemps le pas sur la recherche d’une popularité qui pourrait venir d’une opposition vigoureuse et systématique de tout ce qui est décidé par le pouvoir et qui ne plait pas.
Je ne sais plus combien de fois j’ai eu recours à cette citation de Bossuet qui illustre mieux qu’un long discours la raison de nombre de nos difficultés. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».
Je sais depuis longtemps que l’on peut obtenir une belle unanimité en dénonçant l’absence de croissance, le commerce extérieur déficitaire, le chômage, les prélèvements obligatoires trop élevés, la dépense publique hors normes, l’endettement abyssal du pays, le mille feuille territorial, l’overdose de normes et de réglementations, le principe de précaution, l’insécurité, j’en passe et des plus décriées. Mais en revanche dès lors qu’il s’agit de s’attaquer avec pragmatisme et courage aux causes et de proposer le programme exigeant pour soi même et pour les autres que cela suppose, les soutiens s’évanouissent promptement.
L’égalité a tellement été mise à mal dans le pays par une infinité de régimes spéciaux électoralistes que toute tentative de refonder le système suscite une levée de boucliers fiscale et sociale de tous les concernés. C'est-à-dire du peuple tout entier. Le point de non retour est sans doute franchi depuis longtemps déjà. La réforme est devenue presque impossible en dehors de circonstances tout à fait exceptionnelles qui la rendront nécessaire et acceptable.
C’est pour cela que la stratégie du plus d’impôts perdure. Il semble toujours plus acceptable d’accentuer encore la pression fiscale en grattant partout où cela semble encore possible que de tenter de remettre plus fondamentalement en cause le système. Et il se trouve encore une infinité de commentateurs imbéciles pour justifier le toujours plus d’impôts par l’appel à la solidarité, à la correction des inégalités intolérables et au financement des services publics.
Comme le retour à une voie plus vertueuse reste très improbable, le FMI toujours très réaliste s’est fait le chantre d’une solution radicale. La France comme d’autre pays est très endettée. Les français sont donc moins riches qu’ils ne le croient. L’épargne dont ils disposent devrait donc utilement être ponctionnée pour ramener la dette à un niveau qui permette de continuer l’illusion comme avant et cela jusqu’à la prochaine overdose. D’où cette proposition de taxer les avoirs des épargnants, un peu comme cela avait été proposé à Chypre. C'est une autre façon de dévaluer quand on est tenu par la monnaie unique. Bercy a retenu la leçon et cherche par tous les moyens à diminuer les avoirs financiers des français pour réduire un peu la dette sans trop impacter l’activité économique. Ce n’est vraiment pas gagné comme nous venons de le voir.
Au milieu de cet embrouillamini et toujours à la recherche des meilleurs moyens à mettre en œuvre pour initier les français à l’économie, je suis devenu fan de la fameuse taxe à 75%.
Peut-être dira t’on un jour que c’est grâce à cette promesse opportuniste de campagne que le quinquennat de François Hollande aura permis de faire progresser nettement la compréhension de l’économie de marché chez les français. Et pas seulement chez les supporters du foot.
Souvenez-vous. Au départ il s’agissait de confisquer 75 % des revenus perçus par un foyer fiscal au-delà du million d’euros. Le projet a vite été abandonné tant il forçait à l’exil à la fois les cadres des grands groupes mais aussi les sièges sociaux. Cette guillotine fiscale restait pourtant une promesse de campagne très populaire parmi tous ceux qui ont un peu de mal à imaginer que l’on puisse gagner un million d’euros. Moi-même mes chers lecteurs, je trouve la somme assez rondelette.
Qu’à cela ne tienne et quitte à changer radicalement l’objectif poursuivi, la taxe à 75% est revenue sur le devant de la scène. Ce ne sont plus les bénéficiaires qui doivent être taxés, mais ceux qui les emploient. Les hauts revenus sont donc épargnés et ce sont donc les entreprises qui régleront l’addition. Donc au bout du compte les consommateurs.
Je suppose que les grandes entreprises ont absorbé le choc en considérant l’impact sur leur fiscalité globale. La voilure des sièges sociaux a pu être diminuée au profit d’autres localisations et tous les leviers de l’optimisation fiscale ont été déployés pour contrer le coup de bambou.
Cette nouvelle taxe aurait donc pu permettre de sauver la face en faisant croire que la promesse a été tenue. Ce qui est parfaitement faux et mensonger. Mais voilà, c’était compter sans le foot. Parce que c’est plutôt là que dans les entreprises que l’on trouve les salaires au dessus du million d’euros en grand nombre, proportionnellement au chiffre d’affaire et à la masse salariale totale. Ils sont plus d’une centaine à toucher bien plus qu’un million d’euros pour jouer au ballon rond.
Le gouvernement sentant la catastrophe inévitable arriver s’est empressé d’instituer un bouclier fiscal en limitant cette surtaxe à 5% du chiffre d’affaire des clubs. Mais voilà c’est encore trop et les clubs se rebiffent, passent des pleines pages de protestation dans les journaux et décident de faire grève. Le président doit les recevoir à l’Elysée cette semaine.
Ce qui a pu me surprendre dans un premier temps c’est que les supporters et l’opinion publique restent en faveur de la taxe. Et on a entendu qu’au prix où les clubs payent les joueurs il est normal qu’ils s’acquittent de la taxe. Le gouvernement pour une fois reste donc intraitable après avoir concédé le bouclier fiscal. L'opinion est avec lui.
Que va-t-il se passer maintenant. Les clubs après avoir protesté trouveront’ils les ressources nécessaires auprès des annonceurs, des chaines de télé et des spectateurs de matchs ? Ou bien devront-ils recruter des joueurs moins chers et quitter la scène du meilleur niveau, au risque de devoir baisser les prix pour les annonceurs, les chaines télés et les spectateurs des matches ?
Dans ce dernier cas, qui reste le plus probable, les supporters et autres spectateurs seront les premiers à revendiquer des joueurs qui marquent des buts et de l’ambition pour le foot français. C’est depuis tous les stades de France que montera alors la révolte contre cette taxe absurde. Et si c’est bien le cas, cette taxe aura été bien plus utile pour la compréhension des mécanismes de l’économie que bien des discours.
Peut-être même que l’overdose fiscale qui submerge le pays assure cette même pédagogie à grande échelle et prépare la voie du changement soutenue par des consommateurs contribuables plus aguerris pour lutter contre la dépense publique et les impôts qui vont avec.
Comme tout se finit toujours en chansons, je vous glisse trois vidéos prises sur You Tube.
Edit Piaf chante « Ah, ça ira, ça ira ! ». Il suffit de remplacer aristocrates par technocrates, eurocrates ou bobocrates pour mettre au goût du jour le texte.
Lou Reed qui nous a quitté aujourd’hui chante « Walk on the wild side». Il est définitivement underground comme je viens de le lire quelque part. Faut tout réécouter de lui.
Et pour finir je vous propose mon coup de cœur pour Billie Arnold dont je vous ai déjà parlé ici. Elle présente et dédicace son premier CD mardi matin au Centre Leclerc de Barbezieux.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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