30 Mai 2010
La semaine passée, un patron d’une petite entreprise de ma commune, lourdement équipée en matériel, faisait le compte devant moi du montant très conséquent de sa réduction d’impôt liée à la réforme de la taxe professionnelle. J’en ai rencontré d’autres qui en revanche faisaient plus grise mine, parce que la nouvelle Contribution Economique Territoriale leur coûte bien plus cher que la taxe professionnelle qu’elle remplace. En effet, pour les entreprises plus importantes qui dégagent une forte valeur ajoutée sans beaucoup d’immobilisations matérielles, l’effet est inverse. Pour l’instant, au global, les entreprises contribuent un peu moins qu’avant. Le manque à gagner pour les collectivités est compensé par l’Etat pour que le tuilage se fasse en douceur. La mutation de cet impôt, souhaitée quasiment depuis sa création et amorcée par Dominique Strauss Khan en 1999 avec la suppression de la part salaire dans l’assiette, est enfin accomplie.
La volonté des initiateurs de la Taxe Professionnelle en 1975 était clairement qu’elle soit une charge fixe des entreprises dont le produit avait vocation à donner les moyens budgétaires aux collectivités de financer les équipements et les infrastructures publiques induites par leur présence et leur développement. Trois assiettes avaient été définies, la valeur d’achat des matériels immobilisés, sans diminution de valeur jusqu’à leur suppression définitive de l’actif, les salaires et la valeur locative des locaux. Cette taxe est très vite devenue pénalisante pour l’industrie qui nécessite de très lourds investissements. Paradoxalement les entreprises de service, plus favorisées sur ce plan, se trouvaient contribuer moins, proportionnellement à leur activité. Le bricolage a commencé par diverses exonérations et un plafonnement du montant de l’impôt en fonction de la valeur ajoutée. Ensuite c’est la part salaire qui est sortie de l’assiette. A chaque fois l’Etat a neutralisé la perte pour les collectivités en prélevant sur le budget général, ou en gonflant la dette publique pour être plus objectif.
Au fil du temps et de rapport en rapport, l’idée de faire de la valeur ajoutée l’assiette principale de la contribution des entreprises aux collectivités locales à fait son chemin. Cette solution permettait d'enfin rééquilibrer la contribution des entreprises entre elles. Le risque évidemment était que cette évolution réintroduisait de fait la part salaire dans l’assiette. D’où la prudence sur le taux pour éviter qu’en se préoccupant de maintenir les entreprises industrielles on accélère la délocalisation des entreprises de service, bien plus mobiles. L’instauration d’un taux national a forcément été ressentie comme une perte de pouvoir local. Sans doute. Mais la liberté locale doit elle se traduire par des taux toujours plus élevés, pour la bonne cause bien sûr, mais au prix d’une perte de compétitivité et de freins à la croissance, et donc d’un rendement collectif au final décroissant ?
L’intérêt de cette réforme c’est aussi de modifier les tableaux de bord des élus en les amenant à s’intéresser à la création de valeur ajoutée sur leur territoire et à tout ce qu’il faut mettre en œuvre pour la favoriser. C’est sans doute l'autre évolution importante liée à cette réforme. Parce que la fiscalité locale était principalement une fiscalité sur les stocks, immobilisations des entreprises, foncier bâti et non bâti, taxe d’habitation pour l’occupation du bâti. Avec ce type de recettes, les élus finissent par penser que leur gestion est indépendante des questions nationales que sont la compétitivité et la mondialisation. En changeant de repères, le pays s’allie les décideurs locaux pour relever les défis économiques. Enfin peut-être pas tous quand même.
Cette semaine la presse s’est faite l’écho de la publication du rapport Durieux sur l’impact de la réforme de la fiscalité locale. Comme prévu le changement d’assiette doit permettre une progression de produit plus dynamique que précédemment. Il y aura évidemment l’effet amortisseur de la compensation de l’Etat dont on peut facilement imaginer qu’elle ne connaîtra pas la même évolution. Mais au final, sur le long terme si cette modification de la fiscalité permet un meilleur développement économique, il y aura forcément plus recettes collectives que si l’économie était plus pénalisée.
Pour les plus curieux d’entre vous, je mets en lien le rapport Durieux ainsi que l’échange à l’assemblée entre le député Michel Piron, (que nous avons reçu en Charente sur le thème de la réforme des collectivités territoriales) et Christine Lagarde. Je vous mets aussi un petit résumé de l’affaire qui m’a aimablement été transmis par un éminent praticien de la chose localement. Merci AL.
Au fait, je crois savoir que le Conseil Général va entreprendre dès demain une grande tournée dans tout le département pour présenter très objectivement les conclusions de ce rapport. Alléluia.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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