9 Octobre 2006
En se séparant hier soir à Montchaude, après avoir assisté à un de ces moments d’exception où on se sent sur un nuage, chacun exprimait à sa façon le plaisir ressenti. J’ai ainsi entendu quelqu’un dire : « on a de la chance ». Déjà l’an passé lors de la première édition de ce concert festival d’automne dans la salle municipale, et aussi ancien cinéma de Baignes, Renaud nous avait donné à écouter Fred et Anis qui depuis connaissent un vif succès. Le public bien trop confidentiel savait qu’il avait en effet de la chance de bénéficier d’un concert intimiste de ces deux artistes. Cette année encore le public peut-être encore trop modeste (150 personnes) n’a pas été déçu. Pour l’occasion les organisateurs, surtout les femmes, avaient soigné l’accueil et la décoration de la salle ou nous étions attendus pour le spectacle. L’ancien cinéma de Montchaude n’avait hier soir rien à envier à ces clubs de renom et à ces lieux qui voient défiler les talents en devenir ou confirmés. Ce soin du détail s’il m’a touché n’a pas du laisser non plus indifférent Marie Cherrier, Stéphane Traumat et Emily Loizeau. Les conditions offertes pour l’expression de leur talent étaient à la fois modestes et idéales. J’ai même entendu dire Renaud que la sonorisation était presque trop parfaite, c’est vous dire… Il y a une patte, une identité qui s’affirme pour la programmation culturelle sur ce territoire des 3B qui est une vraie chance pour tous ceux qui veulent à la fois vivre ici et être au cœur d’un monde qui bouge.
J’écoute et je réécoute aujourd’hui les albums (dédicacés) de Marie Cherrier et Emily Loizeau que j’ai pu acquérir hier soir. Les textes sont riches, poétiques et témoignent de cette précieuse liberté d’expression qui si elle peut sembler naturelle n’est pourtant jamais définitivement acquise.
Le 19 septembre un philosophe, enseignant dans un lycée de la banlieue toulousaine, publie dans le Figaro une tribune dans les pages débats qui s’intitule « face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? ». Deux jours après la parution de son texte un forum djihadiste sur internet publie sa photo, son adresse, son téléphone, le plan de Toulouse avec le chemin pour venir chez lui avec l’injonction suivante : « il faut couper la tête à cet homme ». Et sur la chaine Al-jazira un iman influent du monde musulman le condamne également. Il vit depuis sous protection judiciaire, enfermé depuis deux semaines, séparé de sa famille.
J’ai lu son texte après sa publication (demandez à Google). L’éclairage qu’il donne de l’islam et du Coran est en effet agressif, sévère et pour tout dire peu commun, mais rien qui ne relève d’autre chose que de la liberté fondamentale d’expression et de débat. Je soutiens sans l’once d’une réserve le droit de Robert Redeker de dire et d’écrire ce qu’il a écrit. A travers ce qu’il vit et les menaces proférées à son encontre nous mesurons le prix qui peut-être payé pour avoir usé de la liberté d’expression. Nous mesurons aussi ce que la terreur assumée peut produire d’autocensure et comment elle peut rendre immédiatement purement théorique ce droit fondamental. Sud Ouest dimanche publie une interview du philosophe réalisée dans son refuge. On ressent qu’il se retrouve bien seul et que les messages ou les déclarations de soutien qu’il reçoit sont plutôt empreintes de retenue et encore quand ils existent. On comprend alors le risque élevé qu’il y a à user de sa liberté d’expression face à des menaces de mort occultes, mais bien réelles. Et à cette aune on mesure la fragilité de ce droit et la « facilité » avec laquelle on peut en suspendre l’usage. Si comme l’explique avec autorité Jean Daniel dans le nouvel observateur de cette semaine injurier l’islam n’est pas la meilleure façon de combattre l’islamisme radical, la défense de la liberté d’expression n’autorise quant à elle aucune faiblesse face à cette idéologie totalitaire et à toutes les autres. J’ai lu il y a quelques semaines l’essai d’Alexandre Adler « rendez vous avec l’islam » qui montre l’extrême difficulté de la lutte contre la logique interne du développement de l’islamisme radical qui sait se nourrir de toutes les stratégies qui peuvent être mises en œuvre contre lui d’où qu’elles viennent. J’aspire au libéralisme politique et l’un de mes auteurs de référence sur ce thème est Ghandi, ce qui surprend souvent. J’y puise avant toute autre enseignement la démonstration de notre responsabilité individuelle sur le cours des choses et comment ce que nous sommes et faisons est déterminant. Je crois qu’il appartient à chacun de nous d’exprimer sans faille et sans animosité notre soutien pour la liberté d’expression de Robert Redeker ou bien encore de Philippe Val le directeur de Charlie Hebdo que le MRAP assigne en justice pour avoir publié des caricatures de Mahomet. Je suis athée et pourtant j’entre facilement dans un temple qu’il soit protestant ou bouddhiste, une église, une mosquée, enfin tous les lieux qui expriment la dimension spirituelle de l’humanité et je m’y sens bien. Je suis beaucoup plus prudent avec la dimension temporelle et politique de la religion et sa cohorte de dogmes et de croyances. La laïcité est précieuse en France comme en Turquie et un monde mature peut-être laïc et spirituel. Je suis pressé de lire sur ce sujet le dernier livre d’un autre philosophe que j’apprécie, André Comte Sponville, qui s’intitule « l’esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu ». A suivre…
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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