2 Juillet 2006
J’aime partir, m’asseoir dans un TGV, un avion ou une voiture pour aller quelque part. Ça m’excite à penser et à rêver, comme dirait BHL. C’est sans doute dans ces moments là où je m’imagine le mieux les avenirs possibles. Mercredi dernier j’étais à Paris et je me suis levé tôt. En passant vers 6h45 devant l’hôtel de police du 14ème arrondissement j’ai vu cette très longue file d’attente, principalement des asiatiques, dont j’ai eu confirmation dans l’édition du Monde de l’après midi qu’ils voulaient saisir l’opportunité offerte par Sarkozy de se faire régulariser. La plupart étaient là sans doute depuis 3h du matin. Je suis toujours partagé entre la nécessité de l’application de la règle qui garantit l’équité et le droit du plus faible et l’hospitalité nécessaire de notre pays qui a beaucoup à gagner et à apprendre de tous ceux qui ont fait ce choix inimaginable de partir de leur pays clandestinement pour essayer de vivre mieux chez nous. J’aimerais d’ailleurs avoir plus de temps pour dialoguer avec ces réfugiés politiques qui me sont proposés depuis deux ans pour la cueillette des pommes par le service départemental d’accueil et pour lesquels j’ai souhaité participer au difficile parcours qui les mènera peut-être à bénéficier d’une autorisation de séjour. J’essaie d’imaginer ce qu’ils ont pu vivre en Tchétchènie, en Algérie ou au Nigéria et qui les a conduit à fuir. J’en sais quand même un peu plus pour l’un d’entre eux à qui j’ai signé un CDI pour qu’il ne soit pas expulsé avec sa famille. Mais rassurez vous il n’y a rien de purement désintéressé de ma part, il travaille. J’ai simplement eu une prise de risque et une écoute un peu plus attentive à sa demande qui ont été largement récompensées.
Arrivé un peu plus tard à la gare du Nord en attendant le Thalys de 8h pour Bruxelles je m’assois pour boire un café dans le hall de la gare. A la table d’à côté deux messieurs sont plongés dans la lecture de Libé. L’un d’eux est Jacques Delors. Je l’observe attentivement en pensant aux très grandes responsabilités qui ont été les siennes et à sa fille qui m’a longtemps obsédé avec ses 35 heures.
Ils sont partis avant moi sans doute pour une autre destination. La démarche de ce grand monsieur n’est plus très assurée. Au téléphone il me vient bêtement l’envie de dire à mon interlocuteur que c’était peut-être comme marcher dans la m…. et que ça devait porter bonheur. Un peu plus tard arrivé à Bruxelles dans le taxi qui me conduit au lieu de la réunion, un hôtel équipé de salles à une encablure du siège de la commission européenne, je souris en écoutant les échanges en Belge, avec les intonations et l’accent, entre les chauffeurs et le central. C’est ma première participation à cette commission de l’interprofession privée Freshfel qui réunit des importateurs européens de fruits et légumes ainsi que des distributeurs et des organisations de producteurs. Pour ce qui me concerne j’y suis au titre de représentants des producteurs de pomme de France. Quatre heures plus le déjeuner d’échanges en anglais sur le thème palpitant de l’harmonisation des limites maximales de résidus en Europe, l’attitude face au lobby des ONG à Bruxelles et surtout en Allemagne (Greeenpeace, WWF et autres) ainsi que sur la multiplication et les surenchères des certifications qualité demandées par la distribution à des fins surtout marketing. Mal de tête garanti mais je perçois quand même la nécessité de ce travail commun. Dans le couloir qui permet l’accès aux différentes salles une exposition de beaux tirages photos en noir et blanc d’un photographe qui dédie chacun de ses clichés à un grand nom de la photographie en l’intitulant « à la manière de », Walker Evans, Margaret Bourke White ou autre Eugène Smith. Superbe. Pendant le déjeuner, j’engage une discussion difficile (son anglais était approximatif et mon Turc se limite à quelques mots dont je suis très fier pour les avoir appris lors d’un séjour de cinq semaines dans la petite ville d’Egridir en 1991 pendant lesquels je contrôlais les expéditions des pommes rouges que j’avais achetées) avec un producteur expéditeur de poivrons Turc d’Antalya. Je retiens son envie d’Europe et son invitation à venir produire en Turquie avec cet argument choc de la main d’œuvre abondante et bon marché. Pour prendre le taxi qui me ramènera à la gare je marche devant le bâtiment de la commission métallique et lumineux en pensant que je dois y revenir dans quelques jours avec une délégation qui représentera les régions fruitières et légumières d’Europe ( surtout Emilie Romagne, Catalogne et France) pour proposer une norme pour la production fruitière intégrée à laquelle nous avons travaillé une dernière fois à Barcelonne le 8 juin. J’achète le numéro de Télérama consacré à Raymond Depardon qui est cette année le directeur artistique des rencontres d’Arles qui commencent. J’ai de l’admiration et de l’intérêt pour son immense travail. Je pensais pouvoir me libérer cette année pour passer du temps à Arles. J’avais fait quelques repérages rapides l’an passé en août pendant un périple de visite de clients. Une autre fois sans doute. Le Monde daté d’aujourd’hui consacre un article intitulé « Raymond le boulimique » à ce grand photographe et cinéaste qui culpabilise encore de ne pas avoir repris la ferme familiale du Garet.
J’avais lu mardi soir le long article de Lionel Jospin dans le Monde toujours. Çà se termine par espoir. Je ne suis pas convaincu mais ça ne surprendra personne. En reprenant ma voiture à Angoulème j’allume France info qui reprend en boucle les déclarations du soir du même Lionel qui se pose en candidat potentiel pour la présidence. Beaucoup d'images, de lectures et de discussions. So what….
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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