2 Mars 2009
« Dans vingt ans, mon souhait, c’est que notre système soit fondé sur les régions et de grandes communes » à déclaré sur France Culture Edouard Balladur qui préside le comité de réforme des collectivités locales. En peu de mots il résume l’orientation essentielle qui se dégage du rapport élaboré sous son autorité. Pour ceux que le sujet intéresse il est indispensable de prendre le temps de lire l’intégralité de ce rapport pour vérifier par soi même la pertinence du raisonnement et des analyses qu’il contient.
C’est une occasion de plus de mesurer la partialité abêtissante de nombre de déclarations politiciennes assénées et retransmises en boucle dans les médias depuis quelques jours. La dame des trente cinq leurres en tête, comme tout près de nous le président du conseil général dans son dernier édito de Tonus Charente et plus généralement les innombrables conservateurs de tout poil, ont sorti le bazooka pour dénoncer une opération qui viserait selon eux uniquement à faire taire les contre-pouvoirs de gauche, majoritaires dans les collectivités locales. Dommage une nouvelle fois que tous les arguments et tous les stratagèmes soient utilisés pour que surtout rien ne change. La technique est éprouvée. Majoritairement et le plus souvent toutes tendances confondues, les élus s’emploient à désigner hors de leur sphère de responsabilité directe les supposés responsables de tous nos maux en garantissant que pour ce qui concerne les collectivités la bonne gestion est forcément incontestable et qu’il est impossible de faire mieux. C’est circulez il n’y a rien à voir. Gonflé, mais jusque là ça marche plutôt bien il faut le reconnaître.
Nous avons pourtant un réel problème d’efficacité de notre organisation territoriale, de notre Etat tout comme de l’Europe. La première mission de l’élu c’est pourtant d’améliorer en permanence ce qui dépend d’abord de lui. Sa crédibilité pour proposer des évolutions à la société tout entière devrait en dépendre. Nous en sommes encore loin.
La tendance lourde de l’évolution de notre organisation territoriale est bien celle-ci. De commune-département-Etat-Europe nous allons vers « grandes commune »-région-Etat-Europe. L’intérêt du rapport c’est de défricher les voies possibles pour atteindre cet objectif, par la refonte de la fiscalité locale, la spécialisation des compétences et la légitimité démocratique. En douceur.
En revanche je ne crois pas que nous connaîtrons maintenant d’évolutions sensibles des périmètres des communautés existantes pas plus que des régions. Il aurait fallu y penser avant. A mon sens toutes les incitations envisageables ne suffiront pas pour que les communautés ou les régions fusionnent ou éclatent. Les grandes communes de demain seront les communautés d’aujourd’hui complétées des communes encore isolées à ce jour. Paradoxalement ce sont les très grandes communautés pour qui l’évolution vers une intégration plus poussée et une fiscalité votée à l’échelon communautaire sera politiquement la plus difficile. Les communautés de dimension cantonale n’ont pas à faire de complexe. Je suis de plus en plus convaincu que la légitimité démocratique qui s’impose pour les communautés de communes limite nécessairement le nombre de communes qu’elles peuvent réunir. Mais bien entendu et quelques soient les évolutions futures, je suis très reconnaissants aux fondateurs de la communauté de communes des 3B d’avoir réussi à réunir en 1996 36 communes (devenues 37 depuis) pour un peu plus de 16000 habitants. La « grande commune » au sens donné par Balladur atteint sans doute ici sa limite et le challenge est toujours d’envergure, mais le potentiel de développement est assez idéal, il faut le reconnaître.
Pour ce qui concerne les pays dont j’ai souvent dit ici à quel point ils étaient le plus souvent contre productif pour les contribuables, en ce qu’ils devenaient des lieux de pouvoir troubles au fonctionnement démocratique très approximatif. Les maîtres d’ouvrage que sont les collectivités membres doivent pour accéder à certains financements verser une sorte de bakchich inutile à ceux qui sont sensés les servir mais qui en fait les commandent. Bien sûr la loi a d’une certaine façon contribué à légitimer cette aberration non souhaitée à l’origine.
Pour que le contribuable comprenne bien en ces temps de crise de quoi les mêmes qui hurlent à la relance par la consommation sont quelquefois capables quand ils tiennent le manche, il faut se pencher sur la proposition du président du pays Sud Charente quant aux cotisations demandées à ses membres. Le syndicat mixte dispose depuis longtemps d’une tirelire bien garnie relative à une épargne constituée du temps où ce syndicat assurait la collecte et le traitement des déchets. Il y a deux ans nous avions obtenu que cet argent qui dort soit investi dans les projets des membres et soit pré affecté dans ce but. Il faut du temps pour que les projets concernés se mettent en œuvre et l’argent demeure pour l’instant dans la tirelire.
Dans ce contexte il est assez incompréhensible qu’il soit demandé aux membres d’augmenter leur cotisation alors que la tirelire du pays est toujours bien pleine. La logique la plus élémentaire en ces temps de crise où il est demandé aux collectivités de se mobiliser pour investir et freiner la baisse d’activité, ce serait de puiser dans la tirelire et de se mobiliser pour soutenir dès cette année tout ce qu’il serait possible de financer dans les communautés pour que non seulement elles ne soient pas prélevées indument cette année mais qu’en plus tous les efforts soient faits pour ramener à zéro la cagnotte. La contribution à la relance en épargnant la trésorerie des maîtres d’ouvrage que sont les communautés et en plus en les aidant dès cette année pour leurs investissements, aurait vraiment tout son sens. En ces temps aussi de redéfinition de l’organisation territoriale on aurait pu penser que cette stratégie témoignerait d’une certaine écoute des problèmes posés. Et bien non c’est tout le contraire qui est fait. C’est la consolidation de l’anachronisme qui mobilise le pilote, même pas l’intérêt de ses mandants et surtout pas l’intérêt général. Et puis comme une petitesse peut en stimuler d’autres il semble que seule la communauté des 3B souhaitait nettement cette stratégie différente. En effet pour les autres communautés membres, le rapport cotisation sur retour de financement est connu pour être suffisamment défavorable à la plus grosse communauté pour qu’elles soient incitées à jouer encore un peu ce petit calcul à courte vue, cette « pwofitasyon » mesquine.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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