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Libération

Je me souviens que l’été de mes années lycée était consacré à travailler sur l’exploitation agricole familiale. Parmi les travaux à faire il y en avait un pour lequel j’étais toujours candidat et qui pourtant était peu prisé des autres salariés. Il s’agissait de mettre en bouteille avec un simple larron équipé d’un robinet automatique le pineau et le cognac. Ce travail bien paisible me permettait surtout d’écouter France Inter tout au long de la journée et de penser à tout autre chose qu’à mon travail de routine. C’est ainsi que j’ai encore en mémoire une émission de Jacques Chancel, radioscopie, consacrée à Jean Paul Sartre. C’était en 1973 et le philosophe qui me passionnait déjà et dont j’avais commencé à lire la littérature, « les mots », « la nausée », « les chemins de la liberté » mais aussi déjà les essais les plus abordables comme « l’existentialisme est un humanisme », avait accepté l’interview, fait rare puisqu’il avait décidé de ne plus paraître à la télévision ou à la radio. Mais il avait une motivation de taille. Alors que Chancel tentait à intervalles régulier de le ramener à sa question essentielle immortalisée par la formule « et dieu dans tout ça », Sartre colérique revenait avec insistance à son combat du moment qui était le lancement du journal Libération. Il parlait d’information indépendante du pouvoir financier, de démocratie directe, de style d’écriture nouveau à trouver pour ce journal, avec cette voix à la tonalité si particulière qu’il m’a fallu du temps pour la relier à l’auteur des livres que je lisais. L’épopée Libé se poursuit et je ne sais pas si les évènements récents feraient se retourner dans sa tombe celui qui dans le même temps où il se battait avec la Cause du peuple puis avec Libé écrivait son énorme essai sur Flaubert qui restera inachevé « l’idiot de la famille », mais la lecture de l’édition du vendredi 20 juillet l’aurait sans doute fait réagir. Laurent Joffrin a joué l’ouverture et donné la parole aux éditorialistes classés à droite pour un Libé tout bleu. Peut-être l’avez-vous lu. Le mélange est savoureux. A côté du titre dans le plus pur style Libé « Fin de cavale pour Chirac », on trouve les billets de Nicolas Beyrout, François D’Orcival, Alexandre Adler, Jean d’Ormesson, Philippe Manière, Philippe Tesson et Denis Tillinac.  Je ne résiste pas à l’envie de vous faire partager la contribution de Tillinac. Il me rappelle comme le disait Alain Madelin que je suis plus libéral que de droite mais son style me plait et m’épate.

 
Oui, le sport est foncièrement de «droite»
Comme en politique, il faut vaincre l’adversaire sans pitié. Car seule la victoire compte.
Par DENIS TILLINAC
Du temps où j’étais étudiant, la passion pour le sport était considérée par le gauchisme ambiant comme réactionnaire, voire fascisante : le «culte du héros», l’esthétisme, le dépassement de soi, la «fraternité virile», etc. Le fait est qu’en incurable réac, je goûte les vertus guerrières exaltées dans le jeu du rugby et l’élitisme subtil des codifications de tous les sports concoctées par la gentry victorienne.
 
Surtout, j’aime la merveilleuse injustice qui permet aux champions de déjouer les lois de la pesanteur tandis que leurs adversaires les subissent. Aux uns la grâce qui hisse le surdoué dans le ciel étoilé de la légende ; aux autres le néant. En tout cas, l’anonymat. Oui, le sport est de «droite», comme un journaliste de Libé est de «gauche» : foncièrement, irrémédiablement.
A droite, ceux qui adulaient l’archange blond Anquetil, parce qu’il gagnait toujours, avec le panache en prime, une coupe de champagne aux lèvres le soir de chaque étape du Tour de France. A gauche, socialos ou cocos, ceux qui lui préféraient le talent indéniable, mais besogneux, de Poulidor, toujours deuxième à l’arrivée. On l’appelait «Poupou», c’est tout dire. En sport, il faut vaincre, ou mourir à la gloire. Mieux : un champion se doit de vaincre avec du style. Or, il est admis que l’obsession du style définit un écrivain de droite. Vaincre son anatomie, sa physiologie, son psychisme. Tremper son «moi» dans l’acier d’une ascèse. Puis vaincre l’adversaire. Sans pitié. Il s’inclinera, car le fretin, toujours, finit par rendre hommage à la grandeur. Laquelle fraternise sans outrecuidance avec le vaincu, pourvu qu’il ait été loyal et valeureux.
La France est à droite, bel et bien, pour avoir élu un champion. Sarkozy a vaincu ses complexes pour gagner une campagne de France en bazardant ses adversaires dans la voiture-balai, depuis Le Pen jusqu’à Bayrou et Villepin. Comme les champions se reconnaissent entre eux d’une génération l’autre, Chirac a senti, d’instinct, qu’une ultime comparution eut équivalu au fameux «match de trop». Restait à régler son compte à Ségolène, qui possède de la star sportive les avenants physiques, le désir forcené de vaincre, la foi en son «moi» .
Championne, la belle Ségo ? Non, puisqu’elle a perdu. Qui s’intéresse au deuxième du Tour ? Personne. C’est pourquoi on va lui trouver tous les défauts du monde : en sport, mort au vaincu ! Elle sera championne si elle revient dans l’arène dans cinq ans, et gagne la course à l’Elysée. Aucune autre ne compte en politique, dans ce vieux pays de bretteurs, depuis que Jospin a commis l’erreur (pour lui) de mettre les législatives après la présidentielle.
Pour l’heure, depuis la retraite de Zidane, la méforme de Mauresmo et sous réserve d’une révélation lors de la prochaine Coupe du monde de rugby, il n’existe qu’un champion en France : Sarkozy. Il a vaincu, et avec la bienveillance légèrement ironique et dédaigneuse des vrais champions, il consent à ses adversaires l’aumône d’une présence sur le podium. En bas, pas sur la plus haute marche. Il «ouvre» en politique, sans mesquinerie ni vergogne, comme on ouvre au rugby quand on mène de vingt points à cinq minutes de la fin du match. Il ouvre à gauche parce qu’il a gagné à droite; c’est dans son rôle et ça ne manque pas d’élégance. En sport, on est «macho» sur le terrain, on traite l’adversaire de «gonzesse», on transpire la virilité, on s’en abreuve. Du moins au rugby, le dernier must du snobisme bobo, ce qui prouve que même les électeurs de Ségo ont basculé à droite, sans le savoir. Bref, on est des mecs.
Mais après le match, le combat ou la course, le champion exige, pour mieux reluire, l’hommage de la féminité. C’est toujours la miss locale qui remet un bouquet, assorti d’une bise, au vainqueur du jour, et une pléthore de sous-miss complètent le décor. En vrai champion, Sarkozy apparaît sur les écrans environné de femmes toutes belles, toutes fraîches. Valérie, Rachida, Nathalie, Rama, Christine. Voilà pourquoi, entre autres raisons «droitières», les débuts du sarkozysme m’inspirent de l’allégresse. J’y retrouve mes frissons, mes fascinations, mes appréhensions d’amoureux du sport.
(1)   Président des éditions de la Table ronde. Dernier ouvrage paru : Je vous revois, Gallimard (2006).
 
 
Puisque j’en suis à la revue de presse j’ai lu avec un intérêt tout particulier l’interview d’Alexandre Loukachenko, le président très autoritaire de biélorussie, parue dans le Monde daté du 21 juillet. Un ami arboriculteur qui a planté une belle surface de vergers de pommiers près de Minsk me parle souvent de ce pays et je vais l’accompagner dans quelques jours pour un petit périple d’une semaine entre Minsk, ce verger et Vilnius en Lituanie où se tient cette année le Prognosfruit (congrès annuel pour la prévision de récolte européenne et mondiale de pommes et de poires). Je prends avec moi un appareil photo et mon ordinateur connecté « everywhere », du moins je l’espère, parce que j’ai l’intention de vous raconter et de vous montrer les aspects de ce voyage susceptibles de vous intéresser. Bonne nuit.   
 
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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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J
Et vlan je me présente en victime, la ficelle est grosse tout de même. <br /> Par contre, je reconnais ma parfaite méconnaissance du dossier Anquetil/Poulidor, je suis sur que la métaphore est pertinente <br /> Pour le sport je continue à crier vive le sport. Les brebis galeuses ne doivent jamais nous faire occulter les authentiques champions qui nous font réver par la force de leurs exploits. Le sport comme la culture nous sort de l'uniformité et oserais-je, de l'égalitarisme forcené qui reste la plus grande des mystification d'une certaine classe politique. <br /> Quand au clivage gauche/droite il articule notre vie politique depuis que la République est née. <br /> Les français sont attachés à ce système, s'ils ont du mal à se définir parfois, ils n'ont aucun mal en revanche à placer nos hommes politiques sur l'un ou l'autre des bords de notre échiquier politique.
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D
La bien pensance...<br /> La voilà justement la marque de l'uniformité de pensée d'une droite qui prétend s'opposer à la morale dominante: la gauche, c'est les autres, c'est les bien pensants!<br /> Quand on pense au nabot qui se prévalait de Jaurès et de Blum!<br /> C'est passé de mode, mon cher St-Hub, de vouloir encore et toujours se victimiser.<br /> Reprendre en chœur les couplets imbéciles de Tillinac, ce serait avoir une pensée différente?<br /> Je te signale que sociologiquement l'opposition Anquetil-Poulidor doit être traduite par l'évolution de la société dans les années 50/60 avec d'un côté le modernisme et la Cité traduits par les Anquetiliens qui était contestée par les Poulidoriens, représentants des traditions populaires et des anciennes habitudes de vie très liées à la terre.<br /> Ne voir que Droite contre Gauche, c'est continuer de vivre en aveugle, ou en borgne: car au royaume des aveugles, les borgnes sont rois!<br /> <br /> Au fait, du goût suave de la victoire, qu'en dit Vinokourov aujourd'hui?<br /> <br /> Vive le sport!
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J
Salut les cow-boys, ça dézingue dur à ce que je lis. J'espère que vous prenez autant de plaisir à rédiger vos billets, que j'en ai à les lire. La pertinence de vos billets me séduit, je suis juste dubitatif sur le ton de vos propos. Je ne peux m'empécher d'y déceler une pointe d'inquisition. Bien à vous mes princes de la bien pensance.
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L
Daniel, tu confonds courage et fanatisme. Ce cher Jean Hubert fait partie de ces derniers qui essaient pour se donner bonne conscience en proposant le débat et se noient dans un gargouillis littéraire digne de Steevie aux guignols. Je suis allé voir son site web.... ça se confirme!
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D
J'en avais déjà parlé plus bas de son orthographe plus que primaire, mais cela n'a pas eu l'heurt d'intéresser le chevalier de St Hubert, trop occupé de chasser le perdant.<br /> Ça me fait penser à un célèbre court métrage de Chabrol où l'on voyait un péquenot trop heureux de se faire inviter à une chasse à courre chez des aristos, sans savoir que le gibier ça allait être lui...<br /> Car en contrepartie des gagnants il faut savoir qu'il y aura toujours et forcément des perdants et que la règle du combat fait souvent que ce sont toujours les mêmes: ceux que la société a par avance désignés...<br /> Etre de gauche c'est refuser que les dés soient pipés... Etre de droite c'est vouloir poursuivre le jeu au-delà des règles de morale qui le régissent.<br /> <br /> Y'a pas de courage là dedans.
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