29 Octobre 2012
L'arboriculture fruitière m'a proposé d'écrire un billet d'humeur pour son prochain numéro consacré à la pomme. Au risque de heurter quelques âmes sensibles, je vous en livre la teneur en avant première. Il n'est sans doute pas facile de se faire un point de vue quand on n'est pas spécialiste, mais vous connaissez la très haute estime que j'ai pour vous mes chers et courageux lecteurs.
Au mois d’aout, lors d’une réunion informelle en marge de l’Outlook Conference à Chicago, nos collègues américains ont cherché à comprendre pourquoi l’Europe bannissait l’utilisation de la Diphénylamine (DPA) pour le traitement de l’échaudure des pommes. Les motivations invoquées de ce côté ci de l’Atlantique ne leur ont vraiment pas semblé très crédibles. Si la LMR (limite maximale de résidus) pour cette matière active devait comme prévu être abaissée au seuil de détection, l’air dépité, ils nous ont indiqué qu’ils cesseraient alors d’expédier des pommes vers l’Europe. Ils n’envisagent pas un instant de renoncer à l’efficacité du DPA. On pourrait se réjouir que cette interdiction ait pour effet de faire barrière aux importations. Ce serait oublier l’essentiel auquel les américains pragmatiques accordent la plus haute importance. Les marchés en développement sont du côté de l’Asie. L’Europe avec ses 450 millions d’habitants ne détermine plus le cahier des charges de la production aux Etats-Unis ou ailleurs dans le monde.
Avec une pomme sur deux exportées, ce nouvel handicap de compétitivité qui s’ajoute à tant d’autres livrera au bulldozer une part supplémentaire du verger français. La balance commerciale dont le déficit est déjà abyssal s’aggravera encore un peu plus.
Avant d’être probablement réduite à zéro, la LMR du DPA est maintenue à son niveau actuel jusqu’à mi 2013. Cette situation nous a conduit à revendiquer assidument une dérogation pour utiliser cette récolte encore le DPA. Nos collègues Portugais et espagnols en ont obtenu une. Nous avons fini par en avoir une aussi. Mais c’était le 10 octobre, pour deux variétés, Granny et Braeburn et surtout pas pour les pommes qui sont destinées à la transformation.
A cette date là, la récolte de ces variétés est déjà en partie dans les chambres froides et comme un pourcentage des pommes est toujours forcément destiné à faire du jus ou de la compote, la dérogation ne sert à rien.
Des mois de mails, de courriers, d’argumentaires et de rencontres pour finir par cette absurdité ubuesque. Les politiques et l’administration se protègent, Générations Futures et les sénateurs votent à l’unanimité un rapport sur les produits phytosanitaires qui enfonce des portes ouvertes et exaspère un peu plus les producteurs. A ce rythme là, comme le disait déjà Michel Audiard, « le jour est proche où nous n’aurons plus que l’impôt sur les os ».
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
Voir le profil de Daniel Sauvaitre sur le portail Overblog