17 Janvier 2014
Les Boufferands, c’est un lieu dit de ma commune de Reignac. Les salons Boffrand sont eux au palais du Luxembourg, à Paris. Et c’est là, au milieu des tapisseries et des gobelets, que j’ai assisté ce soir aux vœux de Jean Pierre Bel, le président du Sénat.
Je suis entré dans les lieux en même temps que le Président de la Cour des Comptes, Didier Migaud. Ce qui m’a permis de bénéficier opportunément de la haie d’honneur de la garde républicaine. Elle se doit d’être toujours là quand ministres et hauts personnages de l’Etat sont conviés. Et, vous vous en doutez mes très chers lecteurs, même si cet apparat n’était bien évidemment pas pour moi, je n’ai pas été insensible au clinquant de l'accueil.
Didier Migaud a été dirigé vers l’ascenseur et moi vers l’escalier évidemment. Dans les salons, les huissiers ont ensuite parqué le premier magistrat à l’intérieur du cordon rouge, dans le premier cercle de l’estrade. Moi, juste de l’autre côté, pour ne pas perdre une miette des regards et des conciliabules des hauts dignitaires du pays. Parce que Jean Marc Ayrault, Laurent Fabius, Manuel Valls, Christiane Taubira, Claude Bartolone, Pierre Gattaz, Benoit Hamon, Jean Pierre Raffarin et quelques autres sont arrivés les uns après les autres pour entourer le Président du Sénat. Dans la salle, si j’ai bien compris, c’étaient principalement des ambassadeurs qui étaient conviés, en plus des représentants des corps constitués ou des organisations professionnelles comme moi.
Assez long discours, un brin soporifique, du Président. La dernière partie était un plaidoyer poussif pour le bicamérisme. Ou, de l’utilité du Sénat à l’heure où il est à nouveau largement décrié. L’utilité de deux chambres au sommet de l’Etat n’est pourtant plus à démontrer, nous le savons… de Marseille. Cela a encore été confirmé par Closer la semaine dernière.
Mais, au-delà de la bagatelle, les bons arguments à mon sens ne manquent pas. J’ai pour cela trouvé la démonstration du Président un peu poussive et brouillonne. Jean Pierre Raffarin, qui très légitimement envisage de devenir le deuxième personnage de l’Etat en fin d’année, n’en perdait pas une miette, sans que je sache ce qu’étaient à cet instant précis ses pensées.
Pourquoi faut-il d’ailleurs que j’espère toujours des discours plus inspirés, plus connectés avec le public, tout en haut de l’Etat? Un texte lu, comprenant une infinité de détails et une litanie de poncifs assez convenus, se substitue trop souvent aux idées force que l’on souhaiterait entendre dans la bouche d’un leader. Comme en ce moment sur l'organisation territoriale du pays.
Si Mélenchon avait été dans la salle, je suppose qu’il aurait conclu par: « Bel a parlé, les huitres baillent. Passons aux choses sérieuses. A taaable… ».
Une poignée de main à Guillaume Garot, le secrétaire d’Etat à l’alimentation que nous avions rencontré dans son bureau la semaine passée, un compliment pour son travail à Didier Migaud qui me remercie d’un « c’est gentil » très poli. Et puis c’est vers Pierre Gattaz que je me dirige pour avoir son sentiment sur le nouveau message présidentiel. « Je l’ai rencontré quatre fois » me dit-il « et inlassablement j’ai répété, faites le choix de l’entreprise monsieur le Président ». Alors lire ce même jour en première page du Monde : « Hollande impose à la gauche le choix de l’entreprise » est une vraie satisfaction. Henri De Castries, le patron d’AXA l’a appelé l’après midi même, me confie t-il, pour lui dire qu’il n’en revenait pas des mots qu’il avait entendu dans la bouche de François Hollande. Réduction de la dépense publique, baisse des charges, amélioration des marges des entreprises et surtout l’offre qui précède la demande. Adieu Keynes, vive Milton Friedman. Impossible de se souvenir qu’un président ait été aussi clairement libéral dans le texte depuis des lustres.
Les mots ont été prononcés et l’espoir renait dans le monde économique. Bon, il y a bien ce pacte de responsabilité qui rappelle que l’habillage politique reste d’actualité. Et que la surenchère Montebourgeoise n’est jamais très loin. Deux millions d’emplois, demande t-il, pour bien montrer qui commande et qui doit rendre des comptes. Mais plus personne n’est dupe aujourd’hui, François Hollande vient de jeter aux orties ce qu’il restait encore de l’idéologie socialiste franchouillarde au PS.
Alors ne soyons pas naïfs, le dire c’est bien, mais le faire c’est mieux, comme nous l'a appris Bourvil. Et là mes très chers et dubitatifs lecteurs, c’est loin d’être gagné.
D’abord, il faut relativiser la promesse de baisse des charges des entreprises par le transfert des cotisations familles sur le budget général évaluée à 30 milliards d'euros. Souvenons nous que le CICE que vont acquérir les entreprises en 2014 et encaisser en 2015 représente 20 milliards d'euros et qu’il s’agit d’un crédit d’impôt. La suppression des cotisations famille doit à terme remplacer le CICE, comme cela n'est pas vraiment dit mais parfaitment sous entendu. Eh bien, miracle, mes chers lecteurs, il se trouve que cela ne fera pas un euro de plus pour les entreprise que ce qui leur a été promis avec le CICE. En effet entre un crédit d’impôt de 20 et une baisse de charge de 30 qui génère 10 de fiscalité le solde de 20 pour les entreprises est rigoureusement le même. Redonnner de l'mpôt ou baisser des charges, ça n'a pas le même valeur.
Pour un bon décodage de l’opération, il faut se souvenir que début 2012, Nicolas Sarkozy avait déjà engagé et fait voter la suppression des cotisations familles sur les salaires pour les transférer sur le budget général en les finançant par une hausse de la TVA. François Hollande a annulé le dispositif dès son élection et institué le CICE peu après. Il programme la suppression aujourd’hui de ce même CICE avant que le premier euro n'ait été touché par les entreprises. Et il remet en place le dispositif institué par Nicolas Sarkozy et durement dénoncé début 2012, puis supprimé, avant qu’il ne soit devenu opérationnel. Le tout sous les vivats aujourd’hui des commentateurs qui trouvent l’initiative courageuse et oh combien pertinente pour sortir courageusement le pays de la crise. On est prié de ne pas rire. Plus de deux ans de perdus et une usine à gaz de transition pour masquer la manipulation qui nous ramène deux ans en arrière.
Le même raisonnement peut être développé pour la réforme territoriale. La génial Nicolas Sarkozy institue lors de son mandat le conseiller territorial pour réaliser la fusion politique entre la région et le département avant de procéder à la fusion administrative des deux collectivités. Une avancée astucieuse et nécessaire pour accompagner l’importance prise par les communautés de communes et d’agglomérations.
Patatras, François Hollande, annule le dispositif et fait voter une contre réforme. Il diminue par un peu moins de deux les cantons et on institue le scrutin majoritaire binominal mixte à deux tours. A la louche, un homme et une femme pour chaque canton. Une création à plein contresens de l’Histoire.
Deux conseillers départementaux en couple libre et de circonstance aux inaugurations au lieu d’un onaniste seul aujourd’hui. Tous les autres élus sont bien sûr encore de la noce.
Avant d’accomplir cette régression contre révolutionnaire absurde, le Sénat avait lancé une vaste enquête auprès des élus locaux. Ils ont massivement revendiqué le plus parfait immobilisme et inévitablement des moyens supplémentaires par plus d'autonomie fiscale.
Pour faire diversion le Président vient d’annoncer qu’il y a peut-être finalement un peu trop de régions et que certaines pourraient être amenées à fusionner. Mais en fait, c’est le département qui est d'abord visé. La presse s’est engouffrée dans cette idée polémique de fusion de régions sans percevoir que ce sont bien les départements qui sont dans le collimateur. Que signifie encore le département et sa clause de compétences générale quand une communauté d’agglomération regroupe le tiers ou la moitié, voire plus, de la population d’un département et se trouve en situation d'excercer directement elle même toutes les compétences. Et quand le reste de la population est réuni dans de conséquentes communautés de communes destinées à se prendre en charge seules. L’échelon régional avec des implantations départementales devient alors le complément naturel et suffisant de ces nouveaux vastes espaces de coopération locale
Le Monde en ligne hier a méthodiquement montré comment le programme de François Hollande tendait jour après jour à se superposer à celui que proposait sans faux fuyants Nicolas Sarkozy. François Hollande endosse donc depuis qu'il est Président le rôle ingrat d’accomplir le programme de son adversaire qu’il avait dénoncé vigoureusement.
Il vit une histoire d’amour d’un côté peut-être, mais continue son histoire de faux cul de l’autre avec certitude.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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