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One flew over the cocu’s nest.

Le Monde daté de vendredi a publié un entretien que lui a accordé le 10 septembre Andrew Liveris, le dirigeant de l’un des tout premiers groupes mondiaux de la chimie, Dow Chemical. Il se trouve que j’ai eu la chance d’être sollicité pour participer ce même jour à une table ronde autour de ce grand patron de passage à Paris. Et c’est ainsi mes chers lecteurs que votre bloggeur préféré s’est retrouvé parmi une petite quinzaine de personnes dans le salon Marie Antoinette du Plazza Ahénée, le prestigieux palace de l’avenue Montaigne, pour échanger avec ce solide, direct et jovial australien natif de Darwin.

Cette rencontre devait lui permettre de débattre à bâtons rompus avec ses clients et fournisseurs afin d’en percevoir les attentes tout en essayant de mieux comprendre le contexte économico politique français. Autant vous le dire tout suite, pour une fois, j’ai plus écouté que parlé. La substantifique moelle de ce qui s’est dit est dans l’article du Monde. Tout comme dans la vidéo d’une autre interview donnée quelques mois plus tôt à une télévision australienne et que je vous mets aussi en lien.

Selon lui, l’industrie chimique est menacée à court terme en Europe, principalement par sa perte de compétitivité liée au prix de l’énergie. L’augmentation colossale de l’extraction pétrolière à bas coûts aux USA, combinée avec le dollar et la flexibilité de la main d’œuvre fera perdre un à un tous les marchés des producteurs européens. L’emploi et la croissance s’en ressentiront durablement en Europe. Même si nous disait-il cela finira par s’améliorer un jour.

Ce qui m’a forcément frappé, c’est la vision à long terme d’un patron qui dit faire des plans au moins à 20 ans, fondés sur le déterminisme induit par les innovations technologiques et l’exploitation possible des ressources terrestres en combinaison avec les demandes et les comportements des consommateurs. Les choix politiques nationaux peuvent ralentir vigoureusement ici où là les évolutions, comme en Europe ces temps-ci, ou bien les accélérer, comme aux USA, mais dans le temps elles s’accomplissent toujours.

Andrew Liveris avait été reçu le matin même par le ministre Arnaud Montebourg. Je m’attendais à une mimique entendue pour marquer le fossé des cultures entre les deux hommes. Et bien non. Il a été intéressé par ce ministre motivé par le développement industriel du pays qui, lui, serait plutôt favorable à l’extraction du gaz de schiste. Sur ce plan là, je n’étais pas au bout de mes surprises, puisque lors du diner qui a suivi, Pierre Gattaz, notre patron des patrons, à confirmé dans son intervention que le meilleur allié de la cause des entrepreneurs était maintenant ce même Montebourg. Etrange journée pour moi qui avait commencé tôt ce mardi matin à la gare d’Angoulême avec la surprenante une de Libé : François Hollande, le président des patrons.

Le patron de DOW a ensuite regagné le jet de sa société pour se rendre à son rendez-vous du lendemain en Arabie Saoudite où la société investit prioritairement pour bénéficier là aussi des faibles coûts de l’énergie. Un 42ème pays visité depuis le début de l’année avant quelques autres encore d’ici au 31 décembre. De quoi ne plus très bien savoir où l’on habite non ?

Andrew, à son arrivée dans le petit groupe réuni autour de lui, cherchait à se souvenir de son précédent passage en France. Ah oui se rappela t-il, c’était pour participer au G20 en novembre 2011 à Nice. Il était passé par Paris pour être reçu avec beaucoup d’autres grands patrons « at The White House of France ». l’Elysée ? Oui c’était bien ça. Il se souvenait avoir vu entrer le Président dans la salle pour un monologue d’une heure, très critique vis-à-vis des américains et de la finance, qui ne l’avait semble t-il pas convaincu. Même chose ensuite à Nice où il avait trouvé utiles les échanges entre patrons mais semblait encore très dubitatif sur l’apport des politiques quand ils se sont joints aux débats.  

Ce qui m’a laissé perplexe et presque fait monter dans les tours ce mardi 10 septembre, vous pouvez vous en doutez, c’est le changement de grille de lecture politique auquel j’avais assisté.   

En fait je n’ai peut-être rien compris au film. François Hollande et son gouvernement se préoccupent prioritairement des entreprises et je ne m’en étais pas rendu compte. Regardons-y tout de même d’un peu plus près.

C’est vrai, comme je l’ai rappelé dans mon dernier article, que l’arrêt de la fameuse défiscalisation des heures supplémentaires s’est fait au détriment des seuls salariés. Le million et demi de nouveaux contribuables sur le revenu qui font le siège depuis quelques jours des centres des impôts, croyant à une erreur tant la facture les surprend, témoignent aussi de l’élargissement significatif par le bas de l’assiette des revenus imposables. L’arrêt des augmentations à la pompe a été lui aussi plus qu’éphémère, si tant est qu’il ait jamais existé. Le mouvement taxatif va se poursuivre dans le même sens, puisque la TVA va augmenter au 1er janvier. Il faut le reconnaître, François Hollande excelle magnifiquement à faire payer les pauvres tout en promettant l’inverse depuis son arrivée au pouvoir. Je subodore quand même que les français trouvent l’impôt aux roses piquantes un peu douloureux ces jours-ci.

Parce que dans le même temps, la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1.000.000 d’euros s’est évanouie au profit d’un impôt  subliminal des entreprises. Une niche a été construite pour préserver les clubs de foot et leurs précieux joueurs, si nombreux à pulvériser ce modeste revenu de référence. Un CICE a été institué pour redonner dès la deuxième année la moitié du produit de l’impôt sur les sociétés aux entreprises. Et semble t-il, le Président laisse entendre que le taux de l’impôt sur les sociétés pourrait aussi baisser. Bon, la révision de l’impôt sur la fortune a bien constitué une attaque en règle des riches. Mais là encore c’est dans le bas de la fourchette, chez les petits riches, que les prélèvements augmentent. Les vrais riches partent les uns après les autres sous d’autres cieux plus cléments laissant à plus modeste le soin de se saigner un peu plus.

Une savante distribution de hochets à pas cher permet d’attirer l’attention des médias et du public sur le mythe de la guerre aux riches et à la finance. Tout ça pour mieux faire les poches des badauds de français toujours prêts à croire au père Noël, au rasage gratis et aux lendemains qui chantent. Plus grosse est la ficelle et plus elle est solide, disait en son temps Jacques Chirac, le mentor corrézien de François Hollande.

Alors me direz-vous, de quoi je me plains ? Après tout, la fin justifie les moyens nous expliquent les révolutionnaires montebourgeois et mélanchonesques non ? Si c’est le prix à payer pour rendre les entreprises plus compétitives sur les marchés internationaux, réindustrialiser le pays pour créer des emplois et faire revenir la croissance. Pourquoi ne pas le faire comme ça, en loucedé ?

Le problème, vous vous en doutez mes très perspicaces lecteurs qui avez déjà trop payé pour rêver encore, c’est qu’il y a un gros bug à ce jeu de bonneteau fiscal. C’est qu’il se fait en complexifiant encore un peu plus la tuyauterie de l’usine à gaz des prélèvements et redistributions qui touche plus de la moitié du PIB du pays. Prélèvements et dépense publique sont encore à la hausse. Donc au bout du compte la compétitivité de la France continue de chuter au lieu de s’améliorer. L’emploi public, Etat, collectivités et organismes sociaux confondus, repart à la hausse. L’inefficience de notre organisation, qui continue de s’aggraver de par les initiatives de nos politiques Shadocks, plombe donc encore un peu plus le pays et les français.

Jean François Copé annonce que lorsque la droite reviendra au pouvoir elle baissera massivement les impôts et diminuera d’un million le nombre de fonctionnaires. Alain Juppé lui répond qu’il faut être sérieux et qu’il ne voit pas très bien où on peut les prendre. On imagine aisément que ce ne sera pas simple. Alors, une nouvelle fois mes très chers lecteurs, vous allez avoir le privilège sur ce blog de la solution à la quadrature de ce cercle politico administratif vicieux..

Les sous doués qui nous gouvernent partagent assez largement une croyance qui nous ruine. Pour eux, agir consiste à taxer le vice pour pouvoir financer la vertu. Une inspectrice des finances brillantissime me disait très sérieusement il y a quelques jours que le produit de la taxation supplémentaire prévue sur la consommation agricole de produits phytosanitaires serait entièrement redonné à l’agriculture. C’était assez exceptionnel de la part de Bercy pour que je sois prié d’apprécier le geste à sa juste valeur. Vous aurez remarqué que c’est exactement la présentation qui a été faite de l’impôt vert à venir. 4 milliards de taxes sur les énergies polluante pour subventionner les comportements plus écolos On prélève pour redonner. Bon c’est vrai, nos têtes pensantes n’ont pas encore choisi comment. Mais aucun doute n’est permis, ce sera pour la bonne cause et pour le bien du pays. 

C’est ainsi qu’il a fallu collecter l’impôt pour compenser une partie du coût de la réduction du temps de travail de Martine au ministère du travail. De l’impôt est collecté par les régions pour faire des chèques aux familles afin qu’elles achètent les livres scolaires des enfants. De l’impôt est aussi collecté auprès des contribuables de Reignac pour que la commission européenne puisse avoir une tirelire pour subventionner la rénovation du lavoir de ladite commune. Je pourrai continuer à l’infini l’inventaire des motivations politiques vertueuses, « péréquatrices », de la collecte d’une bonne part de l’impôt.  Et je pourrai démontrer à chaque fois que non seulement l’objectif n’est jamais atteint mais qu’à chaque fois une tuyauterie administrative a été mise en place qui a consommé inutilement une part significative de l’argent collecté. C’est ainsi que s’est créée l’inefficacité qui plombe notre compétitivité. Le système est tellement sophistiqué que chacun se persuade qu’il a été assez malin pour récupérer plus qu’il n’a donné, contribuant ainsi à faire durer le système. Les politiques achètent ainsi leur réélection et l’administration concernée s’accroche à son action redistributrice des miettes qui restent. Ceci s’accompagne évidement de l’emballement normatif nécessaire à la justification du mécanisme. Dans ce domaine là, la créativité française est sans limites.

Comment alors arrêter ce processus qui s’accélère au moment où le malade n’en peut mais ? Très franchement, je suis devenu assez pessimiste quant à une réorientation politiquement maitrisée, tant il est devenu quasi impossible de faire changer la route du Titanic. D’autant plus que je n’entends aucun leader proposer ce programme. Puisqu’il nous touche tous individuellement et qu’il est de fait électoralement suicidaire. En effet, la pédagogie nécessaire pour faire percevoir les bienfaits à attendre de la remise en cause de l’engrenage dévastateur, tout comme de la libération des effectifs affectés à cette destruction de richesse, semble hors de portée. Et puis très peu parmi ceux qui briguent un mandat ont conscience du problème. La preuve, une fois élu ils persévèrent plutôt dans la mauvaise direction et voire même accélèrent.

Un lent pourrissement est plutôt à prévoir. Jusqu’à ce que l’asphyxie soit plus sévère encore et que la comparaison avec d’autres pays ne vienne faire tomber cet autre mur du collectivisme.

Et puis cet article est aussi  une bouteille à la mer sur internet pour solliciter tous ceux qui sont conscients du problème et qui ne succombent pas à la tentation de se fondre dans le moule afin qu’ils s’engagent dans un conseil municipal ou dans tout autre organisation influente.

Si je ne craignais pas d’être trop long aujourd’hui, je vous aurais bien commenté l’éditorial de Jean Claude Guillebaud dans le Sud Ouest dimanche de ce jour. Le brave homme y décrit à son habitude la mocheté du monde, les écarts insupportables de revenus, la « cupidité addictive » des riches toujours plus riches, le renoncement de la gauche, la droite si loin du problème et la télé qui abêtit le peuple au lieu de l’instruire et de le révolter. A part proposer de s’attaquer enfin à la finance et appeler à la raison, l’éditorialiste n’a aucune solution évidement à proposer. Il est malin le moralisateur triste, faut quand même pas lui demander de ruiner son fond de commerce en étant trop pro actif comme on dit dans les entreprises.  La « cupidité addictive » selon Guillebaud me fait penser à la parabole de la paille et de la poutre. C’est souvent celui qui le dit qui l’est.

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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