1 Septembre 2013
En pèlerinage à Chartres, Charles Péguy voit un type fatigué, suant, qui casse des cailloux. Il s’approche de lui et lui demande : « Que faites-vous, Monsieur ? « vous voyez bien, je casse des cailloux, c’est dur, j’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Je fais un sous métier, je suis un sous homme ». Il continue et voit un peu plus loin un autre homme qui casse les cailloux; lui n’a pas l’air mal. « Monsieur, qu’est ce que vous faites ? » « Eh bien, je gagne ma vie. Je casse des cailloux, je n’ai pas trouvé d’autre métier pour nourrir ma famille, je suis bien content d’avoir celui là ». Péguy poursuit son chemin et s’approche d’un troisième casseur de cailloux, qui est souriant et radieux : « Moi, Monsieur, dit-il, je bâtis une cathédrale. »
Je pensais une nouvelle fois à cette fable vendredi, lors de l’inauguration de la foire exposition de Barbezieux. Cette année encore, une armée de bénévoles a travaillé à la préparation de ces trois jours, en assure le bon déroulement jusqu’à dimanche soir et remettra tout en ordre ensuite avant de s’engager dans la préparation de la prochaine édition.
Qu’est ce qui les anime ? Quelle est donc leur récompense ? D’où vient leur sourire et leur joie ?
Le sentiment mérité sans doute d’être l’un des artisans essentiels de la rencontre populaire, festive et commerciale la plus prisée d’au moins 25000 visiteurs cette année. La fierté aussi de participer à une aventure périlleuse qui n’a de chance de réussir que si chacun est au meilleur de sa contribution. La plénitude de faire partie d’une équipe solidaire, conviviale et efficace. Le bonheur de ressentir la reconnaissance de tout un territoire et de sa population. Et puis, tous les moments de complicité et de détente entre membres organisateurs qui émaillent l’année et qui réchauffent les cœurs.
L’implication de chacun nait aussi de la confiance dans le leader du projet. Un parmi le groupe, il fixe le cap avec assurance, il est capable de surmonter les embûches et de résoudre les équations impossibles. Chacun sent en lui le chef solide qui se bat à leur côté et prend toute sa part à l’effort. Et par-dessus tout, il sait leur exprimer de la reconnaissance et du respect.
C’est tout cela que j’ai ressenti intensément quand André Meurailon a pris la parole pour ouvrir la foire vendredi après midi. L’hommage à Pierre Jaulin d’abord, ému et chaleureux, qui venait du cœur. Le rappel du challenge relevé pour cette nouvelle édition dans un contexte économique déprimé. Le budget de 300.000 euros avec seulement 4 % de subventions des collectivités qui suggère l’étendue du risque assumé. Le goût de l’action, du défi, du travail. Cette démonstration que chacun de nous peut changer le cours des choses. André n’a rien oublié dans son discours. Tout était clair, direct, vrai, méthodique, concret, posé, utile, essentiel même, chaleureux, incarné, vécu de bout en bout. Chapeau l’artiste.
René Vignerie, comme chaque année d’ailleurs, s’est inscrit dans un registre strictement opposé en prenant la parole à son tour. Pas un mot malheureusement pour Pierre ni au début, ni à la fin. Son sujet était autre à cet instant. Loin des contingences de la vie des hommes et des femmes du territoire.
C’est une sorte d’adepte d’un taoïsme charentais mal compris qui a pris la parole. Le non faire et le non agir en est, on le sait, la devise quotidienne. Alors pour combler l’insondable vide, René s’est lancé dans ce que j’ai pensé être une parodie de Jean Jacques Vannier, l’humoriste. Le principe comique est très ambitieux. Dire des choses idiotes, banales, le moins drôles possibles, lentement, en les étirant sans cesse, sans fin, glisser vers l’incohérence, l’absurde, jusqu’à ce que le mal à l’aise s’installe dans le public et qu’à force d’à force le comique saisisse enfin le public.
Je reconnais que c’était risqué. Mais allez donc savoir pourquoi, ça n’a pas marché. Pas un contrat en vue pour le comique de foire qu’il a tenté d’être pendant de trop longues et interminables minutes. Cette histoire niaiseuse de début d’année 2014 qui commence le 1er septembre, comme cela devrait être le cas pour les suivantes, parce que tout cela n’est que convention et habitudes, alors que la foire démontre depuis longtemps que le seul vrai début d’année c’est maintenant, et qu’il faudrait que ça change partout, que le début d’un cercle on ne sait pas où c’est, alors pourquoi pas là plutôt qu’ailleurs, les astres, le pape, les saints Sylvestre et les autres, le nombre de secondes, les révolutions de la lune et de la terre et tout et tout. Putain qu’elle était craignos ta démonstration René…..
Le plus atroce pour un comique, c’est de ne pas réussir à faire rire. Et là, les rires n’étaient pas roses du tout dans le public, mais bien jaunes et passablement gênés.
La succession des deux interventions évoquent malheureusement en creux les logiques très différentes qui président à la vie d’une association, d’une activité salariée ou d’une entreprise, avec celle d’une collectivité qui reçoit de l’impôt. Si Dédé avait tenu le discours de René, la foire serait en péril imminent grave. Alors que dans une collectivité, l’inertie est telle que si par ruse électorale on réussit à faire prendre une vessie pour une lanterne, le déclin peut durer et durer, un peu comme la démonstration de René.
Au moment où nous entrons dans la préparation des élections municipales de 2014, une nouvelle fois les discours d’ouverture de la foire exposition de Barbezieux auront apporté un éclairage essentiel pour la population. Evidemment, comme on me l’a fait remarquer, peu de personnes ont assisté à cette évaluation comparée des talents. Je me demande quand même si une vidéo n’a pas été faite du show qui pourrait être publiée à froid sur YouTube pour en élargir l’audience.
Qu’en pensez-vous mes très chers lecteurs ?
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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