3 Février 2013
La bataille d’amendements qui se livre en ce moment même à l’Assemblée Nationale ne me réjouit pas. Dès lors qu’ils sont minoritaires, les députés de droite, comme ceux de gauche, s’emploient consciencieusement à retarder autant qu’il est possible de le faire l’adoption quasi inévitable du projet de loi honni. Le camp majoritaire s’offusque, le camp minoritaire revendique l’utilisation légitime de ses droits. Les amendements parfaitement grotesques et dilatoires se succèdent, allongeant ainsi le temps des débats. Les primes pour heures supplémentaires pleuvent sur les heureux travailleurs du palais Bourbon, jardiniers y compris. Tout le petit monde est content. Malheureusement, ce cirque se fait nécessairement à l’insu du plein gré des « happy taxpayers » que nous sommes.
Je ne sais plus qui à gauche avait défendu l’utilité de l’obstruction, arguant du temps accordé à l’opinion publique pour prendre conscience des enjeux et se mobiliser. Le soulèvement attendu justifiant le procédé, pourtant détestable sur la forme. Peut-être.
Sur le fond, j’aurais bien substitué les termes « union civile » à celui de « mariage » pour les couples homosexuels. Je suis encore perclus de doutes sur l'adoption par ces couples, dès lors qu’elle est possible pour une personne seule qui peut choisir de vivre avec une personne du même sexe. L'adoption ne triche pas avec la filiation de l'enfant qui est bien issu d'un père et d'une mère.
En revanche, malgré l’argumentation d’un Philippe Villin, entre autres, que je trouve si convaincant sur les questions économiques, je suis toujours plus que réservé, pour ne pas dire carrément hostile, à la banalisation de la PMA (procréation médicalement assistée) accordée au bon vouloir des femmes homosexuelles. La limite à ne jamais franchir me semble en tout cas parfaitement claire. Nous devons nous interdire sans tergiversations ou atermoiements inutiles la GPA (gestation pour autrui). Il me semble que l’on ne relève pas assez la contradiction accablante qui se manifeste à gauche sur cette question. Qu’un Pierre Bergé puisse comparer la location d’un ventre à celle des bras d’un travailleur aurait du faire hurler tous ceux qui d’habitude dénoncent à bien moins la marchandisation du monde. En cela, la circulaire Taubira n’est en rien innocente tant elle légitime à peu de frais ce troc d’enfants hors de nos frontières. Serge Kempf, qui d’habitude m’exaspère par sa chronique dans le Monde, m’a fichtrement rassuré quand il s’est interrogé sur la cohérence des verts qui, d’un côté veulent soumettre la société à un ordre naturel et qui, de l’autre s’en affranchissent allègrement pour eux même en assumant crânement les pouvoirs de la technologie et de l'argent.
Je vous mets un lien vers une excellente analyse de la philosophe Sylviane Agacinski, compagne de Lionel Jospin. Cet article publié dans le Monde daté d'aujourd'hui s'intitule: "Deux mères = un père ?". Limpide et juste.
Mais c’est une autre Chambre des Représentants dont les débats m’ont passionné cette semaine. D’autant plus, que tout aussi paradoxalement qu’aujourd’hui, gauche et droite, démocrates et républicains, se trouvaient en 1865 à front renversé sur la question de l’esclavage.
Eh oui mes chers lecteurs, je me suis glissé mardi soir dans une salle obscure, en sous sol, place de l’Odéon, pour voir « Lincoln » de Steven Spielberg en VO. Précipitez vous-y à votre tour, recevez le chef d’œuvre. Au pays de l’argent roi, sans soutien public pour son cinéma, sans que Daniel Day-Lewis ne menace de s’expatrier parce qu’on chercherait à lui taxer méchamment son immense talent, Steven Spielberg produit et réalise une fois de plus un film magnifique sur un épisode essentiel de la démocratie américaine et de l'aquisition des droits des afro américains.
Je me souvenais de « Young Mister Lincoln » réalisé par John Ford en 1939 avec Henry Fonda. J’associe encore le nom du président préféré des américains avec celui d’un parc à Chicago ou celui d’un « Center »à New York ou je suis allé écouter Cedar Walton cet été.
Mais je savais bien peu sur le 16ème président des Etats-Unis et sur la façon dont avait pu être obtenue une majorité des deux tiers pour adopter le 13ème amendement qui abolit l'esclavage. Au-delà de ce que le flim et Wikipédia m’ont appris, je suis maintenant tenté de lire « Teams of rivals » de Doris Keams Goodin, le livre qui fonde le scénario du film.
A propos de livre, je suis plongé dans la lecture d’un roman depuis une semaine. Il s’agit de « Atlas Shrugged », d’Ayn Rand, traduit pour la première fois en français en 2011 sous le titre « La grève ». Ce pavé de 1160 pages est parait-il le deuxième livre le plus lu aux Etats-Unis après la Bible et depuis sa publication en 1957.
Au moment où la crise s’accentue, quoi qu'on dise, en France et alentours, au fur et à mesure où Arnaud Montebourg et son ministère du redressement productif joue les pompiers pyromanes, cette lecture est essentielle pour illustrer et comprendre le mal profond dont nous souffrons.
Il suffirait d’ailleurs que cet ouvrage connaisse le même succès en France qu’aux Etats-Unis pour que la crise s’éloigne à coup sûr comme par enchantement. Mais ce ne sera malheureusement pas le cas. La lecture de « la grève » peut plutôt conforter un pessimisme prémonitoire par la démonstration qui est faite de l’impossibilité du système à se réformer lui même. Nous ne ferons, semble t-il, pas l’économie de l’aggravation profonde de la situation que nous connaissons. Il faudra toucher le fond d’abord avant de redécouvrir une organisation plus adaptée. Ce sera nécessairement très douloureux pour tous (ou presque). Patience.
Ce que je vous raconte est forcément un peu ésotérique puisque vous ne savez pas qui est John Galt. En revanche vous connaissez maintenant très bien François Gabart. Je ne résiste pas au plaisir de vous reproduire un passage de la magnifique interview que ce navigateur a accordée à la Charente Libre à son arrivée aux Sables d'Olonnes.
A la question du journaliste qui lui demande: "Et que vous a t'elle (cette course) appris sur vous?", François Gabart répond à chaud ceci.
"Enormément de choses. Je me suis découvert, surpris même. C'est ce que vont chercher les "Vendée Globistes" en se lançant dans cette aventure. Des fois, je me dis: "Comment j'ai fait pour enquiller tout ça?" Mais ce n'est pas du courage. Quand tu es obligé de puiser au fond de toi, tu le fais et tu te découvres des ressources insoupçonnées. Mais il faut se faire mal pour se révéler, être poussé dans ses derniers retranchements. Et une fois que tu as touché du doigt ces sensations, tu te sens plus fort."
Cela vaut pour chacun de nous mes chers lecteurs, quelque soit la difficulté de l'expérience. C'est donc en s'assurant que chaque individu puisse avoir l'opportunité de se retrouver en situation de se faire un peu mal pour se révéler que les difficultés du pays se résoudront. Tout le contraire d'un assistanat généralisé faussement bienveillant.
Qu'en pensez-vous?
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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